¡Franco, fuera de Tenerife?

« Franco, hors de Tenerife ! », serait-on tenté de clamer, mais un « Franco, hors de Tenerife ? » plus prudent n’est pas des mieux inspiré, car coexistent l’exclamation de la victoire tant attendue et le questionnement inquiet de sa pérennisation...

El Ángel de la Victoria tombe du Ciel, mais le messianisme fasciste n’est pas pour autant éradiqué de la Terre, et encore moins d’Espagne. Foto: Jose Mesa / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Depuis fin novembre, Franco n’est plus fils adoptif de Tenerife. Le dictateur fasciste d’origine galicienne, qui avait nota ment « brillé » durant la Guerre du Rif en commandant la Légion Espagnole, s’était retrouvé relégué aux Îles Canaries par le gouvernement du « Frente Popular » en 1936. Ses ambitions de « pronunciamiento », qu’il partageait avec d’autres officiers conservateurs, furent temporairement mises à distance.

Mais il ne renonça pas pour autant aux manigances, et revint en force sur le devant de la scène lors de la Guerre Civile, pour, avec l’assistance technique de l’Allemagne Nazie et dans le silence honteux d’autres nations dont la France, mettre l’Espagne sous domination fasciste de 1939 à 1975. Le « Cabildo de Tenerife », qui assure le gouvernement local, a supprimé le 26 novembre 2021, les honneurs et distinctions accordés au dictateur le 20 août 1936.

31.145 jours ou 85 ans, 3 mois et 6 jours plus tard, la motion portée récemment par les partis de gauche Partido Socialista Obrero Español (PSOE) et Sí Podemos, a été adoptée. Au motif que « personne ne peut se sentir légitimé à utiliser la violence pour imposer ses convictions politiques et établir des régimes totalitaires contraires à la liberté et à la dignité » (sic), le conseiller socialiste Javier Rodríguez Medina a mis l’accent sur la nécessité de déchoir Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde Salgado Pardo de Andrade de son statut de fils adoptif de Tenerife.

Dans la Loi sur la Mémoire Historique (Ley de Memoria Histórica), adoptée en 2007, l’article 15 relatif aux symboles et monuments historiques, oblige les administrations publiques à retirer tout symbole ou mention commémorative exaltant la Guerre Civile et la répression par la dictature. Ce qui implique l’exclusion de toutes subventions et aides publiques, mais cantonne aussi à la sphère privée, l’expression du souvenir guerrier des belligérants. Parallèlement à cela, coexistent des motifs artistiques, architecturaux ou artistico-religieux protégés par la loi, ne faisant pas tomber sous son coup certaines créations ou manifestations.

Reste maintenant à décider du sort du monument à la gloire du dictateur fasciste, érigé à Santa Cruz de Tenerife en 1966 et intitulé « Ángel de la Victoria » ou « Monumento a la Victoria ». Couvert de tags antifascistes en novembre 2016, il a fait l’objet en 2018, d’une étude de l’Université de La Laguna (ULL) concluant que ce monument viole la Loi sur la Mémoire Historique. Ce qui avait donné lieu l’année suivante, à une bataille parlementaire et juridique, entre les forces progressiste de l’île et les tenants du conservatisme.

En 2019, Juan Ramón Trujillo, parlementaire de Podemos, avait notamment qualifié l’investissement d’argent public dans ce mémorial, d’extorsion de fonds aux contribuables. Guillermo Díaz Guerra, porte-parole du Partido Popular (PP), avait selon El Diario, banalisé la tragédie historique en suggérant de donner un sens différents au monument, mais cela ne visait qu’à le préserver. Le parti centriste, à géométrie variable, Ciudadanos s’était alors abstenu.

Maintenant, la décision est actée, Francisco Franco n’est plus fils adoptif de Tenerife. Mais avec dans le pays, une extrême-droite (Vox) ayant trouvé un courant ascendant, une droite (Partido Popular) pensant faussement la manipuler en acceptant son soutien et un centre (Ciudadanos) des plus mous, la bataille des idées n’est pas gagnée.

L’extrême droite reprend de la vigueur, tant en Europe que dans d’autres régions du monde. Or, toutes manœuvres politiques tendant à l’instrumentaliser, n’ont pas d’autres effets que de servir ses intérêts, car on n’a jamais attrapé un crotale par la queue en agitant sa cascabelle à sa place, sans se faire mordre cruellement, voire même mortellement…

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