France-Allemagne : les cyclistes roulent en tête

Bicyclette vs. voiture - and the winner is... Foto: Rafi Bin Tofa / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Qui l’aurait cru ? Qui, en effet, aurait cru lorsque dans la décennie des années 50/60, le vélo disparaissait progressivement de nos rues, que les  magasins spécialisés baissaient le rideau et que les usines fermaient leurs portes, la bonne vieille bicyclette retrouverait un jour la faveur du public ! Ce dernier a repris goût à la pratique d’un cycle modernisé, plus léger, plus facile à  pratiquer, bénéficiant même depuis peu d’une assistance électrique ! Les protecteurs de l’environnement, les adversaires du « tout auto » qui pollue nos villes et encombre au prix fort nos rues, les partisans de l’exercice physique qui entretient le corps et lutte contre une obésité mortifère, se sont retrouvés pour pousser vers des politiques – nationales et locales – favorisant l’usage du vélo.

A Strasbourg, un deuxième « Mondial du vélo » – Jusqu’à la Covid-19, avec les restrictions qu’elle a induites et les risques de contagion portés par les transports en commun, la situation qui a fortement contribué à populariser un mode de déplacement qualifié de « doux ». Il n’est pas étonnant, dans ce contexte favorable, que Strasbourg, première ville cycliste de France, classée 4ème en Europe, annonce l’organisation les 10 et 11 octobre, au Parc des Expositions, la deuxième édition de son « Mondial du vélo », une foire-exposition réunissant, comme l’an dernier, usagers, vendeurs, fabricants et créateurs de cycles. Une bonne occasion aussi pour rappeler de ce côté-ci du Rhin que Fribourg-en-Brisgau et Karlsruhe se retrouvent, respectivement, en troisième et septième position des villes allemandes où la pratique du vélo est la plus développée !

Le phénomène de développement de la pratique du vélo a pu être constaté sur toute la planète : aux Etats-Unis, sa pratique a doublé par rapport à 2019 et la vente a augmenté de 81% au mois de mai par rapport à la période correspondante de l’année dernière ; en Chine Populaire, où portant l’usage est traditionnel, les ventes ont quintuplé cette année, alors qu’elles doublaient dans l’Union Européenne. En France, un doublement qui reflète ce qui s’est passé au fil des huit premiers mois de l’année, l’usage du vélo a augmenté de… 29% par rapport à 2019.

Avec cette particularité : l’usage s’est développé aussi bien en milieu rural (+ 16%) qu’en milieu urbain (+ 33%!), avec cependant un phénomène (sans doute autant lié aux distances à parcourir qu’au manque de pistes cyclables) : l’usage du cycle est moins développé en zones péri-urbaines (banlieues et communications inter-banlieues). Un élément qui souligne l’importance des pistes cyclables que la plupart des grandes villes, parfois engagées dans de délicates élections municipales, ont développé, profitant des restrictions de circulation automobile générées par les confinements. Les usagers ont baptisé « Coronapistes » ces itinéraires spécialisés créés en marge du confinement.

En Allemagne : vélo contre automobile – En Allemagne, « l’Institut für Handelsforschung – IFH » de Cologne (« Institut pour la Recherche sur le Commerce » proche de l’Université : il a fêté ses 90 ans l’année dernière) a constaté dans une étude que le marché du vélo avait progressé de 20,3% en chiffres d’affaires entre 2015 et 2019 (4,31 millions de cycles vendus soit + 3,1% d’unités), alors qu’il a progressé, en 2020, grâce à la pandémie, de 900 millions d’euros. « Si, dans un premier temps, les mesures de confinement pris par plusieurs Länder ont stoppé les progrès, dès que ces mesures ont été levées, on a assisté à un boom des ventes dans les magasins. L’évolution positive des dernières années a été accélérée », souligne l’étude. D’après une étude de l’ADAC (l’automobile club allemand), 8% de concitoyens utilisent davantage le vélo qu’avant la crise, et 21% souhaitent l’utiliser davantage, même si 33% ne l’utilisent pas et que 22% l’utilisent moins ou plus. Un sondage YouGov souligne (ça ne manque pas d’intérêt) que 36% des sondés pratiquent davantage la… marche à pied ! « L’Allemagne, qui était jusqu’ici le pays de l’automobile, s’ouvre maintenant de manière spectaculaire aux transports doux, deux fois plus qu’en France !) », souligne un site… vélo-compatible. Il est vrai qu’en République Fédérale, il y a plus de… 75 millions de cycles !

L’ombre portée de la Chine. – Le boom du vélo se traduit, en Allemagne comme en France, par une progression des ventes, l’ouverture de nombreux points de ventes, d’ateliers de réparation, alors que les délais de livraison s’allongent et que les prix… grimpent. Des métiers qu’on croyait disparus retrouvent du sens et ont, ici comme dans d’autres secteurs d’activité, conduit à ce constat : la fabrication dans les pays de l’Union Européenne, particulièrement en France et en Allemagne, s’est marginalisée au point que la production de cycles s’est, elle aussi, installée solidement en Asie !

La Chine, à elle seule, produit 50% des 130 millions de bicyclettes produits chaque année dans le monde. A titre de comparaison (relative !), on a vendu 2 millions de vélos en France en 2019 : 800.000 ont été fabriqués dans le pays. Alors qu’en Allemagne, où le « secteur du vélo » emploie encore 50.000 personnes (plus de dix fois plus qu’en France !), on a fabriqué prés de 2 millions de vélos.

Contribution à la relance ? – L’aménagement de pistes cyclables, les coups de pouces donnés par les pouvoirs publics pour le développement de l’achat et de la réparation des vélos, la création de nouveaux cycles, l’innovation, l’aménagement de lieux de stationnement sécurisés pour lutter contre les vols, le développement des vélos électriques, des cycles moins chers… – autant d’éléments qui contribueront à soutenir une demande exponentielle. L’organisation à Strasbourg du « Mondial du vélo », l’organisation prochaine, à Paris, des « Etats Généraux du stationnement et de la mobilité », seront l’occasion d’attirer, une fois encore, l’attention sur le développement -souvent sous estimé- d’un boom du vélo qui sera un élément de la relance économique.