Franco-Allemand : bien et pas bien…

Le projet transfrontalier entre les villes de Strasbourg et Kehl et les Aciéries de Bade (BSW) peut être réalisé. Mais pourquoi le projet a-t-il été freiné pendant 9 mois à Paris ?

Selon ce principe, 4500 foyers strasbourgeois seront alimentés en chaleur depuis les Acéries de Bade à Kehl. Foto: Amal eljiyad96 / Wikimedeia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Le projet est excellent, et les partenaires se sont déjà accordés sur sa réalisation au mois de Mai 2019. Il s’agit d’alimenter les réseaux de chaleur kehlois et strasbourgeois de la chaleur industrielle (chaleur fatale) produite par les Aciéries de Bade (BSW) à Kehl, permettant de fournir de la chaleur à environ 4500 foyers strasbourgeois. Le projet, également soutenu par le Land Bade-Wurtemberg et la Région Grand Est, malgré l’unanimité qu’il emporte, avait été freiné pendant 9 mois au Ministère de l’Action et des Comptes Publics à Paris.

Suite aux environ 30 relances du ministère par l’Eurométropole Strasbourg, le ministre Gérald Darmanin a enfin daigné donner la réponse que tout le monde attendait pour pouvoir avancer – oui, la récupération de cette chaleur industrielle bénéficiera du taux de TVA réduit à 5,5%, condition sine qua non pour la réalisation de ce projet qui autrement, n’aurait pu être réalisé de manière économique. Si tout le monde peut se réjouir maintenant que ce projet écologiquement intéressant pourra être réalisé, on constate aussi les limites de la coopération franco-allemande. Ou, pour le dire autrement, dès que Paris s’en mêle, les choses n’avancent pas comme elle le pourraient.

Pourtant, le Traité d’Aix-la-Chapelle prévoit la possibilité de déroger à des textes en vigueur dans l’un des deux pays pour favoriser la mise en œuvre de projets d’un intérêt commun. Seul bémol – le Traité d’Aix-la-Chapelle ne dit pas QUI peut décider de ces dérogations. Tout naturellement, c’est le centralisme parisien qui a mis la main sur ces dérogations et ça, ce n’est pas la bonne démarche. Il est inconcevable qu’un projet porté par les deux pays soit arrêté pendant 9 mois pour la simple raison qu’une question s’y référant se perd dans les couloirs d’un ministère parisien où, de plus, on ne connaît ni les réalités du terrain, ni l’état d’avancement des discussions entre les partenaires allemands et français. Il en découle clairement que l’autorité pouvant décider de ces dérogations franco-allemandes ne doit pas se trouver à Paris et/ou à Berlin, mais sur place, au niveau régional.

L’implication parisienne dans des dossiers comme celui de l’utilisation transfrontalière de la chaleur industrielle produite à Kehl est carrément contraire à l’esprit du Traité d’Aix-la-Chapelle qui veut, justement, faciliter la réalisation de projets franco-allemands. Dans le cas présent, c’est le contraire qui s’est produit.

Pourtant, comme le dit le Président de l’Eurométropole Strasbourg, Robert Herrmann, « ce projet présente toutes les caractéristiques pour faire vivre le Traité d’Aix-la-Chapelle ! ». En revanche, pour que ce Traité puisse vivre, il convient d’apprendre le bon fonctionnement de la coopération transfrontalière. La politique française et allemande a créé des instruments superbes pour rendre la coopération transfrontalière plus fluide, plus rapide, plus efficace. Mais si les gouvernements nationaux ne font pas confiance à leurs représentants au niveau régional et local, les effets de ces instruments resteront limités.

Depuis des années, on parle de « décentralisation ». Mais là, c’est un exemple où le centralisme parisien paralyse inutilement un projet transfrontalier – si l’autorité de dérogation se trouvait au niveau régional, le projet aurait déjà pu être réalisé.

Nous nous trouvons au début d’une nouvelle dimension de la coopération, avec de nouveaux instruments et, visiblement, une nouvelle volonté de faire redémarrer le « moteur européen », comprendre, la coopération franco-allemande. Il ne s’agit donc pas de pointer quelqu’un du doigt, mais d’apprendre le plus rapidement possible de se servir de manière efficace des nouvelles possibilités.

L’exemple de ce projet de l’utilisation transfrontalière de la chaleur industrielle produite à Kehl devrait donner un indice valable : cette possibilité de déroger aux textes en vigueur doit être installée dans la région concernée, là où les responsables connaissent le mieux les circonstances et où ils sont en contact avec leurs homologues allemands. Le détour par Paris est inutile, constitue un frein et est donc contraire à l’esprit du Traité d’Aix-la-Chapelle. Il serait bien d’établir de nouvelles règles pour ce type de projet. A méditer.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste