Francisca Van Dunem : la Taubira portugaise ?

En dehors du Portugal, peu de monde connaît la Ministre de la Justice de deux Gouvernements Costa, et c'est regrettable.

Francisca Van Dunem et la Ministre de la Justice slovaque Lucia Žitňanská en 2016. Foto: EU2016 SK / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Francisca Eugénia da Silva Dias Van Dunem, Ministre de la Justice des Gouvernements Costa I et II, a pris sa retraite en tant que juge-conseillère à la Cour Suprême de Justice (STJ), apprenait-on la semaine dernière via l’agence de presse Lusa. Créée en 1822, cette instance a, entre autres compétences, celle de juger les Présidents de la République, le Président de l’Assemblée de la République et le Premier Ministre. Il va alors sans dire que n’y siège pas n’importe qui, et qu’en faire partie, peut être l’aboutissement d’une carrière dans la magistrature.

Née en 1955 en Angola, alors colonie portugaise jusqu’en 1975, elle a obtenu sa licence de droit à Lisbonne en 1977. Ce qui lui avait permis d’intégrer le ministère public où elle fit carrière jusqu’à devenir Procureure Générale de Lisbonne en 2007. Sans appartenance politique, elle fut nommée par António Costa Ministre de la Justice en 2015, puis reconduite en 2019. Pour le troisième gouvernement, elle a annoncé son indisponibilité.

Première femme noire nommée ministre, elle représente un symbole pour les portugaises issues des anciennes colonies africaines, dont certaines, comme la députée d’origine guinéenne Joacine Katar Moreira, sont victimes de harcèlement. Venue étudier le droit à Lisbonne en 1973, elle était retournée en Angola pour contribuer à l’édification de son pays devenu indépendant. Elle y a effectué son service militaire, mais ne pouvant y poursuivre ses études, Francisca Van Dunem est rentrée au Portugal en 1976.

Son frère aîné José fut, ainsi que son épouse Sita Valles, assassiné suite à une tentative de coup, d’état raté dont il était l’un des instigateurs en 1977. De ce fait, la famille Van Dunem ne pouvait plus se sentir en sécurité en Angola, et Francisca recueillit son neveu qu’elle éleva comme un fils. Elle ne retourna pas en Angola durant vingt ans, termina ses études et fit carrière.

Sa nomination au Ministère de la Justice en 2015, ne fut pas chaleureusement accueillie par tout le monde à Luanda, car elle était aussi un message adressé à quelques personnes ayant fait fortune sur les ressources naturelles de l’Angola au détriment du peuple. Ces apprentis-oligarques ont pris des participations importantes dans des secteurs de l’économie du Portugal, considérant ce pays européen comme la machine à laver de leur argent sale.

Comme on peut le supposer, les Van Dunem tiennent leur nom des Pays-Bas, une guerre de territoires coloniaux ayant opposé au XVIIème siècle portugais et hollandais. La brève occupation de l’Angola par les Bataves de 1641 à 1648, y a laissé quelques traces dont la lignée des Van Dunem qui, à distance de la tentative de coup d’état de 1977, sont maintenant revenus en grâce au pays, pour en constituer une famille prestigieuse.

Mariée à l’açorien Eduardo Paz Ferreira, président de l’Institut Européen de l’Université de Lisbonne, elle a eu avec lui deux enfants. Ce dernier avait, en 2011, rédigé un article intitulé « La conjuration des imbéciles » et publié dans le journal indépendant Voxeurope. Il n’est pas exclu de penser que ce texte à bon droit très incisif, ait parlé à António Costa quant à la définition de sa politique.

Maintenant, Francisca Van Dunem va pouvoir profiter de son temps libre, en ne restant pas pour autant inactive. Espérons pour elle que ne lui prenne pas une lubie de revenez-y à la Christiane Taubira, qui se solde par un crash monumental. Mais ce n’est ni dans l’ADN de sa personnalité, ni dans les pratiques de la vie politique portugaise, car là-bas, tout le monde ne veut pas être Président de la République !

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste