Here’s to you Fariba and Roland…

Deux scientifiques français sont détenus en Iran et quasiment personne ne semble se soucier de leur sort.

Fariba Adelkhah, au Salon du livre à Paris. Foto: Georges Seguin (Okki) / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Jean-Marc Claus) – Le début de l’histoire remonte à plus de six mois. Quelques informations ont fait l’objet d’articles de presse durant l’automne, mais la médiatisation de l’affaire n’a pas connu alors une grande ampleur. Par ailleurs, comme pour toute incarcération de ressortissants français dans un pays tiers, c’est à dire hors Union Européenne, la situation de fait complexe nécessite évidemment des tractations diplomatiques impossibles à rendre publiques si l’on veut leur donner une chance d’aboutir. Cependant, en ce qui concerne Fariba Adelkhah et Roland Marchal, détenus tous deux en Iran à la prison d’Evin, il est grand temps d’en parler ici.

Universitaires de renom, employés par le Centre International de Recherches Internationales (CERI) de Science Po. Paris, ils avaient prévu de se retrouver à Téhéran le 05/06/2019. Fariba Adelkhah, anthropologue sociale et politique, spécialiste du monde chiite, travaille sur les réseaux religieux reliant l’Afghanistan à l’Iran. Roland Marchal, diplômé en mathématiques et sciences sociales, spécialiste de l’Afrique sub-saharienne et des Émirats Arabes Unis, devait se rendre au Kenya pour présider une conférence à Nairobi. Profitant des vacances de l’Aïd-el-Fitr, il a fait escale à Téhéran pour y retrouver son amie et passer quelques jours avec elle à randonner dans le désert. Les deux chercheurs se sont rencontrés à Strasbourg dans les années soixante-dix.

Ils ont tous deux été arrêtés à l’aéroport de Téhéran. Fariba Adelkha, qui possède la double nationalité franco-iranienne depuis le début des années 2000, a été initialement détenue pour espionnage et propagande contre le régime. Quant à Roland Marchal, faisant plutôt figure de victime collatérale selon certaines sources, il est soupçonné de menacer la sûreté de l’État. Il faut savoir que l’emprisonnement de scientifiques est monnaie courante en Iran. Le Royaume-Uni, les USA, le Canada, l’Australie et même la Suisse y comptent aussi des ressortissants détenus par le régime. Selon Jean-François Bayart, politologue professeur au Graduate Institute de Genève et chercheur honoraire au CERI, « La prison d’Evin est finalement une véritable petite université, composée de scientifiques étrangers, mais également iraniens. Une sorte de petite Sorbonne. ».

Il serait presque rassurant de savoir que les deux chercheurs ne sont pas en si mauvaise compagnie, du moins pour ce qui est de leurs co-détenus. Cependant, l’opacité de la procédure menée à leur encontre, l’absence d’informations précises sur leurs situations respectives et les difficultés rencontrées pour communiquer avec eux n’ont absolument rien de réconfortant. Roland Marchal, en sa qualité de ressortissant français, bénéficie de l’assistance consulaire, apprenait-on mi-Octobre 2019. L’Iran ne reconnaissant pas la double nationalité, Fariba Adelkhah ne peut en bénéficier. Lavée maintenant de l’accusation d’espionnage, mais maintenue en détention pour atteinte à la sûreté de l’État, elle est détenue avec les prisonniers de droit commun dans la section des femmes où elle peut recevoir la visite de sa sœur. Roland Marchal, surveillé par les Gardiens de la Révolution, est mis au secret, donc soumis à la censure, et ne peut voir son avocat que deux fois par mois. Les deux détenus ne subiraient pas de mauvais traitements physiques, quoique leurs conditions de vie en prison demeurent pour le moins spartiates.

Fariba Adelkhah, à qui les autorités refusent de voir Roland Marchal au seul motif qu’ils ne sont pas mariés, a pour protester débuté une grève de la faim le 24/12/2019, en même temps que Kylie Moore Gilbert, une co-détenue australienne. Elle réclame également la libération de tous les détenus scientifiques. Un mois plus tard, on apprenait qu’elle avait été mise sous perfusion. Devenue emblématique du combat pour la libération des prisonniers scientifiques en Iran, lavée des accusations d’espionnage, elle ne risque plus la peine de mort mais, accusée d’atteinte à la sûreté de l’État, elle demeure passible de cinq années de prison. Selon les spécialistes, il n’est pas à exclure que les deux chercheurs français soient libérés en échange d’Iraniens détenus en France. Nous nous abstiendrons ici et à ce propos de toute spéculation, nous limitant pour l’heure à contribuer à rendre publique leur situation afin de, dans un premier temps, lutter activement contre l’indifférence et l’oubli.

Here’s to you Fariba and Roland,
Stay all the time in our minds…

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