France / Allemagne : des économies entre montagnes russes et toboggan !

Alain Howiller regarde l’économie allemande et l’économie française et résume la dernière « Note de Conjoncture » de la Banque de France.

Après les "tornades économiques" causées par la pandémie, la conjoncture semble s'améliorer... Foto: Aaronjayjack / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – On avait tendance à l’oublier bien que, sans le savoir, on puisait quotidiennement dans son enseignement et face à une pandémie qui n’en finit pas, je ne peux, hélas, que méditer cette phrase qui résume ce que le psychologue et pharmacien Emile Coué, décédé en 1929 (!), a légué à la postérité : « Si étant malade, nous nous imaginons que la guérison va se produire, celle-ci se produira si elle est possible. Si elle ne l’est pas, nous obtiendrons le maximum d’amélioration qu’il est possible ! » Le vaccin devrait nous mettre à l’abri de la « méthode Coué », même si trop de responsables -y compris dans les médias- ne semblent pas toujours en être persuadés !

C’est à ceux-là que se sont, notamment, adressés aussi bien Emmanuel Macron qu’Angela Merkel. Le premier a rappelé : « La crise sanitaire n’est pas derrière nous… Nous allons vivre encore plusieurs mois avec ce virus ». La chancelière appelant, comme le président français, à un recours massif à la vaccination, souligne : « Chaque dose de vaccin est un pas, même si apparemment, c’est un petit pas vers la liberté : nous voulons tous un retour à la normalité, chaque vaccin est un pas vers cette normalité… C’est pour cela que je me dois de faire la promotion du vaccin !… »

Un pharmacien nommé Coué ! – L’enjeu, bien sûr, est sanitaire, médical, social, sociétal, politique mais aussi économique. « Chaque nouvelle vaccination protège nos vies, notre santé, mais aussi notre économie », rappelait à ce propos Peter Altmaier, le Ministre allemand de l’économie. « La vaccination garantit la sécurité sanitaire… Elle vous permettra de retrouver le plus rapidement possible une vie normale, de la croissance, des emplois et de l’activité », renchérit Bruno Le Maire, son homologue français, Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance. Si pour certains, faisant signe de prudence, ces propos seraient à rapprocher des thèses… d’Emile Coué, force est de constater que les deux principales économies de l’Union Européenne -celle de la France et celle de l’Allemagne- font preuve, depuis le début de la pandémie, d’une remarquable résilience, malgré des hauts et des bas qui relèvent davantage des montagnes russes que des… courbes de croissance d’avant la crise sanitaire !

« Malgré de nouvelles mesures, la reprise de l’activité se confirmerait en Juillet, selon notre enquête de conjoncture », constate la dernière note de conjoncture de la Banque de France menée, entre le 22 Juillet et le 4 Aout, auprès des chefs d’entreprises. Pour l’industrie, la note pointe des goulots d’étranglement -problèmes d’approvisionnement en matières premières dont les prix s’envolent, manque de composants, pénurie de main d’œuvre-, mais relève une stabilité d’activité en Août et d’intéressantes perspectives de carnets de commandes. Perspectives du même ordre dans les services marchands, malgré les hésitations sur le devenir de la restauration et de l’hébergement (deux secteurs qui s’étaient bien redressés ces dernières semaines).

De la Banque de France à la Bundesbank ! – Pour la Banque de France, l’économie aurait retrouvé, à peu de choses près, le niveau d’activité de la période d’avant-crise : si on prend une base 100 pour la période d’avant la pandémie, l’activité aurait été à 99 en Juillet et à 98 en Juin. La consommation d’électricité, l’activité « transports » viennent confirmer la bonne tenue de l’activité et, selon l’Observatoire Français de Conjoncture Economique (OFCE) : « le marché du travail résiste plutôt bien. »

Le chômage, à 8%, retrouve pratiquement le niveau de 2019 : « C’est deux fois mieux que ce qu’on avait prévu », note Sylvain Larrieu, Chef de la Division Synthèse et Conjoncture de l’INSEE. Les défaillances d’entreprises sont à -45% par rapport à 2019. Autre signe de reprise : avec un bon niveau de la consommation, les importations ont sensiblement augmenté avec ce corollaire traditionnel pour l’économie française : le déficit du commerce extérieur s’est, une fois de plus, creusé.

