Fusion des régions – «Alsaciens : Indignez-vous !…»

Alain Howiller reprend le célèbre titre de Stéphane Hessel pour alerter les Alsaciens - si l’on veut défendre l’avenir de l’Alsace, c’est maintenant le moment…

Dans le Haut-Rhin, les responsables politiques doivent se mordre les doigts en pensant à l'occasion manquée le 7 avril 2013... Foto: Jipéto / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – Entré, il y aura bientôt quatre ans(1), dans l’Histoire avec son essai de… 32 pages «Indignez vous !», Stéphane Hessel écrivait : «Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux… La pire des attitudes est l’indifférence, dire : «Je n’y peux rien, je me débrouille». En vous comportant ainsi, vous perdez l’une des composantes essentielles qui fait l’humain. Une des composantes indispensables : la faculté d’indignation et l’engagement qui en est la conséquence…». Confrontés au projet de fusion des régions (voir notamment eurojournalist,eu du 25.07.2014; sous le titre : «L’Alsace, une fois encore inaudible !») regroupant l’Alsace avec la Lorraine et la région Champagne-Ardennes, les Alsaciens auront-ils la volonté -pour ne pas dire le courage- de manifester leur désaccord contre une volonté de regroupement qui, quoi qu’en disent certains, atteindra leur âme. «Indignez-vous» : c’est le moment, estiment une grande partie des Alsaciens pour qui il est temps que leurs concitoyens arrêtent de plonger leur tête dans le sable comme l’autruche, pour ne pas voir la réalité.

Il faut éviter -disent-ils- de renouveler le sinistre exploit de ce 7 Avril 2013 qui fit capoter le projet de «regroupement des collectivités régionales». 58% des Alsaciens avaient voté en faveur du Conseil d’Alsace, mais faute d’avoir pu réunir une participation suffisante pour faire approuver le projet, le referendum n’a pas abouti !

L’Alsace n’est pas la Bretagne : il n’y a pas de bonnets rouges ! – Les Alsaciens ne sont pas des Bretons : on peut, en l’occurrence, regretter qu’ils n’aient pas -à l’image des manifestants contre l’Eco-Taxe- sortis leurs bonnets rouges (ou noirs avec cocarde imitant les coiffes des alsaciennes). Les risques de réactions venus du terrain, a mis les Bretons à l’abri d’un regroupement avec d’autres régions : la Bretagne restera seule, en l’état actuel des choses. Comme la Corse : on avance l’insularité pour ne pas y procéder à un regroupement, alors qu’en fait tout (y compris le résultat des dernières élections) permet de penser qu’on redoute qu’un projet de «type alsacien» ne relance une montée de nationalisme insulaire !

L’Alsace n’est ni la Bretagne, ni la Corse, mais ses valeurs régionales, ses particularités, son identité, son engagement -sur le plan de l’emploi notamment- dans le cadre transfrontalier et la projection de sa «Marque Alsace» au secours d’une économie ouverte au monde, risquent d’être noyés dans une entité sans cohérence, sans âme, éloignée des citoyens. Dans cet ensemble, elle sera politiquement minoritaire : pour certains, cette approche politicienne serait, d’ailleurs, l’un des résultats attendus du projet. Strasbourg, capitale européenne déjà contestée par ailleurs, ne mobilisera guère. Tandis qu’on s’interrogera sur l’avenir de particularités qui -les études le mettent en exergue- constituent, face à la mondialisation, des points d’ancrage et de résistance. On s’interrogera aussi sur la manière dont une «grande région Est» abordera certains problèmes spécifiques tels que le bilinguisme, à propos duquel la nouvelle Ministre de l’Education devra rassurer, la reconversion de la centrale nucléaire de Fessenheim, le statut fiscal spécifique des entreprises suisses à l’euro-airport de Bâle-Mulhouse etc…

Ringardise et repli sur soi ! – Ils ne sont pas rares ceux qui s’indignent du fait que, repeignant ce que certains appelaient, hier, un autonomisme désormais sans objet, certains fustigent, les opposants au regroupement en les accusant de «ringardise» et de «volonté de repli sur soi» !… C’est notamment le cas des députés socialistes de Strasbourg qui, bien que n’étant pas de la région, ont été élus sans être victimes d’un… repli sur soi imaginaire qu’ils dénoncent. L’un des deux -Armand Jung- a avancé un argument insolite : «Je ne veux pas que l’Alsace devienne un Tyrol du Sud» : sans doute a-t-il oublié que dans cette région italienne, où pendant longtemps les bombes des séparatistes germanophones eurent la parole, le chômage est inférieur à 5%, que 63% des habitants y pratiquent l’allemand et que le bilinguisme s’est installé à tous les étages. Alors, est-ce «ringard» que de rester attaché à cette région, alors qu’on ignore l’essentiel de la composition de la sauce à laquelle elle sera mangée dans le cadre du nouveau regroupement ?

Un regroupement dont on ignore les conditions réelles, les ressources et les modalités d’exercice du pouvoir. Celui-ci passera notamment par l’épreuve d’élections régionales et départementales dont on ignore les dates et la mise en œuvre ! Les Alsaciens, donc, s’indignent devant un projet mal ficelé que des technocrates, gouvernement et Président de la République en tête, veulent imposer. Ils s’indignent pour obtenir qu’il soit revu : ils regrettent, enfin, que le regroupement prévu «clive» droite et gauche, qu’il divise même à l’intérieur des camps en présence. Opposition et majorité auraient pu -du- confronter leurs positions et essayer de trouver un compromis dans l’intérêt de l’Alsace. Et comme viennent de le souligner les «chambres consulaires régionales» (Chambres de Commerce et d’Industrie, Chambre d’Agriculture, Chambre des Métiers) : «Il vaut mieux une région forte, qu’une région grande» : les organismes consulaires viennent de lancer une campagne sur le thème : «Non à la fusion… (pour), l’Alsace ma région !»

L’Alsace vent debout contre le projet de regroupement ! – Après un cavalier seul qui l’a conduit, avant même que projet ne soit ficelé, à engager des discussions avec le Président du Conseil Régional de Lorraine en vue d’une éventuelle fusion Alsace-Lorraine, Philippe Richert, le président de la région Alsace, a fait volte-face, relançant l’idée du Conseil d’Alsace qui n’avait pas abouti lors du referendum du 7 Avril 2013 : «La manière dont la majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale a disposé, au courant du mois de Juillet, du sort de l’Alsace (en votant le regroupement avec la Lorraine et Champagne-Ardennes) et d’une manière générale, d’un certain nombre de régions, est inacceptable. C’est un coup de force qui a légitimement suscité l’opposition de l’Alsace unanime…»

Dans un texte, 22 parlementaires de droite ont appelé à la mobilisation des forces vives de l’ensemble des citoyens d’Alsace afin que le débat parlementaire (sur la réforme) qui se poursuivra au Sénat et à l’Assemblée Nationale prenne enfin en compte la voie de l’Alsace. Le Maire de Mulhouse a lancé une pétition sur les réseaux sociaux : sa position favorable à un Conseil d’Alsace a déjà recueilli plus de 50.000 adhésions. Les initiatives allant dans le même sens se multiplient : après une première manifestation timide, le colllectif «Non à la Fusion Alsace-Lorraine» a lancé l’idée d’une nouvelle manifestation alors que le Maire d’Obernai préconise une manifestation des Alsaciens à Paris devant le Palais de l’Elysée ou l’Hôtel Matignon, lieu de résidence du Premier Ministre.

«Alsaciens avant d’être politiciens !» – Bien plus, Charles Buttner, le Président du Conseil Général du Haut-Rhin, dont l’attitude équivoque à propos du Conseil d’Alsace a très fortement contribué à l’échec du référendum, a présidé une réunion des élus de droite de son assemblée pour faire adopter une résolution réclamant, pour éviter un… alsacitide (!), le retour du Conseil Unique d’Alsace. Les conseillers généraux du Haut-Rhin ont même approuvé cette approche à une très grande majorité, découvrant, pour reprendre le propos du premier vice-président de l’assemblée : «Qu’avant d’être politiciens, nous sommes Alsaciens !» Dommage que, éternels «Hans im Schokeloch»(2), ils n’aient pas fait cette découverte… plus tôt !

«Maintenant, les trois collectivités (Conseil Régional + Conseils Généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin) doivent délibérer de façon concomitante, approuver un texte commun et ouvrir avec le Gouvernement une discussion visant à inscrire directement dans la Loi, la nouvelle organisation de notre région(3)», a souligné Philippe Richert qui a même menacé de lancer un nouveau parti qui regrouperait tous ceux qui défendent l’Alsace : une manière de dépasser la crise de l’UMP et de revenir aux racines d’un parti centriste qui a, pendant longtemps, incarné l’Alsace politique ? Ira-t-on vers un nouveau référendum : la démarche serait possible, en application des dispositions de la Constitution.

Les socialistes divisés : que va faire Hollande ? – En attendant, André Vallini, le Secrétaire d’Etat chargé de la réforme territoriale, a souligne : «La réforme n’est pas figée tant que la loi n’est pas votée. Et si en deuxième lecture, les parlementaires veulent changer les choses, ils peuvent encore le faire… L’idée d’une Alsace organisée en collectivité unique reste intéressante, les parlementaires en rediscuteront peut être en octobre, lorsque le débat reviendra à l’Assemblée!» Repli tactique sans grande signification tant que le Président de la République n’aura pas reçu une délégation des élus régionaux venus plaider le retour du Conseil d’Alsace et l’abandon du regroupement envisagé. A l’occasion de la commémoration du centième anniversaire du déclenchement de la Première Guerre Mondiale, François Hollande avait présidé, le 3 Août, une cérémonie au Hartmannswillerkopf, dans les Vosges du Haut-Rhin. En marge de la cérémonie, il avait eu contact, provoqué par la Sénatrice socialiste Patricia Schillinger, avec les élus régionaux présents.

Il leur avait promis de les recevoir, dès Septembre, à l’Elysée : l’entrevue pourrait être décisive. D’autant que les socialistes alsaciens divisés sur la question -élus du Bas-Rhin en tête, dont le Sénateur-Maire de Strasbourg, Roland Ries- font le siège du gouvernement pour qu’il favorise une fusion Alsace-Lorraine, plus propice à… consolider les succès électoraux de leur parti dans le Bas-Rhin. Ainsi se dessine l’enjeu de compétitions électorales qui, de fait, débat sur la compétitivité des régions : celle-ci serait liée à leur taille ou plutôt à leur pouvoir et aux ressources dont elles disposent ?

(1) – L’essai de 32 pages de Stéphane Hessel, décédé en février 2013, est paru en 2010 sous le titre «Indignez-Vous !». Extraordinaire succès de librairie, il s’est vendu à plus de 4 millions d’exemplaires dans une centaine de pays, suscitant même des mouvements «d’indignés» en Grèce, Italie, Espagne, Etats Unis etc…..

(2) – Le «Hans im Schnokeloch» est une figure appartenant à la tradition alacienne : ce «Hans» (Jean du trou du moustique qui renvoie à un quartier de la banlieue strasbourgeoise connue, en son temps, pour ses… Moustiques !) rappelle la mémoire d’un restaurateur du XVIème siècle connu pour son indécision : il est devenu le héros d’une comptine soulignant : «Jean dans son trou de moustiques a tout ce qu’il veut, et ce qu’il a, il ne le veut pas et ce qu’il veut, il ne l’a pas, Jean dans son trou de moustiques a tout ce qu’il veut !» Ce Jean-là est devenu une sorte de symbole des Alsaciens grognons, réputés -à tort ou à raison !- de ne pas toujours savoir ce qu’ils veulent !

(3) – Les sessions qui approuveraient le texte commun -qui devra être adopté par 60% des votants- pourraient avoir lieu le 22 Septembre.

1 Kommentar zu Fusion des régions – «Alsaciens : Indignez-vous !…»

  1. Yveline MOEGLEN // 3. September 2014 um 0:19 // Antworten

    Il me semble qu’on dit : « qu’il ne faut jamais faire deux fois la même chose »… !
    Heureusement que le « ridicule » même en politique ne tue pas ….
    Ont – ils tous eu « le seau de glace » sur la tête …. ??
    Peut-être que la glace fait perdre la mémoire … Qui sait … ?

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