Guerre et Paix

La géopolitique des armes et des conflits n’a rien de rassurant !

Le marché des armes fleurit - ce ne sont pas les conflits qui manquent... Foto: Proka89 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Alain Howiller) – L’aveu, à vrai dire, est singulier, même s’il paraît bien tardif : dans ses mémoires, Geir Lundestad, directeur pendant 25 ans de l’Institut Nobel, a avoué que remettre le Prix Nobel 2009 à Barack Obama, quelques mois à peine après qu’il ait accédé à la présidence des Etats Unis, était une erreur. Le Président américain avait été distingué «pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationale entres les peuples». Président de l’Institut norvégien, Thorbjoern Jagland, aujourd’hui Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, avait alors appuyé la pertinence (contestée car «prématuré» pour nombre d’observateurs) du choix en soulignant que le récipiendaire -lui-même étonné de recevoir cette distinction- avait créé un «nouveau climat dans la politique internationale». Quelques années à peine après la remise du Prix, Barack Obama venu inaugurer la Foire de Hanovre en présence notamment d’Angela Merkel, de David Cameron, de François Hollande, incite ses partenaires européens à faire autre davantage en matière de dépenses militaires face aux «tensions» avec la Russie et face aux menaces existantes dans la zone Sud de l’Alliance Atlantique !

Les Etats Unis qui avaient annoncé leur désengagement militaire d’Europe y reviennent en force : ils vont consacrer 3 milliards d’euros (au lieu de… de 700 millions !) à leur présence en Europe (surtout en Pologne, en Roumanie et dans les Etats Baltes), déployer 500 blindés lourds (au lieu de 200), faire passer leurs troupes à 12.000 hommes (au lieu de 4.200) qui tourneront en «rotation» le long des frontières de l’Europe orientale, développer des aérodromes, des polygones de tir et des centres de formation. Parallèlement, ils poursuivent -en Pologne et en Roumanie- le développement du système anti-missile destiné à protéger l’Europe d’éventuels missiles qui viendraient du «Sud» (Iran) : système que Vladimir Poutine a toujours considéré comme étant, en fait, dirigé contre l’Est !

Quand Poutine menace, le patriarche orthodoxe bénit !… – «Maintenant que ces éléments de défense balistique sont déployés, nous allons être contraints de neutraliser ces menaces émergentes contre la Fédération de Russie», a déclaré le président Poutine dont…30.000 soldats stationnent à la frontière occidentale de son pays. Traumatisé par les élargissements successifs de l’OTAN (et notamment par la première vague : Pologne, République Tchèque, Hongrie etc…), Poutine considère que l’OTAN est une menace. Du coup, jamais le budget de la défense russe n’a été aussi élevé et, en 2015, l’industrie de l’armement russe a livré 4.000 types d’armes (véhicules blindés, avions de chasse, hélicoptères, sous-marins, systèmes de défense anti-aérien, stations de radars).

Dans le même temps, le patriarche orthodoxe Cyrille bénit les armes et les troupes comme du temps des tsars et Wladimir Poutine multiplie les manœuvres dont un exercice célébrant la «fraternité slave» intégrant les forces armées de Serbie (pays, par ailleurs, candidat à une adhésion à l’Union Européenne !) et de Biélorussie ! Cultivant le complexe de «l’assiégé» face à une menace qui viendrait des Etats-Unis et surtout de l’OTAN, bête noire désignée, le Président de la Fédération de Russie lance un concours mobilisant les académies militaires mais aussi les étudiants en général : le thème en est : «Guerre et Paix, réflexions sur les conflits du futur». Tout en avançant ses pions en Crimée (où de son propre aveu, il n’avait pas exclu l’utilisation d’armes tactiques nucléaires !), en Ukraine, en Syrie (où stationnent 2.000 soldats russes entre une base navale et une base aérienne), arme l’enclave de Kaliningrad (ex-Königsberg), coincé entre la Pologne et la Lituanie, va installer une base militaire en Biélorussie, multiplie les incidents-tests entre avions russes et bateaux ou avions de l’OTAN (qui ne demeurent plus en reste !).

Y a-t-il encore des accords «OTAN – Fédération de Russie ?»… – A telle enseigne qu’on peut parfois se demander si les accords OTAN – Fédération de Russie, signés en 1997 à Paris, prévoyant un «Conseil conjoint permanent», des échanges d’informations, une transparence entre les signataires qui déclarent «qu’ils ne sont pas adversaires (!), sont encore valables, même si, depuis l’invasion de la Crimée, ils ont été en quelque sorte «gelés». Leur réactivation sera au centre des débats qui auront lieu en Juillet à Varsovie : la Pologne nationaliste, jalouse de son indépendance alors qu’elle ne rechigne pas à accepter les subventions d’une Union Européenne qu’elle conteste et qui réclame le parapluie militaire des Etats Unis et de l’OTAN, y sollicitera la présence permanente sur son territoire de troupes étrangères (américaines et de l’OTAN) pour défendre son… indépendance contre ce qu’elle considère comme «la» menace russe ! A Varsovie, on discutera aussi de la nécessité de porter à 2 % du PIB les budgets consacrés à la défense par les 28 états membres de l’OTAN. On y parlera aussi de l’évolution éventuelle du concept de «dissuasion nucléaire» et de l’utilisation d’armes tactiques nucléaires miniaturisés !

De quoi se demander si le fameux slogan relevé sur les murs de Prague au moment de l’invasion du pays par les troupes du «Pacte de Varsovie» («Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous») ne va pas retrouver -élargi- une certaine actualité (!), tout comme on peut se demander s’il ne convient pas d’élargir à la planète cet extrait du rapport des Français Gwenean Bui (député PS) et Jean-Jacques Guilet (député du parti des «Républicains») qui écrivaient (à propos de la situation en Asie) : «Personne ne veut la guerre, mais on n’est pas à l’abri d’un incident qui pourrait très vite dégénérer».(rapport sur «L’Asie du Sud Est à la confluence des océans»). Il est vrai que, tout comme les guerres qui ravagent le «Proche et le Moyen Orient» et le terrorisme qu’elles génèrent (je ne traiterai ni des unes ni des autres dans cet article), la situation en Asie -et particulièrement en Mer de Chine- ne cesse d’inquiéter.

Quand montent les menaces en Mer de Chine ! – La Chine a montré sa puissance par un énorme défilé militaire lors de la commémoration des 70 ans de la reddition du Japon. Pour marquer ses ambitions mondiales, elle mettra bientôt son deuxième porte-avions en service et elle a négocié une base navale à Djibouti. Elle ne cesse d’affirmer son emprise en Mer de Chine, n’hésitant pas à provoquer jusqu’à la limite du tolérable ceux qui (Américains, Japonais, Taïwanais…) se risqueraient à frayer dans des eaux qu’elle considère comme territoriales.

En autorisant son «armée d’auto-défense» à intervenir en dehors de son territoire, le Japon, dont le budget consacré à la défense a augmenté d’une année à l’autre d’un peu plus de 2 %, a doté ses troupes d’un statut de véritable armée, ce qui a suscité des mises-en-garde de la part de la Chine Populaire.

Commentaire de Shinzo Abe, Premier Ministre nippon, confronté -estime-t-il- à une menace de la Corée du Nord et de la Chine Populaire : «Nous voulons poursuivre notre diplomatie de paix, tout en prenant toutes les mesures nécessaires de préparation à un conflit». On dirait que les états du monde entier se sont donnés ce mot, comme symbole explicatif le de leur approche de réarmement.

Après la Crimée, on réarme ! – Car, après avoir quasi-systématiquement considéré leur budget de la défense comme un variable d’ajustement en réduisant les dépenses, depuis l’invasion de la Crimée, les états ont changé (si on ose dire !) leur fusil d’épaule : la Pologne, par exemple, a augmenté son budget de la défense de 22% en 2015, l’Estonie de 6%, la Lettonie de 14%, la Lituanie de 33%. La Roumanie, la France, l’Allemagne (où le budget doit passer d’ici à 2020 de 34,2 à 39,2 milliards d’Euros), l’Ukraine, la Slovaquie ont augmenté leurs dépenses militaires. Et ce n’est pas fini : en plus, la liste n’est pas exhaustive.

Du coup, les exportations d’armes ont progressé, même si le trio de tête est resté le même : les Etats-Unis, la Russie, la Chine se classent en première ligne, devant la France (16 milliards de commandes en 2015, soit deux fois plus que l’année précédente) et l’Allemagne !

Le commerce des armes reste florissant : il ne l’a plus été autant depuis des années. Convenons que, en fait, que cela n’a rien de rassurant !

1 Kommentar zu Guerre et Paix

  1. Non rien de rassurant dans ce tour du monde de la “stratégie militaire”. On sent la poudre…
    Au fait, l’uranium enrichi a-t-il une odeur? Avant usage bien sûr.

Hinterlasse einen Kommentar zu Spohr Antworten abbrechen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste