Hongrie : un miroir grossissant

Une dictature ? Pas encore, mais...

Une statue de Söllözi Foto: I Renard de Hongrie/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Sur la proposition du Premier ministre Viktor Orbán, le Parlement hongrois a voté hier l’état d’urgence (l’« état de danger »), qui donne à l’exécutif des pouvoirs exceptionnels. Normal en temps d’épidémie grave ? Oui, n’étaient les antécédents d’Orbán, inventeur de la notion de « démocratie illibérale », et la durée illimitée de ces mesures d’exception… Et nous, dans notre Far West ?

Mais s’il faut éviter d’en faire l’abcès de fixation d’une vertu démocratique qui n’existe guère (faute d’éducation suffisante et adéquate, comme le prévoyaient déjà Rousseau et Montesquieu), et dont nos gouvernements dissimulent l’absence sous une bonne dose d’hypocrisie, on ne peut que s’inquiéter pour l’avenir des libertés civiques en Hongrie.

Les mesures que la majorité de 3/5e des députés vient de voter sont au nombre de quatre : il s’agit de l’interdiction d’entrée en Hongrie, de la mise en quarantaine des Hongrois rentrant dans leur pays, de l’expulsion des étrangers récalcitrants, et de la réorganisation de l’instruction à distance. A quoi s’ajoute l’un des points les plus critiqués : une pénalisation lourde (jusqu’à 5 ans de prison) de la diffusion des fausses informations relatives à l’épidémie. Le problème demeurant, comme on l’a dit la semaine dernière, de définir stricto sensu ce qu’est une « fausse information relative à l’épidémie »…

Durée illimitée de l’« état de danger », pénalisation floue des fake news (ou pas fake) voilà les points les plus critiqués : ils le sont par Reporters Sans Frontières, OSCE, la Commission des Libertés Civiles du parlement Européen, le Secrétariat Général du Conseil de l’Europe, et… l’opposition hongroise. Cette dernière a fait circuler une pétition qui a été signée par des dizaines de milliers de personnes.

En principe, le Parlement peut mettre fin à cet « état de danger » à n’importe quel moment. Mais comme une large majorité est acquise pour le parti d’Orbán, le Fidesz, il y a bien peu de chances pour que cela arrive…

Ce qui inquiète surtout, bien évidemment, ce sont les antécédents de Viktor Orbán, sa gestion très autoritaire du pays, sa conception ultra-populiste de la politique. L’opposition craint fort qu’il ne finisse par supprimer complètement l’Etat de droit et la liberté de la presse, qui ont déjà subi de violents coups depuis quelques années. Et plus globalement, la liberté d’expression… S’ajoute à cela ce qu’on peut craindre un peu partout en Europe et dans le monde lorsque le « Problème COVID-19 » sera résolu : à savoir que les remèdes aux dommages causés à l’économie consisteront surtout dans la satisfaction de la clientèle du dirigeant ; ce qui implique malversations, favoritisme et atteintes au droit du travail.

Prenons garde, pourtant. Le 49.3, par exemple, n’est pas une disposition législative hongroise… L’exemple de la Hongrie nous est surtout utile comme miroir grossissant, et non pas comme ce régime que tant de médias douteux prétendent substantiellement différent de ceux qui existent ou se configurent actuellement à l’Ouest. Les dangers hongrois sont fondamentalement identiques à ceux qui nous menacent : prolongation indéterminée de mesures d’exception, atteintes diverses et multiples au droit du travail, divisions artificiellement introduites au sein de la population – pour mieux régner…

Nous devons rester vigilants, et craindre la mithridatisation des esprits.Bis repetita placent.

A consulter : Courrier d’Europe centrale https://courrierdeuropecentrale.fr/

 

 

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