Il serait peut-être temps d’en finir avec Miss France, non ?

Le 11 décembre, une nouvelle miss France a été élue. C’est donc le moment de revenir sur une émission de télé toujours aussi populaire, mais loin de faire l’unanimité.

Depuis les débuts des élections de Miss France, on a toujours mis l'accent sur les capacités intellectuelles des jeunes candidates... Foto: Juliaaltagracia / Wikimedia Commons / PD

(Elise Arfeuille) – Valérie Pécresse commence ainsi : « Moi je vais vous dire, si être Français c’est ne plus avoir de sapin de Noël, c’est ne plus manger de foie gras, c’est ne plus avoir la chance d’élire Miss France et de voir des filles belles et intelligentes une fois par an et ne plus avoir le tour de France… », et la phrase reste en suspens. Le nombre de réponses et de critiques adressés à cette esquisse de phrase est assez hilarant à lire sur les réseaux sociaux.

Mais, même si beaucoup ne se reconnaissent pas dans ces propos, il n’en demeure pas moins que ces attachements français, soient toujours aussi populaires aujourd’hui, à l’image de l’émission de Miss France. Mais sous le prétexte de la tradition et des bonnes valeurs gauloises quelques peu chauvines, est-il vraiment nécessaire de poursuivre des habitudes d’un autre temps ? Car on pourra dire ce que l’on voudra, Miss France est problématique et n’est pas en phase avec les considérations sociétales en France. Non, Miss France n’est pas ambassadrice de la France.

« Miss France » est née en 1920, soit il y a plus de 100 ans. Et l’intitulé est très clair : concours de beauté. Avec les critiques adressées à l’émission au fil du temps, quelques modifications ont pu être entreprises, comme un test de culture générale ou encore un concours d’éloquence, pour cette année. L’émission se défend de tout sexisme et conservatisme. Car les candidates ont chacune la possibilité de défendre une cause qui leur tient à cœur. Ainsi, sous couverture de bons sentiments, il faut entendre leurs discours creux, ce qui est pour l’émission, l’argument suprême, afin d’affirmer qu’il s’agit d’une émission progressiste, puisqu’elle met en avant des jeunes femmes ambitieuses. C’est un moyen de réussite pour beaucoup d’entre elles. Ce seraient donc des jeunes femmes fières, émancipées, comme leur défilé en bikini, symbole d’émancipation, le prouve !

Mettre en avant des jeunes femmes ambitieuses, vraiment ? Alors, pourquoi sont-elles, dans un premier temps, résumées à des noms de régions ? Le parallèle entre la femme-objet est presque trop facile. Ce n’est pas Diane Leyre qui a été annoncée comme Miss France 2022, mais bien « Île-de-France ! », ce qui est assez paradoxal pour l’affirmation de son identité. S’il s’agit d’une opportunité pour elles de réussite, alors le concours se prend à son propre piège, en affirmant être résolument inégalitaire, puisqu’il ne laisse une chance de prétendue réussite, qu’à une minorité de femmes, « belles et intelligentes », pour reprendre les mots de Valérie Pécresse.

Quant au bikini, il était un symbole d’émancipation des femmes dans les années cinquante. Aujourd’hui, il suffit de marcher sur une plage en France, pour constater que ce n’est plus le cas. A moins que l’émission ne soit en retard de plus de 70 ans sur son époque, il semblerait plutôt que le bikini soit instrumentalisé pour mettre en avant le même type de corps, celui décrit comme « parfait ». Alors, bien sûr, chacun a le droit de s’exposer, comme il le souhaite, de montrer son corps, cependant l’argument du libre-arbitre n’est pas un rempart contre tout problème soulevé. Car il s’agit pour le concours de Miss France, d’une sexualisation de l’image de ces jeunes femmes, pour en faire seulement des corps à regarder, rien de plus.

Parce que, ce que l’on voit, ce sont des plans d’un voyeurisme flagrant, sur les courbes des candidates aux sourires crispés, le tout recouvert de paillettes et de jolies robes de princesses. Tant d’apparats, pour une émission toujours plus superficielle et déplorable pour l’image de la femme…

Ce serait un pléonasme que de trouver Miss France affligeant, pour juger des femmes sur leur corps, avec des critères aussi absurdes que terrifiants : faire au minimum 1m70, être célibataire, ne pas avoir d’enfant, ni divorcée ou pacsée, pas plus de 24 ans, ne jamais avoir posé nue, ne pas avoir de tatouage ou piercing. Belle représentation de la femme française, en effet. On n’oubliera pas de mentionner le stéréotype mis en avant par l’émission : la femme idéale selon les Français, un standard de beauté occidentale, jusqu’à lisser les cheveux afro de candidates, des relent racistes décomplexés. Là encore, c’est une évidence, cela ne correspond qu’à un pourcentage infime de la population. Cette représentation de la femme est bien plus susceptible de complexer celles et ceux – majoritaires- qui n’entrent pas dans ces standards de beauté, en véhiculant une image bien sûr fausse, de ce que devrait être la femme.

Si l’on évoque la procédure judiciaire engagée par l’association « Osez le féminisme » au Prud’hommes à l’encontre du concours, pour « non-respect du code du travail et discrimination », il semble que bien peu de choses soient à retenir de cette émission. Si ce n’est un formatage télévisuel, qui n’existe que pour une audience toujours au rendez-vous. On compterait plus de 7 millions de foyers, qui auraient visionné ce 11 décembre le couronnement de la nouvelle reine de beauté, soit 41% des téléspectateurs, toute chaînes confondues. Au vu de l’intérêt financier qu’un tel programme suscite, pourquoi arrêter une formule qui marche ?

Avec ce genre de réflexion, ce serait une grande partie de l’industrie télévisuelle à remettre en question…

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