#FreeFariba : Liberté scientifique et risques du métier

Dans une semaine, se tiendra à Paris un colloque rendant hommage à Fariba Adelkhah et intitulé « Liberté scientifique et risques du métier : la recherche comme profession ». Nous y apportons ici une petite contribution.

Le Planétarium Omar Khayyâm, un bijou architectural orné d’azur de Neichapour. Foto: SoniaSevilla / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Comme nous l’avons plusieurs fois dit et répété dans cette chronique mensuelle, l’Iran n’a pas toujours été une république islamique, et même dans le contexte actuel de mainmise des religieux sur la société, certaines disciplines scientifiques y ont leur place. Ainsi, toute vision manichéiste et binaire de cette nation, est-elle aussi absurde que de considérer les USA comme le plus grand pays des libertés, et la France comme celui des droits humains par excellence.

Au nombre des savants dont l’ancienne Perse et actuelle Iran peut être fière, figure un certain Omar Khayyâm (1048-1131), dont une statue offerte en 2009 par l’Iran, se trouve au Centre International de Vienne. Une autre le représentant plus jeune se trouve à Douchanbé, au Tadjikistan. Le planétarium de Nishapour, ville connue pour ses mines de turquoise, porte également son nom, car c’est là que se trouve le mausolée d’Omar Khayyâm.

Issu d’une famille de fabricants de tentes, métier qu’exerçait Saul de Tarse au début du Ier siècle, il eut la chance de faire des études. Le Sultan Malikshâh (1055-1092) l’invita à Ispahan afin de réformer le calendrier solaire. Alors âgé de 26 ans, il consacra cinq années de sa vie à cette tâche, ainsi qu’à diverses observations astronomiques. Poète et philosophe, il est à l’origine d’une littérature abondante dont l’ensemble n’a pas été intégralement conservé. Tombé en disgrâce à la mort du sultan Malikshâh, possiblement suite à certains de ses écrits, Omar Khayyâm s’empressa de faire un pèlerinage à la Mecque, partit ensuite à Merv dans l’actuel Turkménistan, et passa les vingt dernières années de sa vie en reclus à Nishapour.

Liberté scientifique et risques du métier, aurait-il pu dire, dix siècles avant le colloque en l’honneur de Fariba Adelkhah, détenue en Iran depuis le 5 juin 2019 et condamnée à cinq ans de prison ferme pour « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale » et un an pour « propagande contre le régime ». Le 13 août dernier, elle en était à son 800e jour de détention, pour avoir exercé sa liberté scientifique, ce qui nous ramène aujourd’hui à 834 jours.

Ainsi, le parcours d’Omar Khayyâm doit-il être d’autant plus une source d’inspiration pour Fariba Adelkhah, comme il l’a été entre autres pour le romancier franco-libanais Amin Maalouf (« Samarcande »), le romancier portugais Fernando Pessoa (« Rubaiyat »), le poète et parolier égyptien Ahmed Rami (« Rubaiyat el-Khayyam », l’une des trois meilleures chansons d’Om Kalthoum), le chanteur français Bernard Lavilliers (« Femmes »).

« Referme ton Coran. Pense librement et regarde librement le ciel et la terre », disait celui qui écrivait :

« Puisque notre sort, ici-bas, est de souffrir puis de mourir,
ne devons-nous pas souhaiter de rendre le plus tôt possible à la terre notre corps misérable ?
Et notre âme, qu’Allah attend pour la juger selon ses mérites, dites-vous ?
Je vous répondrai là-dessus quand j’aurai été renseigné par quelqu’un revenant de chez les morts. »

« Hier est passé, n’y pensons plus
Demain n’est pas là, n’y pensons plus
Pensons aux doux moments de la vie
Ce qui n’est plus, n’y pensons plus »

« Les astres à ma présence ici-bas n’ont rien gagné,
Leur gloire à ma déchéance ne sera pas augmentée;
Et, témoin mes deux oreilles, nul n’a jamais pu me dire
Pourquoi l’On m’a fait venir et l’On me fait m’en aller. ».

 

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