Il faut sauver la Mar Menor !

L’eutrophisation des eaux de la plus grande lagune d’Europe se poursuit dramatiquement. Des décisions sont prises pour sa sauvegarde, mais le compte n’y est pas.

Le capitalisme n’est pas vert, même si sur l’ensemble de la planète, un billet de cette couleur le soutient. Foto: P4KT0 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – D’ici la fin du mois, cela fera deux ans que d’importantes manifestations se sont déroulées en Murcie, dans la ville portuaire de Carthagène, pour sauver la « Mar Menor ». La plus grande lagune d’eau salée d’Europe est clairement menacée, et comme nous l’avions relaté l’an dernier dans un précédent article, la population se mobilise. Fin août, une chaîne humaine rassemblant 70.000 personnes, a encerclé les 73 km de côte de ce site exceptionnel, pour attirer à nouveau l’attention des pouvoirs publics et des médias, sur une situation qui ne fait que de s’aggraver.

Il est très clair que se déroule dans cette région du Sud de l’Espagne, une catastrophe environnementale de grande envergure, à juste titre qualifiable d’écocide. Ce lagon de 170 km² dont la profondeur maximale n’excède pas 7 m, est contaminé par des eaux chargées notamment de nitrates et de phosphates. Issus de l’agriculture intensive, ces intrants provoquent une eutrophisation de l’eau, aboutissant inexorablement à la rendre impropre au développement de la vie animale.

La conjonction de phénomènes climatiques et de la pollution provoque des hécatombes impressionnantes de poissons. Par exemple, en octobre 2019, ce sont 3 tonnes de cadavres de poissons qui se sont échouées sur les rives du lagon, et en août dernier 4,5 tonnes. Cela fait maintenant une trentaine d’années que l’alerte est donnée. En 2019, le Bureau du Procureur de Murcie a ordonné une enquête, et cet été, l’Exécutif de Murcie a décidé d’interdire l’utilisation d’engrais azotés inorganiques dans une zone clairement définie à l’immédiate proximité de la lagune. Pour que soit prise cette décision, la Ministre de la Transition Ecologique Teresa Ribera (PSOE) et Fernando López Miras (PP), le Président de la Région de Murcie, ont enterré la hache de guerre, mais le problème n’est pas résolu pour autant.

Les engrais chimiques ainsi que l’excès d’engrais organiques, utilisés hors de cette zone d’exclusion, polluent d’autant plus les aquifères qu’une irrigation massive s’y pratique et des implantations illégales des surfaces cultivées y subsistent. Le compte n’y est vraiment pas. Comme l’ont souligné récemment plusieurs reportages, diffusés à la télévision nationale et dans de grands quotidiens, il y a urgence. A la croissance phénoménale d’algues recouvrant le fond de la lagune, s’ajoute la décomposition de sa biomasse privée de lumière par la présence excessive de micro-algues en suspension. Ce processus qualifiable de réaction en chaîne, prive alors d’oxygène, les poissons et crustacés.

L’Exécutif de Murcie s’est engagé à accélérer la fermeture d’exploitations agricoles illégales. Ce que salue la Ministre de la Transition Ecologique, mais restent des sujets sur lesquels il y a des divergences de vues fondamentales. Par exemple pour Fernando López Miras, le dragage du Canal de Marchamalo, permettra des échanges importants d’eau, du sud de la lagune à la Méditerranée. Ce qui n’est pas faux, mais plusieurs scientifiques mettent en doute la réelle efficacité de cette mesure. Plus que de disperser la pollution, il vaudrait mieux ne pas la générer. Ce qui est l’option envisagée par la Ministre de la Transition Écologique.

D’où l’idée, non seulement de la fermeture des exploitations agricoles illégales, mais aussi de reconversion des autres vers des modes de production et d’activité non polluants. Les engrais, pas seulement minéraux mais aussi organiques, aboutissent toujours dans les aquifères quand ils sont utilisés dans une optique productiviste. Le capitalisme, industriel ou agricole, n’est jamais vert. Il faut sauver la Mar Menor !

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