Hautacuperche, figure de la résistance aborigène

Comme pour les Amériques, la conquête de l’archipel canarien par les Européens, s’est faite au prix du sang des populations locales.

Hautacuperche, tenant dans sa main droite un vase brisé qui, n’étant pas celui de Soissons dix siècles plut tôt, n’en a pas moins de sens et de portée symbolique. Foto: Uebelhacker / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – La conquête des Îles Canaries, réalisée en partie par le truchement d’un seigneur normand porteur du célèbre patronyme Béthencourt, fut en quelque sorte une préparation à celle des Amériques. Appropriation des terres par la soumission des populations locales, tel était le programme et lorsque les indigènes s’avéraient rétifs, dagues, hallebardes et arbalètes, assuraient à elles seules la suprématie aux envahisseurs.

Mais cette conquista ne fut pas de tout repos pour les Européens, notamment sur l’île de La Gomera. Un confetti de 30 km de diamètre pour 370 km², mais au relief tellement accidenté, qu’il est impossible d’en faire le tour en longeant la côte par voie terrestre. Ce qui rend le lieu propice à la guérilla. Les Gomeros, comme au siècle suivant les Amérindiens, se sont alors révoltés contre les occupants castillans.

Une révolte, dont le point d’orgue fut, le 20 novembre 1488, l’exécution d’Hernán Pezara el Joven dit El Mozo, par le guérillero Hautacuperche, mettant ainsi un terme à la carrière de Seigneur de La Gomera et El Hierro, commencée dix ans auparavant par l’hidalgo sévillan. Mais c’était sans compter avec la cruauté et la bestialité des occupants européens. Deux caractéristiques très présentes dans le comportement d’El Mozo qui, ayant sept ans plus tôt assassiné son suzerain, le conquistador Juan Rejón, épousa pour se faire pardonner, la dame de cour Beatriz de Bobadilla y Ulloa sur ordre d’Isabel la Católica.

Le couple eut deux enfants (Guillén et Inés), mais El Mozo continua à mener une vie dissolue, prenant pour amante une aborigène nommé Yaballa. Ce qui fut l’un de ses motifs de sa condamnation par Hautacuperche, les autres étant les multiples abus de pouvoir qu’il se permettait sur l’île. Cette exécution fut le début de la Rebelión de los Gomeros dont la répression immédiate par les Castillans scella définitivement la conquista de La Gomera.

Pourtant, l’arrivée des Européens sur le sol gomerien avait, après une période de chasse aux esclaves, tendu vers une certaine normalisation grâce à des pactes passés entre certaines tribus et Hernán Pezara el Viejo. Mais Hernán Pezara el Joven comprenant cela comme un rapport de vassalité, en abusa odieusement jusqu’à causer sa perte. Par le pacte dit de Guahedun, passé entre Hernán Peraza el Viejo et les chefs des tribus d’Ipalan, selon la tradition, un lien de fraternité transgénérationnel s’était établi entre eux. Or, en prenant pour amante Yballa qui appartenait à la noblesse aborigène, Hernán Pezara el Joven commit un inceste symbolique qui lui fut fatal.

Une statue d’Hautacuperche, dont le nom signifie « béni des dieux » a été érigée en 2007 le long du littoral à Valle Gran Rey à l‘ouest de l’île de La Gomera. Il tient dans sa main droite le Gánigo de Guahedum brisé, symbole de la rupture par El Mozo alias Hernán Pezara el Joven du Pacto de Hermanamiento, qui est un pacte de colactation (pacto de colactación) en vigueur dans les tribus berbères dont les aborigènes canariens sont originaires. Au vu de ce récit, il apparaît clairement que la civilisation n’était pas franchement du côté de l’Occident christianisé, et ça ne s’est pas vraiment amélioré depuis…

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