Hongrie : un appel au bistouri européen

L’Europe bientôt gangrenée par la visegradite ?

Les valeurs de l'Europe ne relèvent pas de la démagogie populiste Foto: Derszi Elekes Andor / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Le parti Fidesz – comment qualifier ce parti ? National-conservateur ? Circum-fasciste ? Néo-horthyste ? – a largement gagné les élections en Hongrie dimanche dernier, avec 48% des voix. Son presque allié, le parti Jobbik, lui complètement fasciste, a comptabilisé presque 20% des voix, mais son dirigeant, Gabor Vona, blasé et horriblement déçu de son score, a annoncé sa démission dès dimanche soir.

La campagne électorale, tout comme les précédentes législatives en 2014, a été marquée par les intimidations, la surenchère dans la xénophobie, beaucoup d’allusions antisémites, la restriction à l’accès des informations et de la liberté de réunion, et comme de juste, l’opacité des fonds de campagne. Continuation pure et simple du jeu politique habituel depuis les débuts de l’ère Orban, en 2010. La population hongroise est bien placée pour connaître le mauvais état des soins médicaux et de l’administration dans le pays, et la corruption galopante du régime. Mais en 2015, à la vue des sondages de popularité catastrophiques, Viktor Orban trouve un bouc émissaire tout désigné : les migrants. Et les succès électoraux de Fidesz s’expliquent essentiellement par le fait qu’Orban a réussi, à coups de propagande et en muselant peu ou prou la presse hongroise, à se poser comme sauveur de la nation face à l’envahisseur sarrasin, comme rempart des « valeurs occidentales chrétiennes » – un motto récurrent dans ses discours.

Les « valeurs chrétiennes occidentales » ? Comment les autres pays de l’ Union européenne interprètent-ils une telle formule ?

Si bien évidemment, Jean-Claude Juncker et les dirigeants en vue y vont tous de leurs félicitations formelles, Orban bénéficie de congratulations chaleureuses venant des partis de droite, notamment de ceux qui composent le PPE. Mateusz Morawiecki, adepte du concept de « démocratie illibérale » forgé par Orban et Andrej Babiš, le Polonais et le Tchèque, se montrent particulièrement enthousiastes, ainsi que Beatrix von Storch, la dirigeante du parti d’extrême droite AfD, qui prône le meurtre des migrants, y compris femmes et enfants. Les valeurs chrétiennes, oui oui. Marine Le Pen jubile, elle aussi : « Les nationaux peuvent être majoritaires en Europe aux prochaines européennes, en 2019 ! » a-t-elle déclaré. A bon entendeur …

C’est le cas aussi de Horst Seehofer, l’actuel ministre CSU de l’Intérieur, des Travaux publics et de la Heimat, (si si), qui a exprimé son enthousiasme devant cette belle victoire. La CSU et le parti d’Orban sont particulièrement proches, d’ailleurs : leurs membres se rencontrent sans cesse lors de leurs séminaires, et Orban a même reçu le Prix Franz Josef Strauss, que décerne chaque année la Fondation Seidl…

En réalité, il semble bien que la CSU procède à une manœuvre de contournement et qu’elle attaque Angela Merkel par Orban interposé, en le poussant devant elle comme un cheval de Troie. N’osant mener l’offensive contre l’ex-chancelière par le biais d’un point aussi sensible (dans la perspective européenne) que celui des migrants, la CSU se sert du dirigeant hongrois pour tailler une brèche dans l’humanisme… chrétien de Merkel. Au nom des « valeurs chrétiennes occidentales ». Un beau paradoxe, non ?

De quoi sont faites ces valeurs ? En substance : de liberté, de tolérance et surtout, de fraternité. Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes et de l’Immigration, socialiste, réputé pour son engagement ardent pour une Europe qui oserait se regarder sans honte dans un miroir, a fait une très belle déclaration dès dimanche soir dans Die Welt (je traduis) :

« Plus que jamais, l’Allemagne et la France, tout comme les autres Etats membres de l’ UE qui ne restent pas indifférents, doivent rapidement et sans ambiguïté réagir en se fondant sur les valeurs de base définies dans les contrats européens pour neutraliser cette tumeur des valeurs (Wertetumor) ».

Voilà une très belle image. Une tumeur, c’est quelque chose qui croît et se développe sur un corps plus ou moins prédisposé, et qui ronge ce corps. Mais le mot « valeur » peut avoir un sens purement médical, aussi : les valeurs des substances cancéreuses, c’est le taux à partir duquel le corps est réellement atteint ; c’est le seuil. Ce qui se passe en Pologne, en Hongrie, en Autriche, en Italie, et le Brexit lui-même, semble bien indiquer que ce seuil est dépassé.  D’urgence, il faut opérer.

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