France-Allemagne : quand la politique peine à séduire les citoyens !

Alain Howiller compare de récentes études sur les approches de la politique des jeunes allemands et français – et ce, en vue de l’année électorale 2017 qui se dessine déjà !

Malgré le manque de confiance dans le monde politique, une vaste majorité des jeunes allemand envisage l'avenir avec de l'optimisme. Foto: Dieter Seybold / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Singulière époque, en vérité, que celle que nous vivons et que nous partageons avec nos concitoyens : jamais ces derniers n’ont été aussi perplexes -voire hostiles- devant «la» et «les» politiques. Pourtant, jamais nos élus et candidats à une élection n’ont été aussi soucieux de…. s’attacher les suffrages des électeurs, quitte, parfois -voire souvent- à perdre leur âme dans une démarche d’acquisition de voix qui grise souvent le hold-up ! C’est que pour avoir la majorité nécessaire pour arriver au pouvoir, il faut ratisser au-delà de son camp et essayer de séduire d’autres camps, sans pour autant perdre le socle sur lequel s’est bâti une candidature.

C’est ce que les fins politologues, utilisant un concept venu de la géométrie voire de la trigonométrie, appellent une «triangulation»(1). Et c’’est ce que les simples observateurs et journalistes appellent, eux, la «stratégie du coucou» : utiliser les propositions de ses adversaires, les faire siennes à côté (parfois contre !) de ses propres convictions, de dresser une synthèse qui –croit-on- peut être acceptée par…. deux camps opposés ! Alors que cette stratégie doit faire gagner le candidat d’un camp en lui permettant de grappiller les voix nécessaires pour «construire» une majorité, force est de constater que cela ne facilite guère la clarification des idées, provoque la confusion et nourrit… l’abstention !

Une majorité de complément pour François Hollande ? – Les politiques menées tant à Paris qu’à Berlin fournissent un exemple assez caractéristique d’une approche qui se projette, bien évidemment, vers 2017, année de l’élection présidentielle en France et du renouvellement du Bundestag en Allemagne ! Pour les électeurs de gauche qui ont «fait» François Hollande, le virage «social-démocrate» pris par le président français, les mesures néo-libérale engagées par son Ministre de l’Economie et des Finances Emmanuel Macron, la politique «sécuritaire» menée par son Premier Ministre Manuel Valls ou sa volonté d’introduire le statut de l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité dans la Constitution sont autant de signes adressés aux électeurs de droite voire de l’extrême droite !

Gagnera-t-il le pari de ne pas perdre trop de voix de gauche tout en gagnant suffisamment de voix de droite lorsque le projet de loi de révision constitutionnelle passera devant le Parlement où il faudra réunir 3/5èmes de votes favorables pour le faire adopter le mois prochain ?

A Berlin, depuis le début de la coalition CDU-CSU-SPD, les électeurs chrétiens-démocrates (bavarois, tout particulièrement) soupçonnent Angela Merkel de trop céder à son partenaire social-démocrate en adoptant des mesures dites de «gauche» (du salaire minimum au statut des intérimaires, des stagiaires ou des apprentis), la position adoptée par la chancelière dans la crise des réfugiés a contribué à conforter cette impression, même si, depuis un mois, Merkel s’essaye à un «rétropédalage soft» dans son approche. Les évènements de Cologne vont évidemment renforcer cette politique de repli discret de la trop grande générosité !

Quand Merkel est classée à… gauche ! – Il n’empêche que pour la majorité des sondés interrogés par l’Institut de sondages «Dimap» (Berlin), la CDU se situe à gauche, par sa politique. D’après le sondage, seuls se situent encore à… droite sa petite sœur bavaroise -la CSU-, le NPD (dont la constitutionnalité va être jugée en mars par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe) et le parti «Alternative für Deutschland-AfD» ! Thomas Oppermann, le leader de la fraction SPD du Bundestag, trouve même que la politique de la chancelière n’est pas assez à droite («konservativ») : du coup estime-t-il (comme Gregor Gysi, l’ancien responsable de «Die Linke» !) un certain nombre de membres et d’électeurs du parti chrétien-démocrate ne se sentent plus à l’aise dans leur mouvement et adhèrent aux idées de l’AfD ! De fait, la CDU a reculé, en un an de 42% d’intentions de vote à 38%, alors que l’AfD se situe autour de 10%, le SPD autour de 23%, de 10% pour les Verts et Die Linke et 5% pour le parti libéral FDP. Les trois élections régionales qui auront lieu en mars, en Rhénanie-Palatinat, en Saxe-Anhalt et au Bade-Wurtemberg (où la coalition sortante espère pouvoir conclure une coalition «Verts-SPD-FDP») permettront de se faire une idée de l’évolution politique sur le terrain.

Mais, au-delà de ces alliances électorales de circonstance conclues dans l’esprit de la triangulation, le citoyen séduit va-t-il retrouver le chemin des urnes ? Qu’en sera-t-il des suites de la politique menée lors du deuxième tour des récentes régionales françaises qui a conduit un certain nombre de listes de gauche à se retirer du scrutin pour faciliter l’élection de listes de droite et faire barrage à l’élection possible de candidats d’extrême-droite appartenant au FN ? Xavier Bertrand (Nord-Pas-de-Calais) et Christian Estrosi (région PACA), tous deux appartenant au parti «Les Républicains» ont bénéficié de ces désistements : ils se sont engagés à associer à leurs décisions les partis de gauche (PS, Verts, Radicaux) qui se sont retirés et de faire désormais «la politique autrement».

Une leçon tirée des élections régionales ! – C’est l’engagement qu’a pris aussi Philippe Richert, le nouveau Président de la région «Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (ACAL)» pour qui les partis de gauche avaient appelé à voter au deuxième tour des élections régionales, bien que la liste PS-Verts ne se soit pas retirée comme le PS l’avait demandé. Malgré le maintien de la liste, Richert, arrivé second derrière le FN au premier tour, l’a emporté largement au deuxième tour, grâce à la mobilisation des abstentionnistes. «Faire la politique autrement…. c’est faire de la politique ! C’est à dire servir l’intérêt général et ne jamais servir que lui !», avait-il déclaré lors de son élection à la présidence d’ACAL. Que restera-t-il demain de ces bonnes résolutions de «Nouvel An» ?

Que restera-t-il, encore, aux citoyens des projets de renouveau démocratique formulés, ces derniers mois, aussi bien en Allemagne (eurojournalist.eu du 12 Août 2015) qu’en France (eurojournalist.eu du 7 Octobre dernier) ? Faut-il accepter comme une fatalité le désintérêt croissant vis à vis des hommes politique et l’augmentation régulière de l’abstention lors des élections ? Le sursaut de participation enregistré lors du deuxième tour des élections régionales en France pour barrer la route au FN, l’accès au pouvoir dans les régions, a montré que la cause n’est pas perdue : encore faut-il engager des réformes susceptibles de conduire le citoyen à retrouver le chemin des urnes.

Quand les jeunes s’engagent en «politique» ! – Dans une étude menée, en France, par «l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes-ANACE», 52% des sondés de 18/25 ans signalent que l’abstention des jeunes est suscitée par l’attitude des hommes politiques eux-mêmes. Pour eux, 71% des hommes politiques mentent. 43% des jeunes affirment qu’ils seraient disposés à voter pour des partis extrémistes (en fait cela s’est vérifié aux récentes élections régionales françaises !). 25% des jeunes sont prêts à participer à des manifestations violentes (!). La majorité d’entre eux adhèrent aux idées de fond, se soucient peu de la «forme» de la «communication». Ils sont fermés à la «politique-spectacle». Ils refusent tout chèque en blanc, veulent des idées claires, sont favorables à la «démocratie directe, à la formule du référendum. Ils sont sensibles à la solidarité et au respect des libertés individuelles.

Côté allemand, «l’étude sur les approches des jeunes» menée par la Fondation Shell (c’est la 17ème du genre) montre que 41% des jeunes (contre 36% en 2010) s’intéressent à la politique, 72% estiment que voter est une obligation citoyenne, 71% estiment qu’avoir un emploi sur est le plus important, 48% redoutent le chômage et 62% une guerre en Europe, 73% craignent qu’il y ait des attentats, 48% refusent l’hostilité à l’immigration, 52% sont favorables à la tolérance… Et cerise sur le gâteau, 61% des jeunes sont optimistes face à l’avenir !

Comme quoi, les idées ne manquent pas pour réfléchir sur la politique et l’avenir de nos sociétés…. Le seul véritable problème c’est qu’il est vraisemblable qu’aucun homme-politique, qu’aucune femme-politique ne prennent le temps de lire le type d’études que je viens de citer. Le temps pourtant paraît compté ! Les signes avant-coureurs de crises poussant à une action urgente, manquent d’autant moins aujourd’hui qu’on n’exécute plus les porteurs de mauvaises nouvelles ne sont plus exécutés comme on le faisait dans la Grèce antique !…

(1)    Triangulation politique : le fait de prendre les idées d’un concurrent, d’en faire une synthèse avec ses propres idées, de prendre le meilleur de chaque position et de trouver une troisième voie. D’après Dick Morris, conseiller de Bill Clinton et père de cette théorie qui présente ses thèses en forme de triangle : une idée propre face à une idée de l’adversaire est placée à la base avec au sommet l’idée qui symbolise la synthèse ! Le tout en «triangle» qui fait une «triangulation» ! (d’après Wikipedia)

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