Fusions des régions – et à la fin, ce sera l’Alsace-Lorraine

Sans doute, c’est cette configuration qui aura les plus fortes chances de l’emporter !

Tiens, les régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes ont un trait en commun. Sur leurs blasons respectifs. C'est tout. Foto: Plavius / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Manuel Valls l’avait promis, le Président de la République l’avait laissé entendre : le Parlement pourra amender le projet de fusion des régions à condition qu’il n’augmente pas le nombre des régions, limité à 14 (au lieu de 22 actuellement). Le moins qu’on puisse dire c’est que la perche tendue par l’exécutif a été saisie à pleine main par les parlementaires : les sénateurs ont, purement et simplement, rejeté le projet, les députés, quant à eux, ont ramené le nombre des régions à 13 en supprimant -notamment- la région Champagne-Ardennes-Picardie. Cette dernière est rattachée à la région Nord-Pas de Calais, solution dont la principale responsable du Nord -Martine Aubry, ancienne Ministre et Secrétaire Nationale du Parti Socialiste- ne veut pas.

La Champagne-Ardennes est, elle, rattachée à la nouvelle région Alsace-Lorraine dont les responsables, déjà partagés sur le projet alsaco-lorrain, sont plus que réservés face à l’éventualié de l’accueil d’une partie de la région… disparue. Cette proposition, émanant de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale qui l’a adoptée 72 voix sur 94 membres, est depuis jeudi 17 Juillet débattue par les députés qui devraient l’adopter, l’amender ou le rejeter le 23 Juillet !

Le projet prévoit par ailleurs un certain nombre de modifications de tracés de régions, tout en maintenant trois régions telles qu’elles existent actuellement : la Corse, la Bretagne et la Loire-Atlantique. La région Centre, qui devait intégrer avec le Limousin (marié désormais à l’Aquitaine) et la région Poitou-Charentes, restent aussi seules, en attendant. Dans ce «Kriegspiel» de découpage, un peu compliqué où les changements succèdent aux changements, où les suspicions accompagnent ce qui semble être des arrière-pensées non dénuées d’électoralisme, Manuel Valls, un faux dur qui s’affirme et François Hollande, un faux mou qui louvoie, sont à la manoeuvre. Ils ont engagé un pari incertain dont on ne connaîtra réellement l’issue qu’après des semaines, voire des mois de débats, accompagnés ou suivis de recours.

L’Alsace victime des négociations politiciennes ? – «Je refuse que l’Alsace s’inscrive en queue de négociations politiciennes menées au sein du parti socialiste´», a commenté Philippe Richert, Président de la région Alsace, «avant de signer un ‘manifeste des élus de la majorité alsacienne’ (UMP-UDI) qui proteste contre le nouveau projet de fusion «Champagne-Ardennes-Alsace-Lorraine», option qui a été retenue sans concertation, guidée par les intérêts particuliers de certains responsables socialistes… Les élus de la majorité alsacienne s’opposent fermement et unanimement à la proposition du groupe socialiste de l’Assemblée… Face à cette nouvelle donne qui nous est imposée, celle-ci passe par la question-clé des compétences et des moyens, ainsi que par la réactivation du projet de Conseil d’Alsace».

On se souvient que ce projet qui entendait fusionner les deux Conseils Généraux départementaux et le Conseil Régional d’Alsace avait été soumis -le 17 Avril 2013- à un référendum. Ce dernier, bien que la majorité des votants ait approuvé le projet de «Conseil unique d’Alsace», n’avait pas abouti, en l’absence du quorum de participation nécessaire. Cet échec ne peut faire oublier que si les pétitionnaires de la «majorité alsacienne» avaient mené campagne unis, le projet aurait sans doute abouti et la question d’une fusion -même limitée à l’Alsace-Lorraine- ne se serait sans doute pas posé.

Du reste, l’unanimité affirmée est tout à fait récente puisque certains signataires continuaient, il y a quelques jours encore, à affirmer leur hostilité à une «région Alsace unie» (!). Si l’un des leaders de l’opposition au «Conseil Unique» -à savoir Charles Buttner, Président du Conseil Général du Haut-Rhin- n ‘a pas (encore !) fait connaître sa position quant au nouveau projet, le Maire de Colmar Gilbert Meyer, quant à lui, a réaffirmé son hostilité à tout projet de fusion !

La gauche alsacienne à la manoeuvre ! – Mais si la Droite, majoritaire dans la région, reste divisée, la gauche, elle, qui avait été divisée lors du referendum sur le «Conseil Unique» se retrouve dans son opposition au projet de Champagne-Ardennes-Alsace-Lorraine. «Je suis en désaccord avec un procédé qui consiste à considérer l’Alsace et la Lorraine comme une variable d’ajustement pour des problèmes qui se posent ailleurs, en Picardie ou en Nord-Pas de Calais», affime le Sénateur-Maire socialiste de Strasbourg, Roland Ries, favorable à une fusion Alsace-Lorraine, qui redoute qu’une (trop) vaste région «Champagne-Ardennes-Alsace-Lorraine» ne compromette le rôle de métropole régionale de Strasbourg et ne participe, de ce fait, à la remise en question de la vocation de capitale européenne de sa ville. Si le nouveau projet reste condamné par la gauche comme la droite, un clivage s’est installé à l’intérieur de la droite d’une part, entre la gauche et la droite d’autre part : il porte sur le future regroupement régional.

La gauche (y compris lorraine, du moins dans sa «branche» du département de la Moselle, ancien partenaire du «Reichsland Elsass-Lothringen» de la période 1870-1918) est favorable à une fusion Alsace -Lorraine, la droite est majoritairement favorable, en l’état actuel des choses, à un maintien d’une région «Alsace» unique, à l’image de ce qui se dessine pour la Bretagne et la Corse. Il est vrai que la solution Alsace-Lorraine a déjà trouvé la faveur de Philippe Richert et de son Conseil Régional qui ont noué des contacts positifs avec un autre partisan, apparemment favobable : Jean-Pierre Massenet, ancien Ministre, Président socialiste de la Région Lorraine.

L’Alsace isolée : un projet ringard ? – Les arguments volent de part et d’autre de l’échiquier politique : pour les uns (comme le député socialiste strasbourgeois Philippe Bies), une région «Alsace isolée» est ringarde et produit du passé qu’on veut cultiver, pour d’autres au contraire (à droite), l’Alsace a une légitimité et un enracinement (dialecte, histoire, droit local). Pour certains, une fusion Alsace-Lorraine participerait à la création d’une «Euro-Région» forte, pour d’autres, cette notion apparaît comme floue dans la mesure où on ne connaît ni les pouvoirs, ni les resspources dont disposera cette «Euro-Région». Pour les uns, l’Alsace-Lorraine serait un moyen politique (comme l’ensemble de la réforme) de «noyer par la gauche» les régions de droite (comme l’Alsace) ou susceptibles de «basculer à droite». Pour d’aucuns, une réforme territoriale n’est pas seulement un exercice de découpage aux ciseaux (qui en épargnent certains !), mais doit intégrer la réforme des services de l’Etat (de l’administration préfectorale aux universités). Elle doit s’adapter au terrain et aux liens qui existent déjà et ne pas être imposé par le haut, par la «volonté des princes» qui nous gouvernent. On aurait du commencer la réforme par une fusion des 36.000 communes de France. Comment désignera-t-on la future «capitale régionale», alors que lors du referendum de 2013, le sort de Strasbourg avait déjà interpellé, face notamment à … Colmar ! Enfin, pour l’extrême-droite comme pour… l’extrême gauche, on aurait du s’abstenir de tout re-découpage : il porte atteinte à l’unité et à l’égalité «dans» et «de» la nation.

Que sortira-t-il des débats au parlement, que deviendra finalement la réforme ? Le vote de l’Assemblée Nationale appportera un premier état des lieux : il ne sera pas définitif, puisque le gouvernement a promis une «deuxième lecture du projet» au Parlement. Mais selon une tradition apparemment bien ancrée, l’Alsace, au contraire de la Bretagne qui tire toujours son épingle du jeu (de la fusion à la mise en place de la trop fameuse «écotaxe»), n’a pas su s’unir pour proposer un projet alternatif. Tout porte à croire que pour paraphraser le propos fameux du footballeur britannique Gary Lineker(1), «la fusion, dans l’Est du pays, se joue à plusieurs, mais à la fin, c’est la Lorraine fusionnée avec l’Alsace qui devrait l’emporter !» On parie ?

(1) «Le football est un jeu simple : 22 joueurs courent après une une balle pendant 90 minutes et à la fin, les Allemands gagnent toujours» : une boutade du footballeur britannique Gary Lineker après le match Angleterre – Allemagne, perdu, en Italie lors de la coupe du Monde en 1990.

1 Kommentar zu Fusions des régions – et à la fin, ce sera l’Alsace-Lorraine

  1. Une fois de plus merci Alain Howiller pour ce papier-synthèse, clair et que j’exploiterais volontiers en très gros, à ma manière plus “pernicieuse”, sans outrage au maître!. Mais là, tu as pratiquement tout dit, comme un patron de presse qui ne peut plus s’empêcher d’ aller au charbon puisque le marbre n’existe plus. C’est çà?
    Alors tant mieux.

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