Grand Est : moins d’habitants à cause du Covid-19 !

Alain Howiller sur un rapport scientifique concernant les conséquences (actuellement connues) du Covid-19, avec un regard particulier sur la Région Grand Est et l'Alsace.

Les drames du Covid-19 se déroulent généralement à l'abri de nos regards... Foto: Mehr News Agency / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

 (Alain Howiller) – Les chiffres commencent à sortir et ils sont effrayants ! Les chercheurs-démographes et sociologues se penchent sur le bilan du Covid-19 : quelle est la part de la pandémie dans les statistiques de la mortalité ? Et de constater le poids du virus dans une « surmortalité » qui a touché l’ensemble du monde qui ne peut, hélas, que constater qu’en 2020, la pandémie a provoqué la mort de plus de 2 millions de personnes (plus de 700.000 aux Etats Unis !), alors que 2021 risque fort d’apporter un nouveau lot de chiffres déprimants, en venant alourdir un bilan déjà lourd ! « C’est désormais établi », écrit Nathaniel Herzberg (Le Monde), « le Covid-19 marquera l’histoire démographique mondiale. »

Et même, poursuit notre confrère : « …Selon une étude réalisée par des chercheurs britanniques, allemands et danois dans 29 pays développés, dont 27 en Europe (ndlr : dont la France), la pandémie a fait plonger en 2020 l’espérance de vie avec une brutalité rare. »

Des « pics » de mortalité… – Dans un étude qui vient de paraître(1), sous la signature d’Eléa Souilhé (Institut de Démographie de l’Université de Strasbourg) et de Sophie Villaume (INSEE), les auteurs relevant « la surmortalité qui a touché la France suite à l’épidémie de Covid-19 » abordent « la situation dans le Grand Est » qui fait partie des régions les plus touchées par cette surmortalité, après l’Ile de France et la région Auvergne-Rhône-Alpes… On dénombre près de 60.700 décès dans la région en 2020, toutes causes confondues.

C’est 7.400 de plus qu’en 2019, soit une hausse de 14%, plus forte qu’à l’échelle nationale (9%), souligne encore l’étude qui précise : « Particulièrement touchés par la Covid-19, les Vosges et le Haut-Rhin sont les départements de la région où le taux de mortalité a le plus augmenté entre 2019 et 2020… » Les pics de mortalité ont été enregistrés en Mars/Avril 2020, période suivie d’une accalmie liée à l’amélioration de la situation sanitaire, dont la détérioration a entraîné une rechute à partir d’Octobre : « une rechute moins haute, mais plus longue…(2). Sur une période allant de Mars 2020 à Mars 2021, l’excès de mortalité dans le Grand Est a atteint 18,2% par rapport aux cinq années précédentes »!

Crise des naissances et mariages reportés ! – Si les chiffres de décès sont en soi déjà impressionnants, certaines études estiment que la mortalité réelle dépasse même les décès déclarés ! Les listes dressées ont des effets qu’on peine à imaginer. Elles traduisent des réalités telles que : diminution du nombre d’habitants, constat d’un recul de l’espérance de vie… La pandémie a, par elle-même, eu des conséquences reconnues sur le nombre de naissances ou de mariages reportés à cause de la crise sanitaire. Celle-ci, il est vrai, a eu aussi (si on peut dire) des effets heureux : les restrictions de circulation ont fait baisser le nombre d’accidents de la route et ont contribué à peser sur la pollution, on a pu constater un reflux de maladies infectieuses (la grippe par exemple) encadrées par les mesures de confinement ou combattues par la vaccination !

Eléa Souilhé et Sophie Villaume relèvent, dès le titre de leur étude que « l’épidémie de Covid-19 a amplifié la baisse du nombre d’habitants » dans le Grand Est. « Toutes causes confondues », notent-ils, « 60700 décès sont à déplorer en 2020, pour seulement 53.200 naissances, ce qui accentue la baisse de la population de la région. »

Une exception bas-rhinoise. – Le solde naturel (différence entre les naissances et les décès, qui était de moins en moins excédentaire ces dernières années, devient déficitaire, ce qui n’était jamais arrivé au cours des cinquante dernières années !… « Le Grand Est, comme les régions du Nord et du Centre de la France, voit sa population diminuer. Le Bas-Rhin, toutefois, qui est le département le plus peuplé du Grand Est, ne suit pas la tendance régionale quant à l’évolution de sa population : il est le seul où le nombre d’habitants (+0,4%) a augmenté »…

Parallèlement, la baisse du nombre de naissances s’est poursuivie avec une diminution de 3% (-2% à l’échelle nationale) par rapport à 2019. Les sociologues et les démographes s’accordent pour penser que la chute des naissances est un effet collatéral de la crise sanitaire : compte tenu de la situation, les couples ont été conduits à reporter leurs projets de parentalité, tout comme la baisse des mariages (un tiers en moins par rapport à 2019) peut être imputée aux mesures de confinement qui ont incité au report.

Un… Noël menacé ? – Qu’en sera-t-il de 2021, une année où une partie des populations infectée par le virus n’a pas été vaccinée ? Comment fera-t-on face aux difficultés de ceux et celles frappés d’un « Covid long » ?

Les optimistes s’appuient sur l’évolution actuelle favorable à la régression de la pandémie : l’été est derrière nous, les vendanges se terminent, les vacances de la Toussaint approchent et dans ma boîte aux lettres, j’ai trouvé les premières propositions des vendeurs de… sapins de Noël !

Les pessimistes (?) relisant les chiffres de l’INSEE, resteront prudents : personne ne peut prévoir, aujourd’hui, si la fête de Noël 2021 sera libérée de la pandémie, a averti ces jours-ci, un scientifique à l’issue d’un débat télévisé ! Qui a parlé de… rabat-joie?

(1 et 2) Insee Analyses Grand Est, n° 135 – Septembre et n°133 – Mai 2021.

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