Il faut arrêter de minimiser
Août 2018. Un air de 1933 flotte sur l’est de l’Allemagne. Le degré d’organisation de l’extrême-droite identitaire et des néo-nazis est inquiétant. Mais le problème ne se limite pas à une poignée de crânes rasés dérangés.
(KL) – Un mort après une rixe au couteau dont les circonstances ne sont toujours pas tout à fait élucidées, des attroupements de jusqu’à 6000 extrémistes prêts à des actes violents, des scènes de « chasse à l’homme », des anciens drapeaux allemands et le salut d’Hitler dans les rues de Chemnitz, une ville allemande, oui, ça fait peur. La victime est allemande, les présumés auteurs syrien et irakien, pour les extrémistes, tout le problème est là. Les auteurs sont des demandeurs d’asile. Le crime perpétué au couteau, de manière archaïque, « typiquement réfugié », selon les extrémistes qui sèment maintenant la terreur dans les villes de l’est de l’Allemagne. Cette attitude qui ressemble à celle de 1933, effet parfaitement voulu par ces identitaires extrémistes, ne se limite pas aux 6000 criminels qui s’attaquent à des passants et à la paix intérieure du pays. La situation est bien pire encore.
Les sondages actuels montrent qu’en Saxe, fief des extrémistes identitaires et de la « Pegida », l’AfD, le bras politique des différents groupes et groupuscules de cette extrême-droite identitaire, talonne déjà la CDU. La CDU se situe à 30% des intentions de vote, l’AfD à 25%, Die Linke à 18%, le SPD à 11%, les Verts à 6%, le FDP à 5%. Ce n’est plus qu’une question de temps avant que l’AfD ne dépasse l’ensemble des « Altparteien » (partis traditionnels). Dans le système fédéral allemand où le processus législatif passe par deux chambres, le Bundestag où siègent les députés et le Bundesrat, c’est-à-dire la représentation des Länder, une telle évolution serait catastrophique, car l’AfD pourrait, à partir de ce moment-là, peser directement sur la politique allemande. Même s’il convient d’être prudent avec des comparaisons historiques, nous voilà dans une configuration comparable à celle du moment de la prise du pouvoir par les nazis en 1933. Des casseurs militants bien organisés dans les rues, organisant la « chasse à l’homme », flanqués par un bras politique. Là, il n’est pas midi moins cinq, mais midi moins une.
Cette violence de rue différencie l’extrême-droite allemande de ses homologues d’autres pays. Après des années de discours anxiogènes, la stigmatisation d’une frange de la population, la stimulation de la frustration chez une partie des jeunes, nous voilà face à l’ardoise. DER SPIEGEL publie cette semaine des témoignages de citoyens et citoyennes allemands issus de l’immigration qui évitent aujourd’hui de traverser l’est du pays en train, préférant d’autres moyens de locomotion, de peur de se faire agresser par des néo nazis dans cette partie du pays. Le Conseil Nationale Israélite recommande d’éviter de porter la kippa dans la rue. On a enregistré 3500 attaques sur des structures d’accueil et des réfugiés en 2017. La peur est de retour en Allemagne. Cette traduction d’un discours politique violent en violences physiques dans la rue, cela rappelle trop les années 30 et la montée du nazisme.
Et ce n’est pas tout. Hier, les extrémistes ont publié sur les réseaux sociaux la copie du mandat d’arrêt concernant l’un des deux présumés auteurs de cet homicide, affichant ainsi leur excellente connexion au niveau des administrations du Land de la Saxe. Déjà par le passé, la police de la Saxe avait fait l’objet de critiques, puisqu’elle ferme trop souvent les yeux devant les crimes de caractère xénophobe. Maintenant, il apparaît clairement que les extrémistes bénéficient également de soutiens au niveau de la justice; et cette organisation est plus qu’inquiétante.
A Chemnitz, la situation ne se calmera pas, au contraire. Le Land de Saxe est en train de devenir le centre d’une évolution néo-fasciste et violente, fédérant l’AfD, la « Pegida » et toutes sortes de groupuscules xénophobes et néo nazis.
Le discours officiel se veut rassurant; il fait état de « quelque centaines de casseurs », mais cela ne reflète pas la réalité. Dès lors qu’un mouvement de rue violent trouve un bras parlementaire, ce qui est le cas avec l’AfD, la « Pegida » et les autres, toutes les alarmes devraient clignoter rouge. Il ne faut plus faire semblant qu’il s’agit d’une poignée d’idiots; il s’agit d’une organisation huilée capable de mobiliser de milliers de criminels en l’espace de quelques heures. Soutenus plus ou moins ouvertement par certains services de l’état, comme en partie la police et la justice, cette extrême-droite identitaire est beaucoup plus dangereuse qu’on ne veut bien le dire.
Les néo-nationalistes en Saxe ont le vent en poupe et affichent clairement leur référence à l’époque nazie – c’est maintenant qu’il faut réagir, avant qu’il ne soit trop tard. Le « nazisme 2.0 » s’installe actuellement dans l’est de l’Allemagne, et si on ne coupe pas court à ces agissements immédiatement, l’Allemagne court le risque de vivre un remake de l’histoire. Ce qui est le plus inquiétant, c’est que visiblement, aucun parti n’est capable de fédérer les opposants à cette évolution, laissant ainsi le champ libre à l’AfD qui, elle, connaît une ascension vertigineuse actuellement. Il faut stopper ces tendances néonazis en Allemagne. Maintenant.
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