Fête de la Musique à l’Epsan – Édition 2024

Comme en maints endroits du pays, s’est déroulée le 21 juin à l’hôpital psychiatrique de Brumath, la Fête de la Musique. Un événement peu banal, qui a toujours plus de succès.

La danse assise, un excellent moyen de bouger en rythme et de manière coordonnée, même lorsqu’avec l’âge, la mobilité se réduit. Foto: JM Claus / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Ce fut, comme tout le monde s’accorde à le dire, une très belle Fête de la Musique. Des interventions des équipes et patients des secteurs I02, G03 et G05, donc en clair de services de psychiatrie infanto-juvénie et adulte, une fin d’après-midi animée par le duo Yanis & Patrick, trois fours à tartes flambées qui tournaient à plein rendement, un bar (sans alcool) où on faisait la queue, il fallait bien ça pour offrir un moment de bonheur partagé, alimenter et hydrater les plus de deux cent personnes assemblées autour du patio du centre social de l’Epsan – Site de Brumath.

C’est d’ailleurs là que tout a commencé, il y a dix ans, avec un récital donné par Les P’Cigales le dimanche suivant la Fête de la Musique. Francis, chef de chœur de cette chorale du personnel dès sa création et vaguemestre depuis 1983, se remémore cette époque où il ne se passait encore rien le 21 juin à l’hôpital. C’est quatre ans plus tard qu’ont débuté les animations musicales le jour de la Fête de la Musique, et là c’est Bob, responsable de l’équipe de sécurité, batteur et percussionniste à ses heures, qui retrace le cheminement allant d’un événement interne réservé aux patients et à leurs proches, à une fête ouverte à tout public. Celle-ci s’inscrivant dans la politique d’ouverture de l’hôpital psychiatrique, engagée par Daniel Karol et poursuivie par l’actuelle directrice Yasmine Sammour, toujours présente lors de ces moments particuliers, comme aussi « Courir en Tête » dont nous parlerons ici cet automne.

La musique rassemble et fait tomber les barrières, dit Bob. On réalise quelque chose ensemble, avec et pour les patients, souligne Francis qui pour l’occasion, endosse avec brio le rôle de maître de cérémonie. Ça fait des mois qu’ils travaillent les chorés, précise Régine, infirmière engagée à l’Epsan en 2002. Des mois signifie pour certaines chorégraphies, quasiment une année. Je suis venu malgré la tristesse, parce que si elle était encore là, elle me mettait un coup de pied au derrière, dit la larme à l’œil, un patient bénéficiant d’un suivi au long cours, qui a perdu sa compagne il y a un an. Oui, cet événement festif, où certains ne font que passer alors que d’autres restent du début à la fin, est aussi le lieu et le moment de la floraison des émotions.

Comptines, danse assise, zumba, percussions, chansons françaises et du répertoire goldmanien : les patients et équipes soignantes des trois secteurs impliqués dans cette fête, ont non seulement ravi le public installé à l’ombre, mais aussi embarqué dans l’une ou l’autre farandole ceux dont l’envie de bouger était manifeste. Le patio d’abord occupé par les seuls artistes, fut progressivement colonisé par des spectateurs, dont beaucoup d’enfants ravis d’être de la fête et y participant activement.

Oui, des enfants, et non, l’hôpital psychiatrique n’est pas un coupe-gorge, même si à la demande de la préfecture, à l’occasion du passage de la flamme olympique, l’Agence Régionale de Santé du Grand Est préconise dans un courriel adressé aux établissements, « des mesures d’attention particulière […] concernant les individus atteints de troubles psychiatriques » et en Alsace, le report des sorties durant 48h00 à partir du 25 juin. Il faudrait tout de même un jour arrêter de cultiver ce double langage particulièrement mortifère. On ne peut pas d’un côté inciter à l’ouverture de l’hôpital sur le monde et à la dédiabolisation de la maladie mentale, tout en préconisant d’un autre côté, à l’occasion d’événements festifs, des mesures sécuritaires insensées et inefficaces, mais stigmatisantes tant pour les patients que pour les personnels des hôpitaux psychiatriques.

Oui, également les personnels, car comme le démontrent cette Fête de la Musique et d’autres événements qu’a déjà couvert et couvrira encore Eurojournalist(e), l’hôpital psychiatrique n’a rien d’un lieu de travail substituable à un autre. Il est le réceptacle de souffrances soignées avec plus ou mois de succès, mais ne laissant jamais neutres tant les acteurs directs du soin que tous ceux qui gravitant autour, permettent indirectement qu’il puisse se réaliser. Comme l’avait démontré notamment François Tosquelles à Saint Alban durant la Seconde Guerre Mondiale, il appartient à tous, usagers et personnel des services de psychiatrie, de s’opposer à toute tentative de stigmatisation et de relégation. Or, l’édition 2024 de la Fête de la Musique qui s’est déroulée à l’Epsan, essentiellement sur son site de Brumath, mais aussi dans sa structure de Cronenbourg, fut une magnifique réponse à des inquiétudes que, pour rester polis, nous qualifierons de terriblement infondées.

Le programme de la Fête de la Musique à l'Epsan Brumath. Foto: JMC / CC-BY 2.0

Le programme de la Fête de la Musique à l’Epsan Brumath. Foto: JMC / CC-BY 2.0

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