Le pêché originel de la CDU de Friedrich Merz

Pour la première fois, la CDU a fait passer un texte au Bundestag avec les votes de l'AfD et du FDP. La glissade vers l'extrême-droite de la CDU est acté.

Ce prochains temps, lors de contrôles de la police, mieux vaut avoir des cheveux blonds et les yeux bleus... Foto: Dirk Vorderstraße / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Les choses s’accélèrent en Allemagne, la « Porte coupe-feu », comprendre le « barrage républicain » contre l’extrême-droite allemande, est en train de s’effondrer. Hier, le Bundestag a voté à 348 contre 345 votes un texte proposé par la CDU/CSU qui a été adopté par les votes de la CDU/CSU, le FDP et l’AfD – une première, le premier vote commun CDU-FDP-AfD qui signifie que l’extrême-droite allemande arrive maintenant dans le giron du pouvoir. Friedrich Merz, candidat à la chancellerie et chef de la CDU, savait exactement ce qu’il faisait et sa déclaration après ce vote, disant qu’il regrettait que son texte ait trouvé cette majorité-là, sonnait faux. Les deux partis qui, sur le papier, sont encore au pouvoir à Berlin, le SPD et les Verts, sont aujourd’hui minoritaires au Bundestag (comme les macronistes en France) et ne pouvaient rien faire contre ce vote concerté entre la CDU/CSU, l’AfD et le FDP.

Même si un de nos lecteurs avait estimé nécessaire de nous interpeller en qualifiant de « totalement absurde » notre article qui annonçait la possible fin de l’Espace Schengen, c’est exactement ce que Friedrich Merz, le chef de la CDU, a fait voter hier – la réintroduction durable des contrôles aux frontières allemandes, ce qui signifie ni plus et ni moins que la fin durable de l’Espace Schengen.

Les autres points de cette proposition de loi sont également de nature à faire plaisir à l’extrême-droite allemande qui, on le rappelle, est bien plus violente que l’extrême-droite dans d’autres pays. Plus d’entrée sur le territoire allemand pour toute personne ne pouvant produire un titre de séjour valable, impossibilité pour ces gens de soumettre une demande d’asile aux frontières allemandes. Ceci est également valable pour des mineurs arrivant de pays en guerre et qui, jusqu’ici, bénéficiaient d’une protection particulière.

Ensuite, le texte devient « trumpien » – arrestation de toute personne contrôlée sans être en possession d’un titre de séjour valable, mise en œuvre de grands centres de détention pour ces personnes, expulsions dans les meilleurs délais. Les expulsions auraient lieu quotidiennement, y compris vers des pays comme l’Afghanistan et la Syrie qui ne peuvent vraiment pas être qualifiés « d’états sûrs ». Comme en France, où le premier ministre voit le pays « submergé » par des migrants, l’Allemagne se met aussi à mener une politique compatible avec l’extrême-droite qui elle, comme en France, tire déjà les ficelles de la politique nationale en arrière-fond.

Autre point important, désormais, la police qui contrôle un étranger sans titre de séjour, ne doit plus passer par la justice pour incarcérer cette personne dans l’un des camps, mais elle peut procéder directement, assumant ainsi un rôle qui jusqu’ici, était réservé à la justice. La haine de l’Autre suffit même pour miner des règles démocratiques d’un état de droit.

On assistera donc (même si la deuxième chambre, le Bundesrat, pourrait encore retarder l’échéance), aux mêmes scènes de chasse aux étrangers qu’aux États-Unis. Les contrôles de toute personne n’ayant pas les cheveux blonds et les yeux bleus vont se multiplier et la mise en œuvre massive de centres de détention n’est pas rassurante non plus. Quand les Allemands créent de tels centres, le résultat risque d’être celui qu’on a commémoré en début de semaine…

Ce qui est grave aussi, c’est la facilité avec laquelle le probable prochain chancelier allemand Friedrich Merz a trouvé un terrain d’entente avec l’AfD. Comme les « macronistes », Merz a invité le SPD et les Verts à voter lors d’un deuxième vote vendredi avec la CDU, proposition immédiatement rejetée par les deux partis, car la CDU se situe maintenant trop proche de l’AfD. Pourtant, sa compatibilité avec l’extrême-droite ne semble pas arranger les intérêts de Friedrich Merz. Cette semaine et suite à cette glissade vers l’extrême-droite, la CDU a perdu 3% dans les sondages et c’est l’AfD qui en profite – certains électeurs doivent se poser la question pourquoi voter pour une CDU qui est si AfD compatible, s’ils peuvent voter directement pour l’extrême-droite.

Après l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, plusieurs pays scandinaves et bien d’autres, l’Allemagne opère aussi sa glissade vers l’extrême-droite. Du coup, l’élection législative anticipée du 23 février prochain, risque de réserver encore des surprises. Cette évolution, hormis le fait qu’elle soit du poison pour l’Europe et l’idée européenne, est inquiétante. Mais c’est comme au début des années 30 du siècle dernier, lorsque la majorité des Allemands pensaient que la voie vers le fascisme ne pourrait pas être empruntée par l’Allemagne. Beaucoup d’Allemands étaient persuadés que tout allait bien se passer, jusqu’à ce qu’il était trop tard. Sommes-nous vraiment condamnés à revivre l’Histoire ?

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