#FreeFariba : l’attente du verdict

Fariba Adelkhah n'est pas seulement binationale - elle possède et assume parfaitement la double-culture. Foto: Béatrice Hibou / Fariba Adelkhah & Roland Marchal Support Committee.

(Jean-Marc Claus) – Ouvert le 3 Mars 2020 à Téhéran, le procès de Fariba Adelkhah, poursuivie pour atteinte à la sûreté de l’État, avait immédiatement été reporté à une date ultérieure non définie. Cela  parce qu’elle refusait de répondre à la cour en l’absence de son avocat. L’audience a finalement eu lieu le 19 Avril, et le jugement mis en délibéré devrait être rendu une dizaine de jours plus tard. Selon le comité de soutien, les propos de l’avocat de Fariba Adelkhah laissent la place à un espoir mesuré quant à son acquittement. Nouveau point pour nos lectrices et lecteurs qui suivent avec nous ce dossier que vous retrouverez sous le mot-clef Iran dans les colonnes d’Eurojournalist en cliquant ici.

Maître Saïd Dehghan rapporte que l’audience a duré deux heures et s’est déroulée de façon satisfaisante. Ce qui n’est pas peu dire, dans un système judiciaire où les Gardiens de la Révolution pèsent toujours très lourd. Après plus de dix mois de détention à la prison d’Evin, marquée par une grève de la faim de 49 jours entre décembre et février, elle garde « bon moral », selon son conseil. La libération de son collègue et compagnon Roland Marchal, arrêté le 05 Juin 2019, mais rentré en France le 20 Mars 2020 en échange d’un détenu iranien, contribue grandement à cela. Elle se sentait responsable de l’emprisonnement de Roland Marchal, venu lui rendre visite ainsi qu’à sa famille alors qu’elle séjournait à Téhéran.

L’optimisme, bien que modéré, de son avocat s’explique par le fait que ce n’est pas le redouté juge Salvati qui a présidé l’audience. Vraisemblablement touché par le Covid-19, il a été obligé de se faire remplacer. Cependant, le système judiciaire est tel qu’on ne peut présager de rien. Autre élément positif, l’affectation de Fariba à la bibliothèque de la prison l’aide à tenir. Une bibliothèque dont elle a été promue bibliothécaire en chef et qui, selon ses dires, n’est pas mauvaise du tout. Pour mémoire, la prison d’Evin détient tellement d’universitaires iraniens et étrangers qu’elle a été qualifiée de « Petite Sorbonne » par Jean-François Bayart, politologue, professeur à l’Institut des Hautes Études Internationales et du Développement (IHEID) à Genève et chercheur honoraire au CEntre de Recherches Internationales (CERI) à Paris. L’accès à la lecture, élément important pour nombre de détenus, l’est encore plus pour des universitaires.

Fariba Adelkhah, anthropologue sociale et politique, spécialiste du monde chiite, est passionnée de poésie. Elle traduit actuellement des poètes français en farsi. Comme le rapporte Christine Meyer sur le site du comité de soutien, cette passion est profondément ancrée en elle. Dès son arrivée en France en 1977, elle traduisait déjà des poètes persans pour les faire découvrir à ses amis. Éclectique, elle va du Moyen-Âge à l’époque contemporaine, de l’Orient à l’Occident. Ne se prétendant nullement spécialiste en littérature, elle peut néanmoins être considérée comme une ambassadrice de la poésie française en Iran. Ayant à cœur de faire connaître la poésie française dans son pays natal, elle ambitionne de construire des ponts et de tisser des liens entre les deux peuples.

Deux semaines après son retour, Roland Marchal expliquait combien les livres qui lui ont été envoyés, et les amitiés nouées avec d’autres détenus, lui ont permis de tenir dans un univers où chaque jour ressemble au précédent et au suivant. Dans les années 1970, une campagne gouvernementale disait aux Français qu’il étaient, à l’étranger, les ambassadeurs de la France. Fariba Adelkhah, par sa passion pour la poésie et son besoin de transmettre, est une authentique ambassadrice, tant de la littérature française en Iran que de la littérature persane en France.