France et Allemagne : (pour le meilleur et) pour le pire

L’Allemagne et la France travaillent maintenant main dans la main dans le cadre de la crise des réfugiés. Enfin, les deux grandes nations européennes avancent ensemble. Pour la mauvaise cause.

Depuis hier, les réfugiés arrivant en Grèce comme ici à Lesbos, sont systématiquement refoulés en Turquie. Un crime contre l'humanité. Foto: Ggia / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Puisque le sommet à Bruxelles a été un échec sur toute la ligne, il fallait bien trouver quelque chose à raconter aux médias. Puisqu’on n’a pas réussi à trouver une quelconque solution pour un accueil solidaire des réfugiés dans l’Union Européenne, on a opté pour la communication suivante : «La route des Balkans est maintenant fermée. On a réussi à porter un coup aux passeurs d’hommes». Du n’importe quoi pour mieux cacher l’incapacité européenne de mettre en œuvre une solution solidaire et européenne. Mais finalement, on a quand même trouvé un sujet franco-allemand dans le cadre de ce dossier épineux : la France et l’Allemagne enverront chacune 300 fonctionnaires en Grèce pour aider à mieux organiser le dépôt de bilan des valeurs humanistes de notre continent. Allemands et français aideront donc à ce refoulement en masse des réfugiés qui arrivent en Grèce et que l’Union Européenne se fait un point d’honneur de renvoyer dans la plus grande détresse imaginable.

A un moment où même les communes allemandes indiquent au gouvernement que les capacités d’accueil dans les structures mises en œuvre depuis le mois d‘août sont à moitié vides (comprendre : malgré l’accueil de 1,2 millions de réfugiés, il y aurait encore de la marge…), la chancelière Angela Merkel craque sous la xénophobie massive dans son propre pays (la dégringolade de la CDU aux élections régionales et la montée de l’extrême-droite ont laissé des traces) et au niveau européen où plus personne n’est prêt à contribuer à cette mission humanitaire qui consiste à secourir des victimes d’une terrible guerre. Ses déclarations depuis le sommet, le fait qu’elle ait opté pour cette communication qui veut que ce sommet aurait été un «petit succès» et la nouvelle approche commune avec la France, tous ces éléments montrent qu’elle est en train d’abandonner sa position qui pourtant, était la seule acceptable pour tout humaniste qui se respecte.

Et puisqu’il faut faire semblant que tout n’est pas perdu en Europe, la France et l’Allemagne se sont enfin, enfin mis d’accord sur une activité commune. Et, il fallait s’y attendre, au lieu d’exercer de la pression sur tous ceux qui vident l’Europe de tout son sens, les deux «moteurs de l’Europe» n’ont rien trouvé de mieux que – l’envoi de fonctionnaires en Grèce. Quand on ne peut pas éviter la catastrophe, on l’administre au moins correctement. Ainsi, les deux pays enverront chacun 200 fonctionnaires de police pour renforcer les effectifs de «Frontex» en Grèce et chacun 100 fonctionnaires de l’administration dont la mission consiste à soutenir le processus administratif de ce refoulement de masse qui lui, en principe, constitue une violation d’une règle européenne qui voudrait que chaque demandeur d’asile ait droit à une procédure individuelle permettant d’évaluer correctement chaque cas. La mission de ces fonctionnaires consiste donc à instaurer une procédure «éclair» qui permet, en l’espace de quelques secondes, de remplir plusieurs exigences administratives.

Il faut d’abord enregistrer chaque personne, remplir un formulaire, prendre les empreintes digitales, numériser les papiers de la personne concernée, faire semblant d’écouter pendant quelques secondes, signifier le refoulement vers la Turquie, établir une fiche pour les autorités turques, remettre une copie à la personne intéressée et ce, en un rien de temps. Un vrai challenge administratif qui n’aura rien d’humain. Forcément, les fonctionnaires allemands seront les bienvenus pour cet exercice, notre pays disposant d’une grande expérience dans l’administration d’horreurs de toute sorte…

Le système convenu avec la Turquie est officiellement en vigueur depuis hier. Et puisque le top départ pour ce crime contre l’humanité organisé par l’Union Européenne dans le seul but de satisfaire les néonationalistes, les xénophobes, les radicaux de l’extrême-droite, a été donné un dimanche où les gens s’occupent de leur week-end, le tout est presque passé inaperçu. Depuis le 20 mars 2016, l’Europe n’est plus le fief des Droits de l’Homme, mais un continent qui a «délocalisé» ses craintes pour sa prospérité en Turquie, moyennant 6 milliards d’euros et des promesses de rapprochement que l’Union ne saura pas non plus tenir – dans plusieurs pays, des conservateurs ont déjà annoncé des procédures légales contre la libre circulation sans visa des ressortissants turcs dans l’Union dès le mois de juin.

Ce sont les néonationalistes, les ennemis d’une Europe unie et solidaire, qui auront eu raison du rêve d’une Europe à 28. Désormais, il faudra repenser une nouvelle Union Européenne, plus petite certes, qui doit se donner un toute autre «règlement interne». L’Europe a échoué, nous avons besoin d’urgence d’une nouvelle Europe. D’une Europe où ceux qui voudraient conduire notre continent sur la même voie que celles qu’on connaît du passé, n’auront plus leur place. Elle est où, la touche «RESET» ?

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