Güle, Güle, Türkiye

"Au revoir, Turquie" - le dictateur-président Recep Tayyip Erdogan veut faire voter le parlement turc sur la réintroduction de la peine de mort. Et fait ainsi ses adieux à un rapprochement avec l’Europe.

Erdogan se fiche pas mal de ce que l'Europe peut bien penser ou dire. Foto: Gobierno de Chile / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0cl

(KL) – « Ce que dit l’Occident ne compte pas », a dit Recep Tayyip Erdogan en réaction à la critique européenne massive concernant ses plans de faire voter le parlement turc sur la réintroduction de la peine de mort. Et puisque le président-dictateur contrôle le parlement, il n’y a que peu de doute que le parlement exécutera le souhait de son patron. Erdogan fait ainsi ses adieux aux plans d’un rapprochement avec, voire même d’une adhésion à l’Union Européenne – en Europe, il n’y a pas de place pour des extrémistes qui nient les acquis des dernières décennies.

Si Erdogan a compris depuis un moment qu‘une adhésion à l’Union est exclue en vue de son propre coup d’état, il se fiche désormais aussi de l’adhésion de son pays au Conseil de l’Europe. Ce dernier, il faut le dire, n’a pas fait bella figura – personne n’a oublié le voyage de son secrétaire général Thorbjörn Jagland après le putsch et sa déclaration incompréhensible à Ankara où le premier défenseur des Droits de l’Homme européen avait soutenu le régime d’Erdogan en déclarant que « les purges étaient nécessaires ». Si aujourd’hui, le Conseil de l’Europe déclare par le biais de son porte-parole Daniel Holtgen que « l’application de la peine de mort est incompatible avec le statut de membre du Conseil de l’Europe », cette prise de position tout à fait juste, arrive quand même tard. Trop tard ?

Erdogan, comme beaucoup d’extrémistes, n’est pas un imbécile. Il sait pertinemment que son pays ne pourra plus adhérer à l’UE, il sait aussi bien que la liberté de circulation pour les ressortissants turc ne se fera pas, il sait que l’Europe est plus loin que jamais. Mais en effet, il s’en fiche, car entre temps, il a trouvé un nouveau meilleur ami en la personne de Vladimir Poutine. La Russie, patron politique des états BRICS, est un partenaire plus intéressant pour Erdogan qu’une Europe en pleine paralysie où chaque tentative de trouver des positions communes se transforme rapidement en cacophonie. La Russie, elle, met tout en œuvre pour attirer la Turquie – si elle réussit à soutirer la Turquie de la sphère de l’OTAN, l’ordre mondial devra être redéfini.

La situation en Turquie évolue dans un très mauvais sens. Plus de 100 000 fonctionnaires ont été licenciés, de dizaines de milliers de personnes arrêtés, Amnesty International fait état de cas de torture, la liberté de presse a été abolie (et hier, le rédacteur en chef du quotidien ‘Cumhuriyet’ Murat Sabuncu a été arrêté avec plusieurs de ses collègues). La Turquie a quitté la « voie européenne », elle trahit les principes du fondateur de la Turquie moderne Kemal Atatürk et Erdogan sait très bien que son pays constitue une pièce-maîtresse sur l’échiquier géopolitique.

A l’Europe de trouver des réponses adéquates à la défection turque. Après l’annexion de la Crimée, la Russie a été suspendue au Conseil de l’Europe et il faudra songer à appliquer la même mesure à la Turquie. Même s’il faudra se passer des 33 millions € que la Turquie injecte dans le budget du Conseil de l’Europe. Et que cela plaise à Angela Merkel ou pas, il faut mettre un terme à cet accord honteux entre l’UE et la Turquie concernant les réfugiés syriens. Mais est-ce que l’Europe institutionnelle aura le courage de prendre une position claire et déterminée vis-à-vis d’un président-dictateur qui viole systématiquement les Droits de l’Homme ?

Les belles déclarations ne servent plus à rien, Erdogan se fiche pas mal des déclarations européennes.  Suite aux interventions de la « ministre des affaires étrangères » européenne Fédérica Mogherini (« aucun état qui introduit la peine de mort ne peut être membre de l’Union Européenne ») et d’Angela Merkel (« L’introduction de la peine de mort constitue la ligne rouge qui mettrait un terme aux négociations d’adhésion [à l’UE] »), Erdogan a commenté avec une certaine suffisance : « L’Occident dit ceci, l’Occident dit cela. Excusez-moi, mais ce que dit l’Occident, ne compte pas. Ce qui compte est ce que dit mon peuple ».

C’est le moment pour l’Europe institutionnelle de prévoir son avenir sans la Turquie. Qui elle, ne fait plus partie du monde européen. Est-ce que les Turcs se rendront compte un jour des dégâts qu’aura causé ce président-dictateur ?

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