Hongrie : et hop !

L’expulsion d’Orbán : bonne, mauvaise nouvelle ?

Attila, le prédécesseur de Viktor Orban Foto: Csanady /Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Le Parti Populaire Européen, le groupe de centre-droit au Parlement européen, va essayer de débarrasser son nid de l’un de ses bébés-coucous, Viktor Orbán. Mais une telle expulsion serait-elle réellement bénéfique ? A quoi mènerait-elle, au juste ?

L’expulsion de Viktor Orbán de son groupe européen, le PPE, qui rassemble les partis de centre-droit, grosso modo, à tendances démocrates-chrétiens, est en marche. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase et dont nous avons rendu compte la semaine dernière dans Eurojournalist(e), ç’a été cette grande affiche sur les murs de Budapest. Elle exhibait de grandes photos croquignolesques en très gros plan de George Soros et de Jean-Claude Juncker, avec cette légende du plus pur style national-paranoïaque : « Vous avez aussi le droit de savoir ce que Bruxelles prépare ». Outre le fait que Bruxelles ne cache nullement ce qu’il « prépare », qu’ Orbán s’en prenne ainsi à ses petits camarades du PPE a soulevé une indignation légitime. Certes, le parti Fidesz et son dirigeant n’en sont pas à leur coup d’essai ; mais la plupart des députés PPE estiment maintenant qu’ils ont dépassé la mesure.

Expulser le Fidesz ? Un grand nombre de partis appartenant au PPE ont fait part de leur avis favorable à une procédure dans ce sens : 2 partis suédois (Moderaterne et Chrétiens-démocrates), 2 partis belges eux aussi très opposés à la présence du parti hongrois au sein de leur groupe ; le Kokoomus (Parti de la coalition nationale) finlandais ; le parti luxembourgeois de Juncker (Parti populaire chrétien social, dont certains membres font depuis longtemps part de leur opposition virulente au Fidesz) ; Nea Demokratia, le fameux parti grec ; le Parti populaire portugais et l’Appel démocrate-chrétien néerlandais.

Mais pour que le parti d’Orbán puisse être expulsé du groupe, il manque encore les suffrages de 7 partis qui d’après les statuts du PPE, doivent provenir de 5 pays différents ou de la présidence. Le président alsacien du PPE, Joseph Daul, si du moins il reçoit le nombre adéquat de propositions, s’entretiendra ensuite avec les dirigeants du Fidesz, puis l’expulsion du parti hongrois sera discutée assez vite, lors d’une réunion du groupe : à savoir sans doute dès le 20 mars. Le Fidesz pourra se défendre, s’il le trouve nécessaire… Les 260 membres (ou à peu près) de l’assemblée politique du PPE voteront alors, et la décision sera prise à la majorité.

La présence du Fidesz dans les rangs du PPE a été très contestée depuis son entrée ; cela principalement par ceux des partis qui représentent le plus fidèlement la ligne démocrate-chrétienne. Malgré ou plutôt à cause des prétentions d’Orbán à être le grand défenseur de l’ « Occident chrétien ». Certes, sa conception du christianisme est très particulière, puisqu’elle repose sur le rejet de l’universalité humaine, la fermeture et l’autoritarisme social.

Elle est contestée aussi parce qu’elle engendre un nivellement, un aplatissement du niveau des débats : les députés les mieux intentionnés, désirant construire et maintenir un consensus entre des conceptions politiques en définitive assez différentes (et sur certains points, opposées, se forcent à défendre une ligne médiane, une aurea mediocritas très nuisible à la discussion et à la résolution des problèmes.

En sens opposé, les inconvénients d’une ruade dans l’auguste arrière-train d’Orbán n’échappent à personne. C’est là que se trouvent les raisons des hésitations de certains partis fort importants : la CDU/CSU (le président du groupe PPE au PE, Manfred Weber, l’a bien fait entendre), le Fine Gael irlandais et l’ÖVP autrichien du Chancelier Sebastian Kurz, naguère ardent allié du Fidesz. C’est que cette expulsion priverait le groupe de centre-droit de 14 députés, qui vraisemblablement, iraient grossir les rangs de l’un des groupes d’extrême-droite : l’ENL (Marine Le Pen, Matteo Salvini, FPÖ autrichien, Geert Wilders,…) ou le CRE (Dupont-Aignan, etc). Cet apport serait le bienvenu dans l’un ou l’autre de ces groupes. Dans le second, surtout.

Quoiqu’il en soit,malgré les sérieux mouvements sociaux qui remuent la Hongrie (sans encore la secouer), le visage de Viktor Orbán n’est pas près de quitter les écrans et de disparaître de nos radars, hélas.

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste