Gaz de schiste en Croatie !

Terre vendue, poches trouées

La Croatie s'apprête à faire rocker son sol. En Oklahoma,une terre très peu sismique l'est devenue très fort après l'introduction de la fracturation, en 2009 ! Foto: U.S. Geological Survey / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(MC) – Il n’y a pas qu’en France que le weekend dernier a été très agité. En Serbie et dans le Monténégro, des manifestations d’une ampleur guère atteinte ces dernières années ont eu lieu, prenant l’allure de défilés de gilets jaunes ! Mais plus profondément, une action vaste et profonde se prépare dans un autre pays de Balkans, cette Croatie qui elle, fait partie de l’Union Européenne. Cette action sera dirigée contre contre l’exploitation des gaz de schiste.

En Serbie, samedi, les opposants (de toutes tendances) au gouvernement d’Aleksandar Vučić ont protesté contre l’agression de Borko Stefanović, le dirigeant du parti de gauche Levica Srbije : en effet, le 23 novembre dernier, Stefanović s’était fait vérifier la sonorité de son crâne à coups de barre de fer en se rendant à un meeting à Kruševac… C’est l’occasion d’une protestation générale contre la corruption, le musèlement des médias et de la justice, bref de tout ce qu’on impute au SNS qui dirige le pays. Au Monténégro, on a pu voir marcher un vaste rassemblement de Gilets jaunes : c’était pour demander la libération du député Nebojša Medojević, lanceur d’alerte et opposant virulent et plutôt courageux au régime du président Ðukanovic. Deux manifestations d’importance majeure et qui risquent de se révéler lourdes de conséquences, même indirectes.

En Croatie en revanche, les esprits s’échauffent toujours davantage parce que, voici tout juste quelques semaines, on y a appris que les dirigeants croates avaient autorisé la prospection et l’exploitation des gaz de schiste. Après tout ce qu’on nous enseigne sur les nuisances monstrueuses de cette technique d’exploitation des ressources, le gouvernement croate a donc choisi la voie de la rentabilité immédiate, on a envie de dire : à l’américaine…

Aux Etats-Unis, en effet, on recense des centaines, voire des milliers de cas de pollution des eaux potables auprès des dispositifs de forage, des cas très nombreux de maladies diverses (neurologiques, pneumologiques) dont les médecins s’accordent à reconnaître l’étiologie dans cette pratique de la fracturation hydraulique. Petit rappel : celle-ci consiste à fracturer les roches souterraines pour en dégager le gaz naturel, en usant pour cela de l’eau à très forte pression (30 millions de litres au moins par forage!), du sable et des produits chimiques (au nombre de 600 à peu près : acide chlorhydrique, plomb, uranium, radium, méthanol, formol…). Produits qu’on retrouve dans l’eau et les nappes phréatiques. En un mot : beuh.

Eh bien, voilà qu’immédiatement après une chaude alerte à l’exploitation du pétrole dans l’Adriatique, le gouvernement croate a voté une loi qui lance une procédure d’appel d’offres, avant la délivrance de permis de prospection et d’exploitation . La surface concernée couvre 1/3 du territoire, soit 14 300km2. Un grand nombre de régions vont être prospectées, si l’opposition environnementaliste ne parvient pas à l’empêcher ; même des régions limitrophes et/ou géologiquement fragiles comme la Slavonie, le Gorski Kotar, l’arrière-pays dalmate et la Lika, les Alpes dinariques. Néanmoins, les parcs naturels, nationaux et autres, sont exclus de cette loi.

Certains vont se remplir les poches, bien sûr ; ce sera d’ailleurs difficile tant ces poches sont trouées, de trous moins désintéressés que ceux du paletot idéal de Rimbaud jadis. L’intérêt des compagnies d’exploitation et des gouvernements remonte à quelques années déjà ; il prend le relais du projet aberrant de prospection pétrolière dans les eaux adriatiques. Entre 2011 et 2016, Ivan Vrdoljak, le ministre de l’Economie du gouvernement Milanović, avait décidé de céder 94 % des eaux croates aux forages pétroliers. La folie de ce projet n’a heureusement pas échappé aux citoyens et militants croates, notamment ceux regroupés dans l’association Zelena Akcjia, c’est-à-dire Action verte.

Hélas, icelui Ivan Vrdoljak, le petit têtu, a remplacé ce projet par un autre, celui de la fracturation hydraulique. Projet qui a été relayé par les gouvernement suivants, et aujourd’hui, par Andrej Plenković et ses petits camarades. C’est tragique, puisqu’il prend place dans un pays fortement marqué par l’émigration (des jeunes, surtout, comme dans l’ensemble des Balkans). Faute de financements d’Etat et de plans concrets pour l’avenir de ce pays magnifique, ce qui eût du se construire ne se fait pas : le développement d’une agriculture durable et verte, d’un tourisme responsable et respectueux, une exploitation raisonnée de ce pays sur la beauté duquel les gouvernants tiennent souvent des discours emphatiques et enflés – tout cela est mort né, comme peut-être, hélas !, la Croatie du XXIe siècle. Une partie essentielle du pays – forêts, prairies, champs – est à vendre, et sera achetée pour des croûtignons par les compagnies d’exploitation.

Plus encore, le projet d’exploitation de gaz de schiste, tout comme celui de pétrole, est très directement dangereux. Les Alpes dinariques sont une zone sismique très sensible. On court un risque insensé comme on en courait quand la raffinerie de Bosanski Brod, voici 3 mois, a tué un ouvrier en explosant, et fait plusieurs blessés ; ou quand, à Slavonski Brod, une fuite a manqué polluer l’eau utilisée par environ 100 000 personnes.

Heureusement, des associations luttent pour empêcher ces catastrophes : Zelena Akcija (Action verte), le militant Branko Obradović, l’Italienne Maria Rita d’Orsogno basée en Californie, l’organisation Ad Adriaticum

Ce réveil récent de la préoccupation écologique et environnemental, dont témoignent plusieurs campagnes récentes : contre le forage pétrolier en mer, pour la préservation des rivières dans tous les Balkans et d’autres plus localisées, nous donne de sérieuses raisons d’espérer, malgré tout.

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