#FreeFariba : Le poids des mots…

Non, non et non : il n’y a pas juste un seul otage français détenu à l’étranger, et qui donc serait le dernier !

L’otage, sculpture réalisée par Charles Reymond-Gunthert en 1905 et exposée à Vevey (CH). Foto: Jmh2o / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Dans un communiqué en date du 26 août dernier, au nom du comité de soutien à Fariba Adelkhah dont elle est l’une des principales animatrices, sa collègue et amie Béatrice Hibou invitait les journalistes à se montrer attentifs aux mots qu’ils emploient. Il est vrai que, dans la presse du mois d’août, les déclarations fracassantes selon lesquelles Olivier Dubois serait le dernier otage français, ont de quoi laisser terriblement perplexes, celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, apportent régulièrement leurs soutiens à Fariba Adelkhah détenue en Iran depuis le 5 juin 2019.

Évidemment, il y eut un (simulacre de) procès, suivi d’un jugement (totalement inique et infondé), et la République Islamiste d’Iran ne demande pas (officiellement) de rançon en échange d’une (éventuelle) libération de la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah. Ce qui est (en apparence) différent de la situation du journaliste Olivier Dubois, enlevé au Mali le 8 avril 2021, par le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), alliance djihadiste sahélienne liée à l’organisation terroriste Al-Qaïda.

Mais faut-il à ce point différencier le sort des deux ressortissants français emprisonnés à l’étranger, pour en qualifier seulement un d’otage, et ainsi sous-entendre que l’autre serait une simple détenue de droit commun ? Béatrice Hibou souligne à juste titre que « ne pas reconnaître la qualité d’otage à nos ressortissants dans les mains des Gardiens de la Révolution, c’est dédouaner à bon compte ces derniers et légitimer peu ou prou les accusations fallacieuses dont ils sont l’objet. ».

Cependant, comme elle le souligne peu après : « Rappeler ce point n’équivaut pas pour autant à entériner la caractérisation des Gardiens de la Révolution comme ‘organisation terroriste’ que Donald Trump a édictée pour piéger son successeur. ». Car il s’agit bien, pour ne pas se laisser instrumentaliser par l’un ou l’autre des protagonistes du conflit, de se montrer très précis dans le vocabulaire employé, ainsi que les enchaînements narratifs ou explicatifs développés. C’est exactement là que nous retrouvons l’esprit et la rigueur intellectuelle de Fariba Adelkhah, qui se refuse obstinément à concevoir le monde de façon binaire.

Par ailleurs, il importe de repréciser qu’en janvier dernier, Fariba Adelkhah n’a pas été réincarcérée parce qu’elle n’aurait pas respecté les conditions de son contrôle judiciaire. Cette affirmation complètement fausse, ne fait que relayer la propagande du régime qu’ont colporté avec zèle les diplomates iraniens, notamment en France. La réalité est toute autre et Béatrice Hibou l’explique très clairement : « L’administration de la prison d’Evin, seule compétente en la matière, n’a jamais demandé la réincarcération de Fariba Adelkhah. Et la procédure qui aurait dû prendre plusieurs mois n’a pas été respectée. La décision a été prise le lundi sans décision ni judiciaire ni pénitentiaire et a été exécutée le mercredi. Il s’agit d’une mesure d’ordre strictement politique, sans doute dans le contexte de la reprise des négociations nucléaires. ».

Fariba Adelkhah a respecté scrupuleusement le contrôle judiciaire auquel elle était astreinte depuis son assignation à résidence depuis le 3 octobre 2020. Après sa réincarcération à la prison d’Evin le 12 janvier, la permission de cinq jours dont elle a bénéficié le 9 août dernier, n’a pas été prolongée, alors que c’était légalement possible. Donc oui, par certains côtés, le sort d’Olivier Dubois est quelque peu différent de celui de Fariba Adelkhah, mais faut-il à se point faire des distinctions en matière de privation de liberté et de détention pour des motifs injustifiables ? Fariba Adelkhah et Olivier Dubois sont, l’une comme l’autre, des otages français détenus à l’étranger. Comment faut-il le dire, pour que cela soit enfin entendu et assimilé par la majeure partie des médias, et bien évidemment de l’opinion publique se construisant sur les informations qu’ils lui fournissent ?

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