France-Allemagne : le difficile combat contre l’abstentionnisme électoral !

Les citoyens et citoyennes se désintéressent massivement de la politique. A qui la faute ? Comment remédier à ce phénomène qui met en péril le principe même de la démocratie ?

Pour replacer la chose politique dans un contexte d'aujourd'hui, il faudra se montrer créatif. Foto: Pierre-Alain Dorange / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0

(Par Alain Howiller) – Evolution croissante des taux d’abstention lors des élections, érosion du nombre d’adhérents dans les partis, méfiance croissante des citoyens vis à vis de leurs élus, divorce des citoyens avec la (et les) politique(s), contestations qui ne cessent de jeter les citoyens dans la rue en large des institutions : les constats sont nombreux et politologues comme hommes politiques s’interrogent sur les moyens de stopper voire seulement (!) de freiner une évolution qui menace les fondements de nos institutions représentatives. Qui ne se souvient pas, à ce propos, du constat désabusé de Winston Churchill : «La démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’Histoire !» Paroles d’expert nourris par l’expérience, y compris celle de la défaite née de… l’ingratitude des électeurs.

En Allemagne, un groupe de travail a réuni les représentants de la CDU, de la CSU, du SPD, des Verts, de Die Linke, du FDP pour étudier les moyens de lutter contre l’abstentionnisme électoral et envisager (sans plus, en l’état actuel des discussions) des solutions : on a évoqué la multiplication des lieux de vote (même en dehors des bureaux de vote officiels), le vote «électronique», une extension des possibilités de vote par correspondance, une réforme électorale (vote obligatoire, abandon du système mixte trop complexe ? – eurojournalist.eu du 23 Juin).

Les leçons de Brême et de Dresden ! – En France où certains espèrent toujours voir évoluer le système électoral vers un système d’élections à la proportionnelle (partielle ou totale), une idée a émergé du dernier congrès du Parti Socialiste (71ème congrès à Poitiers du 5 au 7 Juin) : celle de «l’amendement citoyen». Il s’agirait, d’après cette formule, de donner aux citoyens la possibilité d’exprimer leur avis sur les projets de loi en discussion au Parlement, à travers une consultation par internet. Un groupe de travail pluri-partis devrait se mettre en place à la rentrée pour étudier ce système assez complexe.

Le fort taux d’abstention aux élections municipales de Dresden (près de 43 % d’abstentions en Juin) ou aux élections régionales (en Mai) dans la ville-état de Brême (50% d’abstentions), ont apporté de récents constats dans le débat sur l’abstentionnisme en Allemagne. En France, à quelques mois d’élections régionales fortement impactées par une réforme territoriale difficile, le débat a été relancé par le taux d’abstention (un peu plus de 50 %) aux élections départementales de Mars. Cette régression dans le nombre des votants s’accompagne d’une véritable crise des adhésions dont souffrent les partis de part et d’autre du Rhin. En France, les deux grands partis -Républicains et PS- affirment, depuis des années, être partis à la quête de 500.000 adhérents : d’après les chiffres, malgré des adhésions «low cost» (20 euro !), ils ne sont pas près d’avoir atteint leur ambitieux objectif ! En effet «Les Républicains» annoncent un peu plus de 268.000 adhérents et le PS un peu plus de 60.000 ! Le Front National en avoue un peu plus de 83.000, le «Parti Communiste» environ 70.000, les Verts 10.000, le «Parti de Gauche» (J.L. Mélenchon) 9.000 !

Les jeunes et la politique : une étude française ! – En Allemagne, les partis avaient, dans l’ensemble, été requinqués par la réunification avant de voir s’effondrer à nouveau le nombre de leurs adhérents. La CDU avance près de 470.000 adhérents (contre 790.000 après la réunification !), le SPD annonce lui, 460.000 membres (contre 940.000 après la réunification !), les Verts excipent de 61.000 membres, la CSU annonce 148.000 adhérents, Die Linke 64.000 et le FDP 59.000 ! Certes la comparaison «France-Allemagne» aurait de quoi rasséréner les partis allemands malgré l’érosion depuis la réunification ou depuis… la «Grande Coalition» (du côté du SPD essentiellement) et malgré l’émergence de ce que j’appelais ici-même les «Partis fusées» (Pirates, AfD, Mouvement «Pegida» ou Parti de la Démocratie fondé par des dissidents de Pegida) qui grimpent dans les sondages et réussissent parfois des percées électorales avant de replonger !

Mais de part et d’autre, la crise du recrutement frappe en particulier chez les jeunes qui, paradoxalement, lorsque pour une part minoritaire ils ne font pas monter les scores des partis d’extrême droite(!), se réclament des mouvements alternatifs, des «indignés» à «Podemos» et autres «Syriza», qui auraient sans doute été chers à Stéphane Hessel ! Chez les jeunes, dont il est faux de prétendre qu’ils ne s’intéressent pas à la politique, la mise en réseau des individus, sur des sujets fortement identifiés et typés, jouent de la rapidité, de la proximité, de la solidarité : qualités dont la plupart des partis, engagés dans d’éternelles compétitions électorales, ont oublié les vertus ! En France, «l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes – ANACE» avait initié un sondage, au lendemain des élections municipales (37% d’abstentions) de Mars et des élections européennes de Mai 2014 : un millier de jeunes entre 18 et 25 ans et un millier entre 15 et 17 ans ont été interrogés. N’ayons pas peur des mots : les résultats sont terrifiants ! 52% des 18/25 ans indiquent que leur abstention est liée aux hommes politiques eux-mêmes.

Quand les politiques… mentent. – 71% des jeunes sondés, considèrent que les hommes politiques… mentent(!), 45% estiment que les campagnes électorales sont loin de leurs préoccupations. Ils éprouvent une grande frustration politique au point que 43% affirment qu’ils seraient prêts à voter pour des partis extrémistes et que 25% d’entre eux sont disposés à participer à des manifestations violentes ! Ils refusent en majorité le chèque en blanc aux partis dont ils contestent la manière (verticale) dont ils sont dirigés. Ils adhèrent aux idées de fond, sont peu sensibles à la forme, à la «politique-spectacle» ou à la «communication». Ils veulent des programmes clairs, sont favorables à la démocratie directe, à la formule du référendum. Ils sont soucieux de solidarité, de respect des libertés individuelles.

Il est intéressant de prendre en compte quelques données issues d’un autre sondage (OpinionWay commandé par l’Institut Diderot, un «think-tank», créé par des… mutuelles d’assurance) qui contribuent à jeter un regard complémentaire sur les éléments recueillis par ANACE : les jeunes entre 25 et35 ans, consultés en avril 2015, considèrent à 41% que c’est le pouvoir politique qui dirige le pays (pour 31% c’est plutôt le pouvoir économique), ce qui souligne l’importance du politique. Et pour ce qui est de l’action à engager par ceux qui voudraient enfin engager une indispensable réforme pour réconcilier «citoyens» et «politiques», ils peuvent compter sur les médias, d’après les jeunes d’OpinionWay. 65% de ces jeunes trouvent que les informations publiées sont vérifiées, 45% les trouvent objectives, 51% complètes et 41% transparentes !

Une «démocratie participative» qui se cherche ! – Reste que les partis peinent à s’adapter, privilégient trop souvent la forme, la manière que le fond, oubliant qu’il ne suffit pas de changer la signalétique ou le code graphique pour retrouver des électeurs ou, surtout, des membres. Dans le «Spiegel» du 11 Mai, Anna Reimann et Katherine Rydlink, deux journalistes indépendantes, avaient dégagé, au lendemain des élections de Brême, six pistes pour lutter contre l’abstentionnisme. Pour elles, il faut mobiliser l’école, faciliter la participation (en multipliant les lieux de vote au-delà des bureaux officiels, en élargissant leurs horaires, en ayant recours au vote électronique), «muscler» les programmes qui trop souvent se ressemblent d’un parti à l’autre, proposer des solutions à terme au lieu de se contenter de gérer les crises, être compréhensible «par» et «pour» tous, rendre le vote obligatoire.

Il y a sans doute d’autres pistes à creuser. Elles passent par le renouvellement des élus et la question : faut-il leur fixer un âge de retraite ? Elles réclament une plus grande (et plus rapide) adaptation aux besoins de la société civile : pourquoi attendre «l’arbitrage» des manifestations de rues pour trancher ? Elles passent, tout simplement, par un meilleur contact entre «électeurs» et «élus». A condition qu’elle ne soit pas un gadget électoral, l’idée d’une «démocratie participative» devrait faire du chemin : mais à quel horizon ?

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