«Haute trahison» – le procureur général fédéral viré

Suite aux réactions virulentes sur l’ouverture d’une procédure pour «haute trahison» contre deux journalistes allemands, le ministre de la justice Heiko Maas (SPD) a viré le procureur général fédéral Harald Range.

Même si le procureur Harald Range a été viré, la surveillance d'internet continue. Foto: Bernd kasper / www.pixelio.de

(KL) – Lorsqu’il y a scandale politique, il faut vite désigner un bouc-émissaire. Dans le cadre du scandale concernant l’ouverture d’une procédure pour «haute trahison» contre les éditeurs du blog politique «netzpolitik.org», ce bouc-émissaire est le procureur général fédéral Harald Range qui vient de se faire licencier par le ministre de la justice, Heiko Maas (SPD) qui considère que «la confiance en Harald Range a été ébranlée». La contre-attaque de l‘intéressé qui avait organisé une conférence de presse hier matin, n‘aura donc pas suffit. Ce qui n‘enlève encore rien à ce scandale. La liberté de presse en Allemagne reste en péril.

Pour rappel : le blog politique «netzpolitik.org» avait publié des documents classés «exclusivement à l‘usage interne» du service secret allemand («Verfassungsschutz») détaillant les plans de ce service d’élargir la surveillance de personnes privées sur Internet. A cette fin, comme documentaient ces papiers, un nouveau service devait être crée. Les documents avaient été transmis par un collaborateur inconnu de ce service aux deux journalistes berlinois Markus Beckedahl et Andre Meister qui les avaient donc publiées. Ce qui motivait le président du service secret Hans-Georg Maaßen, à déposer une plainte auprès du procureur général fédéral Harald Range pour «haute trahison» contre les journalistes et la «taupe» dans son service. Sans effectuer les vérifications juridiques nécessaires, Harald Range avait alors lancé cette procédure.

Depuis que cette procédure a été rendue publique, les responsables politiques se sont, l’un après l’autre, désolidarisé du procureur, à commencer par les chefs des partis de l’opposition, en passant par le Garde des Sceaux Heiko Maas (SPD) jusqu’à la chancelière Angela Merkel. Les réactions dans la population étaient tellement virulentes qu‘il fallait changer de cap. En sacrifiant Herald Range qui lui, avait agi sur ordres politiques et des services secrets.

Harald Range qui savait que ses jours en tant que procureur général fédéral étaient comptés, avait contre-attaqué hier matin. Lors d’une conférence de presse, il a condamné l’intervention de la politique dans cette procédure juridique. Pour lui, les commentaires venant du monde politique, constituaient une «ingérence insupportable» dans le travail de la justice. A croire que le procureur général fédéral ignorait son statut et celui de son administration.

Car en Allemagne, le procureur général fédéral dépend du ministère de la justice et ne fait pas partie de la «jurisprudence», mais de «l’exécutif», ce qui veut dire qu’il ne s’agit en aucun cas d’une «ingérence politique dans les affaires de la justice».

Pendant sa conférence de presse, à quelques heures de son licenciement, Range s’était plaint que le ministère de la justice lui aurait même demandé de laisser tomber l’expertise qu’il avait demandé pour déterminer si oui ou non, la publication de ces documents puisse être considérée comme de la «haute trahison». Il aurait mieux fait de procéder à cette vérification en amont de cette procédure qui aura fini par lui coûter son poste. Etrangement et contre l’avis de la quasi-totalité des juristes en Allemagne, cette expertise arrive à la conclusion qu’il s’agit effectivement d’un acte de «haute trahison». Range avait aussi fait le reproche à son ministre de lui avoir demandé de laisser tomber cette expertise. «Ainsi,» disait Range amèrement, «plus rien ne s‘oppose à la clôture, forcée par la politique, de cette procédure – on essaye d‘influencer une procédure juridique car son résultat pourrait ne pas être politiquement opportun». Visiblement, jusqu’au dernier moment, l’homme n’a pas compris de quoi il s’agissait.

Car ce ne sont pas les journalistes qui comment une «haute trahison», mais les services secrets, en collectionnant des informations sur des citoyens, en les transmettant ensuite à une «puissance étrangère», à savoir les Etats-Unis. Ce qui a été révélé pendant l’investigation du scandale BND/NSA. Toutefois, le même Harald Range n’avait pas estimé d’ouvrir une procédure contre ces services secrets, et pas non plus contre la NSA. Il avait préfèré tirer sur la presse qui ose partager ces informations avec le public qui lui, est la cible des ces acticités d’espionnage.

Si Harald Range était prié de quitter son poste, on ignore encore la suite de la procédure à l’encontre des deux journalistes. Oui, on a sacrifié un pion sur l’échiquier politique, mais la menace sur la liberté de la presse en Allemagne est toujours d’actualité. Il ne suffit pas de virer un chef de service, il faut maintenant terminer tout bonnement la procédure. Et s‘excuser auprès des deux journalistes. Seulement après, ce scandale pourra être regardé comme clos.

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