Frontière mal gardée : à quoi joue la Turquie d’Erdogan ?
Une équipe de journalistes de la chaine allemande n-tv a vérifié comment la Turquie garde sa frontière avec la Syrie et l’Etat Islamique. Rien de plus facile que de rejoindre le Daesh.
(KL) – A Akcakale dans le sud-est de la Turquie, les positions de l’Etat Islamique en Syrie ne se trouvent qu’à un jet de pierre. Comme à Kobané, les soldats turcs se contentent de regarder, d’observer et – de ne rien faire. Pourtant, tous les jours, de jeunes occidentaux continuent à arriver pour rejoindre l’EI, même s’ils sont moins nombreux qu’il y a quelques semaines ou mois. La guerre usante entre l’EI et le reste du monde a déjà coûté trop de vies pour garder son aspect «romantique». Les jeunes Européens et Européennes commencent à comprendre que l’aventure de l’EI constitue souvent un voyage sans retour – contrairement aux jeux vidéos, dans la guerre, on ne peut pas appuyer sur la touche «Reset».
«100 dollars», voilà ce que demandent de jeunes passeurs qui traversent la frontière entre la Turquie et la Syrie comme ils veulent. «Les occidentaux qui tentent de traverser la frontière au poste officiel, se font souvent refouler», confie l’un des jeunes passeurs qui, pour prouver la facilité du passage, fait plusieurs aller-retour devant les reporters allemands. Et devant les yeux des gardiens de la frontière qui ne font pas mine de vouloir stopper quiconque.
Dans une telle région, il n’est pas aisé de contrôler toute la frontière qui est longue de 900 km et ce, dans une région où la guerre bat de son plein. Mais force est de constater que les jeunes Européens et Européennes qui arrivent toujours en Turquie pour rejoindre le Daesh, n’ont aucune difficulté d’y arriver, malgré les déclarations officielles du gouvernement turc. Ce dernier a publié fièrement des chiffres selon lesquelles la Turquie aurait déjà extradé 1150 étrangers souhaitant rejoindre les milices terroristes, tout en interdisant à 12500 étrangers suspects l’entrée au pays. Mais combien sont passés ? Combien de jeunes Européens et Européennes sont passés à travers cette passoire qui se veut être une frontière ? Et la grande question : est-ce que cela se passe avec le consentement de Recep Tayyip Erdogan, qui lui, a quitté la voie du fondateur de la Turquie moderne, Kemal Atatürk, qui avait réussi á créer un état laïc ?
Il est difficile de comprendre la politique d’Erdogan, qui poursuit des journalistes critiques, qui interdit à son peuple l’accès aux réseaux sociaux, qui laisse tirer son armée sur des opposants. Toujours est-il qu’Erdogan n’a jamais caché sa sympathie pour des extrémistes religieux et on pourrait se poser la question si la Turquie ne cherche pas à ménager la chèvre et le choux – en entretenant de bonnes relations autant avec ceux qui combattent l’EI et l’EI lui-même.
100 dollars, voilà le prix pour pouvoir risquer sa vie dans un combat meurtrier entre une milice terroriste qui rêve d’un kalifat panarabe et une coalition qui se limite à bombarder des cibles difficiles à cerner en Syrie et en Iraq. De milliers de jeunes Européens ont déjà rejoint les rangs de l’EI, de centaines se sont déjà fait tuer et le recrutement dans les pays occidentaux continue. Et à la frontière entre la Turquie et la Syrie, on se contente de siroter son café et de fermer les yeux lorsque quelqu’un tente de franchir la frontière quelques mètres plus loin.
Avec ce comportement nonchalant, la Turquie complique les discussions concernant son statut vis-à-vis de l’Union Européenne et l’UE fait semblant de ne rien voir. Les appels des politiques occidentaux ne servent pas à grande chose – la Turquie clame haut et fort qu’elle fait son possible pour empêcher les jeunes occidentaux de rejoindre l’EI. Pour les jeunes qui continuent à rêver d’exister au sein de l’EI, la Turquie reste la terre promise. Car 100 dollars ne pèsent pas lourd dans le budget du voyage vers une mort de martyr.
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