Festival MUSICA : c’est déjà fini !
Le Corps n’est pas le tombeau de la musique
(Marc Chaudeur) – Les deux semaines de joie et de stimulation que nous réserve chaque année le Festival MUSICA de musique contemporaine à Strasbourg sont déjà finis ! Et cette année encore, le Festival nous a offert… des palpitations, des pulsations de vie, des perspectives nouvelles et un aperçu sur ce qui nous attend en musique ces prochaines années. Et particulièrement cette année, un regard original et surplombant sur les relations actuelles et futures entre le corps et la musique.
Le dernier concert du Festival a été, dimanche soir, Le Grand Dégenrement, avec notamment l’astrophysicien télévisuel Aurélien Barrau, la violoncelliste et chanteuse Noémie Boutin et des circassiennes venues de Mars – et la grande petite contrebassiste Joëlle Léandre, extraordinaire. Le dernier concert que nous ayons entendu, quant à nous, ç’a été Alles klappt (Tout baigne), du compositeur tchèque Ondřej Adámek dont le magnifique Follow me avait été interprété l’an dernier. Alles klappt, ce sont des lambeaux de restes de vies détruites dans les camps d’extermination ; le fondement en est l’ensemble très mince de lettres envoyées par le grand-père d’Adámek ; des nouvelles censurées, anodines et faussement rassurantes. Et en contrepoint, pendant tout le début de la prestation, des objurgations administratives, un monde froid et métallique digne du Magdalena de Jürgen Fuchs… Et pour le chant : au dépeçage de la parole par les fonctionnaires du pillage et de la mort, qui est répartition collectiviste et anonyme des bribes de commande transmises, répond le bégaiement de l’homme dont l’existence s’en va dans les mains de ses meurtriers bureaucrates. Saisissant et glaçant.
L’ensemble du Festival nous a permis une ample moisson de rires, d’expérience vitale, de stimulations pour la sensibilité et l’intellect et de réflexions. Le thème de cette année, nous semble avoir été amplement traité musicalement, et de manière qu’on eût presque envie de qualifier d’exhaustive. Qu’y et qui manquait-il, en effet ? Conférences, déclinaisons de toutes les occurrences musicales et performantes de la thématique, de Charles Ives à Natacha Diels ou Julia Wolfe…
Et aussi quelque chose des procédés que les compositeurs futurs utiliseront pour résoudre le vieux malaise platonicien de la rupture corps-âme qui marque si durement la musique « contemporaine depuis… depuis Edgar Varese, en tout cas. Le Corps, on le voit désormais sur les partitions, celles de Natacha Diels ou de Filidei et de beaucoup d’autres compositeurs. On le voit dans la proposition gestuelle adressée aux interprètes : de plus en plus souvent, ils vont avoir à apprendre l’expressivité des mouvements sur scène. Et dans l’association de plus en plus fréquente de la musique « contemporaine » avec la danse, quitte à réinventer la chorégraphie qui accompagnera toujours davantage les compositions et leurs exécutions scéniques. Quitte à fonder, parallèlement, un nouveau type de chorégraphie.
C’est toujours un peu triste, la fin de MUSICA… Heureusement, d’autres manifestations passionnantes nous attendent dans la capitale culturelle européenne (rappel : elle s’appelle Strasbourg). Même si Ososphère (musique électronique) a malencontreusement chevauché MUSICA cette année, restent Augenblick (cinéma de langue allemande), les Sacrées Journées avec ses derviches tourneurs et ses moines qui font rien qu’à dire ommm. Et puis la composition de Détlef Kieffer, dont nous reparlerons très bientôt.
Ah, Strasbourg, Strasbourg…
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