Finlande : de l’utopie aux comptes d’apothicaire

Revenu de Base « Inconditionné » : peu convaincant

L'expérimentation sociale, comme peau de chagrin Foto: Gallica /Wikimédia Commons/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Ce qui a commencé comme une expérimentation sociale finit en plaisanterie… L’idée d’une revenu de base inconditionné jouit d’un grand prestige dans la gauche européenne, comme on a pu le constater par exemple en France dans ses avatars hamonistes récents. Plusieurs tentatives ont déjà été entreprises, d’ailleurs, en divers pays. En Finlande, pays de 5 millions d’âmes situé au sud du Pole Nord et dont les habitants se nourrissent de glaçons, on a commencé fin 2017 à introduire le « Revenu de base Inconditionné » (Perustulo).

Une appellation qui a attiré l’attention et l’intérêt de l’Europe toute entière : on allait donc offrir à la population finlandaise un revenu universel sans condition de situation professionnelle ?(http://eurojournalist.eu/finland/). Eh bien, c’est à peu près le contenu de l’idée originelle, introduite par des responsables sociaux et des sociologues.

Mais la peau a rétréci, comme chez Balzac, jusqu’à ne plus concerner que 2000 personnes, tirées au sort. Ces personnes, des chômeurs, ont touché 560 euros par mois pendant 2 ans, c’est-à-dire jusqu’à janvier 2019. Cette somme devait les sécuriser et les aider à trouver un travail. Et ceux qui en trouvaient un bénéficiaient d’un taux d’imposition assez bas, de 25 à 40 %. L’intention originelle n’existe plus que sous forme de relique. Rabotée par les frilosités des partis de droite au pouvoir (le Kesk au centre, le Ko à droite et le PS… à l’extrême-droite), il n’en subsiste à peu près plus que l’appellation, trompeuse – et qui trompe encore aujourd’hui certains journalistes qu’aveugle sans doute la lumière verdâtre des aurores boréales.

En partie à cause de l’intérêt international que suscite le perustulo, les sociologues et responsables du KELA (la Sécu, en somme)se sont mis très tôt à commenter les résultats obtenus en livrant au public, un peu à l’américaine, des bribicules de patchwork social au lieu de mettre en lumière un peu plus tard la somme réelle et réfléchie de ces 2 ans d’expérimentation sociale.

Eh bien, ils en restent quelque peu babas. Plusieurs résultats semblent contradictoires ou irrésolus – pour l’instant, au moins. Par exemple, son absence de succès réel : pourquoi les heureux cobayes, les chômeurs de longue durée qui ont touché ce revenu, n’ont-ils pas été plus chanceux dans leur recherche ? Alors ? Alors quoi ?

Curieusement, les chercheurs ont avancé que les résultats seraient sans doute plus convaincants si on octroyait un tel Revenu aux travailleurs touchant un salaire très modeste… Une conclusion pour le moins curieuse : dans ce cas, le but même de cette mesure sociale changerait considérablement, puisqu’il ne s’agirait plus de s’extraire de la fangeuse fatalité du chômage, mais seulement de trouver un meilleur job !

Ce qu‘on peut y lire entre les lignes, c’est à l’évidence le doute sur le choix des bénéficiaires ; car ceux-ci, par définition, sont défavorisés, et cela sur de nombreux plans : niveau culturel inférieur à la moyenne, marginalisation relative, lacunes dans la maîtrise de la langue finnoise…

En tous cas, les résultats concrets ne sont nullement probants : le bénéficiaires n’ont pas travaillé davantage que les chômeurs de longue durée qui ne touchaient rien et participaient souvent aux dispositifs gouvernementaux d’aide (séminaires, formation continue plus ou moins conséquente) dont on s’accorde à reconnaître une utilité à peu près égale au Pole Emploi français !

Ne nous désolons pas trop tout de même. Les élections finlandaises approchent : les législatives auront lieu le 14 avril. Plusieurs partis ont juré et craché qu’ils mettront en œuvre un Revenu de Base Inconditionné conforme à son appellation.
Il y va de la vieille intention humaniste et aufklärerisch de permettre à chacun de jouir de suffisamment d’argent et donc, de temps pour s’édifier soi-même. Une idée on ne peut plus actuelle, en ces temps ou l’on voit tant d’esprits confits dans le gangsta rap et les jeux vidéo.

 

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