Hello Pompeo !

Les Etats-Unis de retour en Europe centrale

Mike Pompeo, le Secrétaire d'Etat US, en visite ces jours ci en Europe centrale Foto: Donkey Hotey / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Des journées chargées pour Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis qui semblent se rappeler soudain l’existence des Etats d’Europe centrale : mardi, visite à Orbán, en Hongrie et à Kiska en Slovaquie ; mercredi et jeudi, conférence sur le Moyen-Orient à Varsovie. On se doute bien qu’il y a été surtout question de Chine, de Russie et de Bruxelles davantage que de l’Iran et de la Syrie…

Les mercredi et jeudi risquent d’être plus faciles à mener que le mardi passé à Budapest. Il y a une différence essentielle entre la Pologne de Morawiecki et la Hongrie d’Orbán : la nature de leurs relations avec Poutine. C’est en partie cette différence qui fait de la Pologne un partenaire plus facile et… plus malléable. Le dernier secrétaire d’État américain était venu en Hongrie en 2011. C’est qu’il y a vraiment nécessité : des faits majeurs inquiètent beaucoup les Américains : la présence de plus en plus envahissante de la Chine, pour qui l’Europe centrale est l’escabeau obligé de la nouvelle Route de la soie vers l’Ouest. Les relations de la Hongrie à la Russie sont de plus en plus étroites, celles à l’OTAN à laquelle elle appartient pourtant, de plus en plus relâchées. Il fallait donc venir gronder et flatter ces petit cousins remuants.

George Bush, certes, s’était rendu en Hongrie, mais cette visite remonte à 2006 : il y avait alors rencontré Ferenc Gyurcsány, le Premier ministre socialiste. Une autre époque… Le Tsar de toute la Russie, Poutine, lui, s’est rendu deux fois à Budapest en 2018 ; cela donne la mesure du problème. Washington est très préoccupé par l’« ouverture vers l’Est » prônée tout récemment par Viktor Orbán. Non pas sans doute que le gouvernement populiste veuille faire alliance avec Poutine ; mais il conçoit la Hongrie comme une plaque tournante incontournable entre l’Est (ce qui implique la Russie, mais aussi la Chine et sa nouvelle Route de la Soie en cours de constitution.) Les Américains laissent la même impression que Bruxelles : ils semblent s’être aperçus hier soir avant la prière de l’importance kolossaal du projet chinois pour le millénaire qui s’ouvre. Mais la Hongrie est censée se trouver en Europe, n’est-ce pas ?

De quoi ont parlé Mike Pompeo, Viktor Orbán, son ministre des Affaires étrangères Pat Hibulaire, alias Péter Szijjártó, et le ministre de la Défense ? Devant la presse, Szijjártó a prévenu d’ entrée de jeu : « Nous ne permettrons à personne, ni à l’UE ni à qui que ce soit, de s’immiscer dans notre politique étrangère ». Dans ces paroles péremptoires se glisse sans aucun doute une allusion implicite au problème de la minorité hongroise en Transcarpatie ukrainienne (dont nous avons parlé plusieurs fois dans Eurojournalist) : l’UE pousse bien évidemment aux bonnes relations entre Budapest et Kiev, mais rien n’avancera si Kiev ne fait aucune concession sur ce point. Une vision unilatérale du problème, puisque Budapest, lui, ne risque as de faire des concessions, précisément parce qu’elle tient beaucoup aux bonne relations avec Moscou…

Mike Pompeo a proclamé ses quatre vérités, ce qui a beaucoup irrité les dirigeants hongrois : «  Nous ne permettrons pas à Vladimir Poutine de dresser un mur entre des alliés de l’OTAN ! », a-t-il dit ; et puis : «  J’ai attiré l’attention de mon collègue hongrois sur le fait que ni Russie, ni Chine ne sont amis de la liberté des petites nations – et aussi sur le danger qu’il y a à permettre à la Chine de construire une tête de pont en Hongrie ! »  Voilà qui est clair.

Szijjártó a protesté : des relations étroites avec Moscou ?! Mais l’UE est sur le point de signer des accords commerciaux avec la Russie ! Et puis les Etats-Unis sont l’un des plus gros investisseurs (le 2eme) dans le pays. Et puis, très important : la Hongrie, tout récemment certes, vient de signer un accord militaire qui autorise les Etats-Unis à utiliser le territoire hongrois – on apprendra bientôt de quelle manière précisément, une aide financière US pour l’élargissement de la BA de Kecskemét et l’achat d’un système américain de missiles anti-aérien. Tout cela n’est pas négligeable, certes.

A Varsovie mercredi, un ton différent. Certes, il s’agit d’une conférence sur “Paix et Sécurité au Moyen-Orient ”. Qu’est-ce à dire ? Pourquoi à Varsovie ?

De l’avis général, cette conférence est dirigée contre l’Iran : en bref, il s’agit d’enfoncer un coin entre l’Union européenne et le pays des mollahs. Le ministre iranien des Affaires étrangères a d’ailleurs protesté : Zarif fait allusion dans un tweet à l’accueil sur son sol de 100 000 citoyens polonais durant la dernière guerre mondiale : est-ce ainsi que l’on est remercié ? Or, la Pologne est l’un des meilleurs alliés des Etats-Unis, Beaucoup d’entreprises ont signé des contrats en 2018, et par ailleurs, la Pologne espère voir s’installer chez elle une grande base militaire permanente… Pour ce qui est du Moyen-Orient, objet apparent de cette conférence, Varsovie ne risque pas grand-chose : sa place est minime dans cette région du monde.

Il semble donc que le régime de Kaczyński-Morawiecki préfère aiguiser son statut de meilleur partenaire des Etats-Unis que peaufiner ses relations avec les Etats de l’UE. Il est vrai que l’administration Trump est beaucoup moins regardante que l’Union européenne sur les atteintes populistes à l’État de droit  ! L’Europe veut contourner les sanctions dangereuses mises en place par les Etats-Unis contre l’Iran, et elle y parvient partiellement ; mais Varsovie se range du côté des Américains. Fi, fi donc.

Il n’est pourtant pas nécessairement profitable à la Pologne de se ranger à ce point du côté de Donald Trump. De nouveaux problèmes risquent fort de surgir entre l’Union européenne et le pays de Mickiewicz. Vivement les élections.

 

 

 

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