#FreeFariba : Iran vs Israël ou Iran – Israël ?

L’antagonisme irano-israélien, mis en avant par le régime des mollahs, ne relèverait-il pas plus d’un « storytelling » propagandiste que de la réalité historique ?

Un petit et un grand pays, dont les peuples ont une longue et grande histoire. Foto: Torsten / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0 migré

(Jean-Marc Claus) – En janvier 2021, l’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehnari appelait à la fin des hostilités avec Israël, affirmant qu’Iraniens et Juifs ayant de nombreuses années d’amitié, il ne connaît pas d’Iraniens dont l’opinion sur Israël soit négative. Tenant des propos allant à l’encontre de la doxa du régime, cet opposant vivant à Téhéran, a également annoncé via un média israélien, son projet de venir à Jérusalem pour « prier au Mur Occidental » (sic).

Choses impensables, pour qui reste focalisé sur le cliché simpliste et complètement déformé « Iran & Israël = ennemis jurés ». L’ayatollah iconoclaste, dont le titre a été révoqué par le gouvernement, aspire à connaître de son vivant, la fin de cette hostilité entre les deux pays qu’il dit illogique. Cette déclaration faisait suite à la mise en garde par le président Hassan Rouhani, fin 2019, adressée aux pays musulmans entretenant des liens d’amitié avec Israël, disant que « l’Iran est au premier plan de la lutte contre l’arrogance sioniste » (sic).

Qu’en est-il de ces liens d’amitié irano-israéliens, évoqués par l’ayatollah Masoumi-Tehnari, et est-ce, comme le dit le Président Rouhani, une si mauvaise stratégie que cela, pour un pays musulman d’entretenir des relations avec Israël ? Une question à laquelle Fariba Adelkhah, qui en est à son 925ème jour de détention à Téhéran, se ferait un plaisir de répondre. A défaut de pouvoir bénéficier ici de son expertise, voici quelques éléments contribuant à amorcer la réflexion et lancer le débat.

Il faut tout d’abord prendre un recul historique conséquent, pour revenir à la période pré-islamique, où les Juifs exilés de Judée, s’enracinèrent dans le pays de Babylone qui fut ensuite absorbé par l’Empire Perse. Le Talmud Babylonien (Talmud Bavli), le Livre d’Esther, les villes de Soura et Poumbedita, centres d’études talmudiques (yeshivas) rivaux et renommés, sont liés à la Babylonie conquise par les Médo-Perses au VIème siècle avant JC. Plus tard, quand au VIIème siècle après JC l’armée sassanide a conquis la Palestine alors aux mains des Byzantins, les Juifs l’y aidèrent.

Les communautés zoroastrienne, chrétienne et juive passèrent sous l’autorité d’un pouvoir conquis par les arabo-musulmans, dans la première moitié du VIIème siècle après JC. Leurs membres devinrent, selon la charia, des « Ahl-ul-Kitab », c’est à dire des « Gens du Livre ». Soumis à un impôt spécifique, discriminés de diverses manières, l’application des lois les concernant n’était uniforme et la conquête mongole de l’Iran au XIIIe siècle, aboutit à une tolérance religieuse permettant notamment aux Juifs, d’améliorer leurs conditions de vie et d’accéder à des fonctions leur étant jusqu’alors interdites.

La Torah fut traduite en persan, et apparut alors une littérature judéo-persane. Mais lorsque la mouvance chiite devint la religion officielle de l’Iran au XVIe siècle, le sort des Juifs n’y fut plus du tout enviable. Ce n’est qu’à la faveur de la Révolution Constitutionnelle de 1905-1911, qu’ils accédèrent à l’égalité devant la loi. C’est alors que naquirent en Iran, de journaux tels que « Shalom » en persan et « Gueoula » en hébreux moderne. Reza Chah Pahlavi, régnant de 1906 à 1941, limita en 1925, l’emprise du clergé chiite sur la vie publique et permit aux Juifs l’accès à des postes publics et au service militaire.

Comme l’explique Alexandre Greenberg, dans un article de synthèse publié dans « Les Clés du Moyen Orient », l’époque du Shah Mohammad Reza Pahlevi (1941-1979) fut, avec sa Révolution Blanche lancée dans les années soixante, l’âge d’or de la communauté juive iranienne. Même si en 1947, l’Iran fut au nombre des treize nations votant contre la création de l’État d’Israël à l’Assemblée Générale de l’ONU, le pays n’était pas anti-juif. Par ailleurs, le nouvel état juif cherchant à nouer des liens avec des pays musulmans non-arabes, se tourna vers l’Iran et la Turquie.

Durant de nombreuses années, même si l’Iran ne reconnaissait pas Israël « de jure », la coopération se poursuivit comme par exemple la facilitation du transit de juifs irakiens voulant faire leur « aliyah ». Jusqu’à la Révolution Islamique de 1979, les services de renseignement et les militaires des deux pays collaboraient. Israël achetait son pétrole à l’Iran, les domaines du sport, des arts et des sciences permettaient de nombreux échanges.

Partant de là, les paroles de l’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehnari et son projet de venir à Jérusalem pour prier au Mur Occidental, prennent tout leur sens. Mieux encore, la doxa anti-israélienne d’un régime vieux d’à peine une quarantaine d’années, ne résiste pas face à plusieurs siècles d’histoire.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste