« Greenwashing » contre la transition énergétique

Une manifestation franco-allemande avait lieu cette semaine à Strasbourg. Foto: Franck Dautel / CC-BY-SA 4.0int

(Franck Dautel) – En voulant déclarer l’énergie nucléaire et le gaz naturel fossile comme « investissements durables », la Commission Européenne a pour projet de les transformer en « énergies d’avenir », bonnes pour la planète et donc ouvertes aux financements privés ou publics. Banques, assurances, fonds de pension, acteurs du marché financier, petits investisseurs et contribuables européens, qu’ils le veuillent ou non, à travers leurs états, pourraient alors investir massivement dans ces énergies « durables »… Un label et une aubaine sorti tout droit de l’action des lobbies français du nucléaire et allemands du gaz naturel !

Le « Green Deal » européen semble vite oublié… – Ce nouveau label, cette nouvelle norme européenne pour les investissements durables, est appelée « taxonomie européenne ». Elle définira, notamment, quelles sources d’énergie pourront être considérées comme durables et donc ouvertes aux investissements durables pour l’avenir ! Le gaz naturel fossile, durable ! Le nucléaire durable, avec ses millions de tonnes de déchets dont on ne sait vraiment que faire. Et son combustible, lui aussi fossile, importé de pays lointains, plus ou moins stables, qui bafouent pour certains d’entre eux, les droits de l’homme, comme le Kazakhstan, le Niger, la Russie ou l’Ouzbékistan.

Le gaz naturel est une énergie fossile, non renouvelable, qui contribue massivement au réchauffement climatique et compromet la transition vers la neutralité climatique. Le nucléaire, quant à lui, est une source d’énergie dangereuse, dont le carburant est aussi fossile par ailleurs, non durable en raison des déchets qu’elle génère, très coûteuse et de toute façon trop lente à développer pour répondre à nos objectifs climatiques urgents.

Le parc nucléaire français qui compte aujourd’hui 56 réacteurs, est vieillissant. L’Allemagne sera complètement sortie du nucléaire cette année.

La France fonce tête baissée vers toujours plus de nucléaire, le catastrophique EPR de Flamanville a 10 ans de retard sur le calendrier et près de 10 milliards d’euros de dépassement sur le coût de construction estimé au départ. Les « petits réacteurs modulaires » sortent du chapeau magique de l’État français, comme si le nucléaire était la seule solution d’avenir pour cette nation.

Le nucléaire aura du mal à sauver le climat tant cette technologie est très lourde à se mettre en place. D’ici 2030, nous devrons, pour respecter l’accord de Paris et limiter le réchauffement climatique de 1,5°C, avoir diminué de 7,6% nos émissions de CO2.

Or, d’après le GIEC (Réchauffement climatique de 1,5°C, rapport spécial, chapitre 4, 2019), il s’écoule en moyenne entre 10 et 19 ans pour mettre en service une centrale nucléaire. Les petits réacteurs modulaires n’y feront rien d’autant qu’ils ne sont pour l’heure, qu’un effet d’annonce du Président de la République française.

Le dérèglement climatique, tout le monde l’a constaté ces dernières années, ne produit pas des catastrophes qu’à l’autre bout de la planète : inondations catastrophiques en Allemagne et en Belgique (43 milliards d’euros de pertes), en France où la vague de froid tardive d’avril en France (5,6 milliards de dégâts), a ravagé de prestigieux vignobles… Des incendies monstrueux en Espagne, en Grèce… ou à New York en septembre dernier, avec des inondations terribles (65 milliards de dollars). Sans compter, bien évidemment, les pertes humaines inestimables et forts nombreuses lors de ces épisodes extrêmes…

Rappelons que les centrales nucléaires nécessitent en permanence beaucoup d’eau froide. L’augmentation de la température extérieure et celle des cours d’eau, peut poser de sérieux problèmes de sécurité des installations. Comme en 2003, lors de la canicule, à Fessenheim, où EDF entreprend de refroidir la centrale nucléaire l’arrosant à l’aide de jets d’eau…

Ce qui est terrible en matière de dérèglement climatique, c’est que nous sommes coupables et victimes, en même temps. Coupables par les effets délétères produits par nos modes de consommation, de vie, de déplacements. Coupables par les décisions politiques de nos gouvernants qui ne répondent pas ou mal aux urgences actuelles. Victimes parce que le dérèglement est planétaire et qu’il ne sert à rien de fantasmer des technologies du futur alors que les problèmes se posent dans l’urgence, aujourd’hui !

Les militants franco-allemands se mobilisent sur le terrain, comme le 22 janvier dernier à Strasbourg. Ils dénonçaient le risque de voir ces deux sources d’énergies non durables être repeintes rapidement en vert.

Comme le souligne une militante du groupe allemand « KoalaKollektiv », « Labelliser le gaz naturel nocif pour le climat et l’énergie nucléaire dangereuse comme ‘durables’, est une gifle aux jeunes générations qui devront vivre avec les conséquences imprévisibles de la crise climatique et des radiations. La Commission européenne place ainsi les intérêts économiques et politiques à court terme au-dessus de la protection de nos vies et de nos moyens de subsistance ».

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