L’économie allemande, elle, a renoué avec une de ses… traditions : les ventes à l’étranger sont reparties à la hausse, contribuant à l’amélioration de la conjoncture. Le « baromètre de la conjoncture » établi par le « Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung » (DIW Berlin – Institut allemand pour la recherche économique), partant d’une base 100 d’avant-crise, a souligné un léger fléchissement en Juillet, alors que la progression était régulière depuis le début de l’année, la Bundesbank estime que l’économie allemande pourrait retrouver son niveau d’avant-crise dès la fin de cet été : « L’économie allemande dépasse la crise déclenchée par la pandémie », a tenu à souligner son président Jens Weidmann. Plus prudent, l’INSEE estime que l’économie française n’atteindrait pas ce type de résultat avant la fin de cette année. En Allemagne, sur un an, la consommation a progressé de +3,8% en Juillet (contre +2,3% en Juin et +1% en Janvier).

Bade-Wurtemberg et Bavière : les bons élèves ! – D’après un autre institut de recherches économiques de Munich (« IFO », issu de l’université), le climat des affaires n’a jamais été aussi bon depuis Août 2018 (!). Pour les experts, le taux de croissance pour 2021 s’établirait à +3,7% (+5,2% en 2022, contre -5,2% en 2020). Pour la France, le taux serait, par contre, de +6% selon les experts du Ministère de l’Economie.

Alors que l’économie d’Outre-Rhin souffre, comme la française, de difficultés d’approvisionnement de matières premières ou de composants (venus de Chine essentiellement !), elle fait face à un marché du travail moins dégradé qu’on ne le redoutait : on prévoyait un taux de chômage de 6% sur l’année, le taux s’est établi à 5,6% en Juillet (5,9% en 2020). Il se situe à 7% dans les ex-Länder de l’Est, à 5,3% dans les Länder de l’Ouest de La République Fédérale. Le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont, une fois de plus, les bons élèves de la classe, avec des taux de 3,8% pour le premier et 3,3% pour le second.

A titre de comparaison, les taux sont de 4,9% pour la Rhénanie-Palatinat, de 6,7% pour la Sarre et de 7,4% pour la Rhénanie-du-Nord-Westphalie… du candidat Armin Laschet.

Dans l’Alsace du « Grand Est » – Dans la proche Alsace, ces taux (7,7%, dont 6,8% dans le Bas-Rhin et 7,9% dans le Haut-Rhin) sont de peu inférieurs au taux national, dans une région « Grand Est » dont la note de conjoncture de la Banque de France commente ainsi la situation : « Stabilisation de l’activité industrielle et légère contraction des effectifs. Nouvelle progression des cours des matières premières. Hausse de la production attendue en Août avec des moyens humains renforcés… Les prévisions s’orientent vers une accélération des cadences de production avec quelques recrutements. » Et pour les services marchands, la note relève : « Accroissement de l’activité avec de nouvelles embauches… Prévisions favorables tant pour la demande que pour l’emploi. »

Cette résilience résistera-t-elle au risque sanitaire et au variant « Delta » ? Elle est nourrie par le soutien que les gouvernements ont consentis sur les deux rives du Rhin pour soutenir l’économie et la mettre, autant que possible, en situation de résister d’une explosion sociale qui, compte tenu de la proximité d’échéances électorales, deviendra inévitablement politique. Rien n’est joué pour que la méthode Coué s’efface devant une réalité positive et que les montagnes russes que nous vivons depuis le début de la crise sanitaire, ne se transforme pas en toboggan conduisant vers l’inconnu. Les philosophes, au contraire des économistes (!), nous ont appris, depuis l’Antiquité, que le… pire n’est jamais certain.

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