#FreeFariba : Des élections en prison !

Il se passent des choses étonnantes en Iran, et pas seulement dans la rue...

Liberté, j’écris ton nom pour Fariba ! Foto: Comité de soutien de Fariba Adelkha - Richard Banégas

(Jean-Marc Claus) – Dans la dernière lettre circulaire du comité de soutien de Fariba Adelkhah, on peut y lire sous la plume de Béatrice Hibou, qu’en ces temps de répression à outrance, des élections ont eu lieu à la Prison d’Evin, pour choisir des représentant(e)s des détenu(e)s auprès de l’administration pénitentiaire. Fariba s’est portée candidate, sans se faire beaucoup d’illusions sur ses chances de succès, mais elle est arrivée seconde, juste derrière la candidate « Mojaheddine du Peuple » incarcérée depuis plus d’une dizaine d’années.

Toutes les prisonnières votent à chaque élection systématiquement pour la candidate issue des Mojaheddine, parce que ce sont les plus anciennes détenues et surtout, parce que les autorités de la prison ne les veulent pas. Or, l’élection doit être validée par les Gardiens de la Révolution qui a priori, n’acceptent pas l’élection d’une « Mojaheddine du Peuple ». Si tel est le cas, il sera intéressant de voir s’ils vont se résigner à valider celle de Fariba, ou lui préférer l’une des candidates beaucoup moins bien placées qu’elle : une jeune femme de 23 ans, communiste et réformatrice.

Dans un texte qu’elle avait publié en 2017, Fariba Adelkhah analysait le scrutin législatif iranien de 2016 dans quatre circonscriptions, sous le titre « Élections et notabilité en Iran », un document de 35 pages publié par Les Études du CERI et toujours disponible en ligne. On y lit des choses allant, comme dans une publication plus ancienne, totalement à l’encontre des idées reçues sur ce pays.

On y découvre notamment ceci : « En Iran, le fait électoral s’est banalisé et se vit presque au quotidien. Il concerne à peu près toutes les institutions sociales : les guildes (ou corporations) du bazar, les ordres des professions libérales, les associations de la société civile, la représentation des parents d’élèves et des élèves eux-mêmes au sein des établissements scolaires, les conseils des mosquées, ou même le choix des représentants des déposants victimes d’un krach bancaire. Dans les autocars intercités, il n’est pas rare que le chauffeur soumette la programmation des films pendant le trajet au vote des passagers. L’élection est bien devenue une procédure incontournable de représentation, de sélection, de décision de tous les jours. Elle n’est pas de pure forme. » (page 4)

Ainsi que : « La banalisation du fait électoral, au fil de l’institutionnalisation de la République Islamique, va de pair avec de véritables transformations sociales, économiques, démographiques, au-delà de la seule sphère politique. Le paradoxe est qu’elle menace d’implosion l’édifice institutionnel qui a été conçu, en 1979, pour un pays d’environ 40 millions d’habitants, dont une vingtaine de millions d’électeurs. […] Par ailleurs, les élections témoignent insensiblement de l’effacement des acteurs révolutionnaires et de l’ascension d’une nouvelle génération politique. Curieusement, ce point est souvent passé sous silence dans le débat récurrent autour de la République Islamique, qui met en avant des invariants (le guide de la révolution, le Conseil des gardiens de la Constitution, les gardiens de la révolution…). La longévité politique des principaux dirigeants, à commencer par Ali Khamenei, renforce le sentiment de permanence. Mais le rôle des institutions citées a profondément évolué au fil du temps, et le moment de la succession des pères fondateurs de la république semble bel et bien arrivé, […] ». (pages 5-6)

S’en suit une étude très fine des élections législatives de 2016 en mettant quatre circonscriptions sous la loupe : Qazvin à l’ouest du pays, Kashan à mi-chemin entre Téhéran et Ispahan, Fariman et Torbat-e Djam au nord-est à la frontière avec le Turkménistan et l’Afghanistan. Ces localités iraniennes chargées d’histoire, feront l’objet d’autres articles à paraître. Les conclusions en quatre points de l’étude de Fariba Adelkhah sont particulièrement édifiantes et apportent un éclairage supplémentaire sur les événements de ces derniers mois, notamment lorsque la chercheuse prend volontairement à rebours une citation du politologue libanais Ghassan Salamé.

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