Grâce au virus, une nouvelle donne ?

Ce qui ne tue pas réveille...

L'Ancre, symbole de l'espérance Foto: Alf van Beem/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/PD

(Marc Chaudeur) – Oui, on le sait, le coronavirus a déjà entraîné trop de victimes, et il en entraînera encore beaucoup. Il peut donc sembler un peu scandaleux d’espérer que le méchant virus aux dents crochues pourra nous apporter quelque choses de positif. Et pourtant…

On peut légitimement entretenir quelques craintes quant aux effets collatéraux du virus : notamment quant à la tentation chez les hommes politiques de profiter de l’occasion pour intensifier le contrôle de leurs populations. Attention à la confusion, qui n’en doutons pas, sera savamment entretenue dans de nombreux Etats ces prochains mois : maîtriser le Covid-19, ce n’est pas contrôler la société.

Mais le virus entraînera aussi des effets positifs, qui dans une modeste mesure, peuvent déjà être décelés aujourd’hui – où nous ne sommes encore que dans sa phase ascendante.

Entre realpolitik et utopie se glisse ce qu’on peut raisonnablement espérer – bien qu’en général, hélas, ce qui se passe dans la réalité soit tout sauf raisonnable. Ce qui est d’ailleurs à la fois amusant et tragique, c’est que ce qui tombe sous le sens, et qui était même présent dans le discours d’Emmanuel Macron hier soir, c’est la nécessité d’un recentrage sur l’essentiel. Pourquoi tragique ? Parce que voici deux mille ans déjà, on ne disait rien d’autre – chez les Stoïciens et chez Epicure, surtout – mais que les hommes semblent n’avoir rien appris depuis. On peut aussi y voir que la catastrophe (celle de l’époque où ont œuvré Stoïciens et Epicure tout comme celle de notre temps) est facteur de recentrage et d’inventivité sociale.

Nous consommerons moins.Nous vivrons avec bien moins d’objets et de voyages (surtout en avion), puisque le virus défait les chaînes de distribution et les réseaux de transport. Point n’est besoin d’ailleurs d’insister sur les bienfaits de cette crise sur l’environnement : notamment sur le Pangoland du Milieu, le pays d’où est partie l’épidémie. On a vu des photos aériennes saisissantes au-dessus de ce pays, bien moins pollué depuis février 2020.

Et nous essaierons de tendre vers l’auto-suffisance : travaillons chez nous, divertissons nous chez nous, intensifions les relations avec nos voisins, recentrons nous sur l’artisanat. Déjà, la lecture et la vision de prospectus publicitaires et commerciaux produisent en nous un effet étrange : ils sont désuets, dépassés, en somme ; nous avons le sentiment qu’ils ne nous concernent pas (ou plus). A plus forte raison les marchandises de pacotille que déversent certains pays (dont le sus-nommé) sur l’Afrique, sur toute l’Asie, bref, sur le monde entier, et dont la production et l’écoulement engendrent de véritables catastrophes sociales (chômage, etc).

L’effet du virus est très global, à la mesure de la globalisation capitaliste de ces trois dernières décennies. Mais il est aussi très puissant, et très profond. Il engendre peu à peu (à la mesure du rythme où vont les esprits…) une manière nouvelle de voir le monde. Cela commence par toutes ces annulations auxquelles on assiste : celle de tous les grands salons qu’on peut qualifier de mondiaux, certes, mais aussi celle d’immenses événements religieux. Le pèlerinage de la Mecque, notamment, dont la suppression cette année entraîne un manque à gagner gigantesque pour l’Arabie saoudite (ce dont peu de gens à travers le monde se plaignent, d’ailleurs) ; mais aussi divers événement papaux, sans oublier peut-être cet étrange happening frelaté que sont les Jeux Olympiques. Et beaucoup de secteurs sont touchés par ces annulations ; surtout dans le domaine du luxe…

En bref, au fil de ces premiers mois de l’ascension du virus, on apercevra de plus en plus nettement cette véritable nécessité qu’est le recentrage sur soi, la réhabilitation de l’industrie locale, voire de l’artisanat (et des réalisations manuelles) par rapport à la grande industrie capitaliste globalisée. Et surtout, comme d’ailleurs le prévoient déjà de grands auteurs libertaires du dix-neuvième siècle, les initiatives issues de la société civile, qui contrairement à ce qu’écrivent certains, se montrent de plus en plus actives et inventives par les formes sociales qu’elles créent sans cesse.

Et cela, non seulement en Europe occidentale ou en Amérique du Nord, mais aussi dans tous les pays d’Europe centrale et orientale, comme nous essayons de le montrer si souvent dans Eurojournalist. Ce qui est une grande source d’espérance.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste