Halloween loin d’Hollywood

O Mort, où est ton aiguillon ?

Dodekopp, tête de mort. Une betterave évidée, en Moselle Foto: Jo Nousse

(MC) – Avec surprise et horreur, il y a une vingtaine d’années, les gens qui n’avaient jamais mis les pieds aux Etats-Unis d’Amérique ont vu surgir partout, un certain 31 octobre, de tous les quartiers et de tous les supermarchés, des sorcières encapées et des processions de citrouilles scandant des comptines…

On découvre alors une cérémonie volontiers hideuse, aux allures mécaniques, étrangement consensuelle comme un concert de Justin Bieber. ” Plaît-il ? Que nous voulez-vous ? Des bonbons ? Un sort si je refuse ? Des claques, oui ! “, disent à cette époque les Marlyse Riegenstiehl de nos villes et villages alsaciens.

Dans les villages, ce déferlement de grand-guignol et de grandes surfaces produisit un malaise d’autant plus étrange qu’il semblait étaler dans les rues la caricature Walt Disney de quelque chose de familier. Oui, on s’est souvenu que dans certaines communes, naguère, dans le Ried profond ou dans le Sundgau et, de manière sporadique, un peu dans tous les replis de l’Alsace et en Moselle, se déroulaient des processions où les enfants se masquaient de citrouilles. Plus souvent, d’ailleurs, de betteraves évidées. Et cela jusqu’aux années 1960. On posait ensuite, en chantant des rimes immémoriales en alsacien, des betteraves où on avait placé des chandelles aux murailles des cimetières. On appellait cela Doddekopf (Tête de Mort) ou Graulli. Les souvenirs de nos anciens et nos meilleurs ethnologues, les Kassel, les Lefftz, etc ainsi que plus récemment, Jo Nousse en Moselle et quelques associations culturelles en rendent compte de façon très précise.

Les origines de cette célébration sont les mêmes que celles du Halloween yankee. Il s’agit de la très antique fête celtique de Samain : cette fête évoquait les Morts un peu avant d’annoncer la nouvelle année. C’est l’origine aussi de la Fête des Morts et de la Toussaint catholiques.

Halloween donc, un retour aux coutumes alsaciennes et à nos traditions européennes ? Que non. La transposition consumériste américaine de cette vieille fête inspire un profond malaise. Dans ce cérémonial furieusement mercantile, la Mort est devenue un spectacle de foire macabre pour enfants, une surface vaguement grotesque. On l’a spectacularisée et banalisée à la fois. On lui a ôté son aiguillon, sa signification à l’égard de la vie, sa densité de sens. On en a fait une chose frivole.

Et puis, phénomène habituel, on lui a ôté sa langue ; aujourd’hui, la Mort parle l’américain Eurodisney. L’alsacien, c’est ringard ; l’anglais américo-chouinegommme, c’est in. On est dans la BD pour ados blafards et geeks. En un mot, la Mort, c’est la teuf.

Au fait, quels effets sur nos enfants ? Nous sommes nous seulement posé la question ?

Eh bien oui, et nous l’avons posée : à des psychologues et à des psychiatres, et aussi à des pasteurs. Pour ceux que nous avons interrogés, Halloween est quelque chose de particulièrement détestable, parce que cette fête des confiseurs gomme les aspérités de la Mort, cet événement si difficile à comprendre et à admettre pour le psychisme, et surtout par celui des enfants. On passe très loin, hélas, d’une intériorisation réflexive de la mort, de l’assomption psychologique que permet une symbolisation de type religieux ou du moins, spirituelle. Halloween, cette clownerie parfois plus ou moins sympathique, empêche une symbolisation réelle, et donc l’élaboration d’un abord à la fois personnel et social de ce fait que nous savons mais que nous ne voulons pas : la fin de notre vie.

Bonne fête, les enfants ! Amusez-vous bien !

 

 

1 Kommentar zu Halloween loin d’Hollywood

  1. Merci pour mon fou rire du matin ! Les articles parodiques c’est toujours sympa ;)

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