Ils n’ont pas osé

Les Verts allemands voulaient imposer une limitation de vitesse à 130 km/h au Bundestag. Mais aucun des partis traditionnels n'a osé s'attirer les ires des lobbys automobiles.

Ce n'est pas demain la veille que cela changera... Foto: ProloSozz / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’Allemagne et l’automobile, c’est plus que la relation entre un pays et une industrie. L’automobile, c’est le veau doré, ce sont les bolides qui consomment beaucoup de carburant, mais qui peuvent rouler à 220, 240 ou même 260 km/h. Rouler à de telles vitesses, c’est dangereux, c’est onéreux et ce n’est pas nécessaire – mais toucher à la liberté de rouler aussi vite qu’on peut, ce n’est toujours pas possible en Allemagne.

La CDU/CSU, le SPD, le FDP et l’AfD ont voté contre l’introduction d’une limitation de la vitesse sur les autoroutes allemandes, seuls les Verts et Die Linke étaient favorables – la tentative de se mettre à l’heure des voisins européens avait une nouvelle fois échoué avec 498 votes contre, 126 pour et 7 abstentions. 13% de tous les accidents en Allemagne sont dus à une vitesse excessive – mais la liberté de pouvoir appuyer sur le champignon n’a pas de prix pour les automobilistes allemands.

Si aujourd’hui, environ 70% du réseau autoroutier allemand est libre de toute limitation de vitesse, il ne reste que peu d’endroits où la circulation permet de rouler vraiment vite. Outre le fait qu’à partir de 140 km/h, l’être humain subit des « mini black outs » de quelques milli-secondes lorsque le cerveau a trop d’informations à traiter, la maîtrise de ces vitesses nécessite un véritable apprentissage.

Un exemple du bien-fondé d’une limitation de vitesse est le tronçon de l’autoroute A5 depuis Bâle jusqu’à Freiburg. Sur ce tronçon, la police avait enregistré pendant des années un nombre élevé d’accidents, souvent occasionnés par des automobilistes suisses et italiens qui venaient le week-end en Allemagne pour laisser courir leurs bolides. Depuis que la police a introduit une limitation à 120 km/h sur ce tronçon, le nombre d’accident a baissé de moitié…

Mais dans le pays des grosses berlines et des voitures de sport de Zuffenhausen, la limitation de vitesse n’a pas bonne presse. Les Mercedes, BMW, Audi ou Porsche vendent de grosses cylindrées qui ne sont pas faites pour rouler sagement à 130 km/h, mais qui invitent à tester jusqu’où l’aiguille du tachymètre peut monter. Pour les Allemands, la vitesse est l’expression de la liberté, de la possibilité de se comporter avec moins de discipline que dans la vie de tous les jours.

Dans un pays qui compte 200 000 emplois dans l’industrie automobile et ses fournisseurs, on ne touche pas à l’automobile. En Bavière, siège de BMW et Audi, 30% du PIB sont directement ou indirectement liés à l’industrie automobile – et toute tentative de régler la circulation avec ces bolides de manière plus raisonnable, ne peut qu’échouer.

Pourtant, selon un sondage YouGov, 56% des Allemands seraient favorables à une limitation de 150 km/h sur les autoroutes allemandes, mais seulement 40% pour une limitation à 130 km/h. Les Verts souhaitaient que l’Allemagne s’aligne sur la France (130 km/h), ; mais la proposition n’avait aucune chance de passer – il suffit que les lobbys menacent les politiques de  pertes d’emplois et les politiques s’exécutent.

Pourtant, le numéro 2 du groupe SPD au Bundestag, Ralf Stegner, avait déclaré : « Une limitation de vitesse est favorable pour la sécurité routière et améliore le flux de la circulation. » Ce qui n’a pas empêché le candidat à la présidence du SPD de voter contre la proposition de loi des Verts…

Mais à un moment où la prochaine élection régionale se prépare en Thuringe (27 octobre) et que la possibilité d’élections nationales anticipées n’est pas à exclure au cas d’une fin prématurée de la Grande Coalition CDU/CSU-SPD, aucun parti n’a voulu prendre le risque de se mettre les lobbys et les puissantes fédérations des automobilistes allemands (comme l’ADAC) à dos – on peut donc continuer à jouer au pilote de Formule 1 sur les autoroutes allemandes. Freie Fahrt für freie Bürger…

3 Kommentare zu Ils n’ont pas osé

  1. Herr Littmann, das müssen auch Sie akzeptieren. Es gibt keine Mehrheit für eine generelle Geschwindigkeitsbegrenzung auf deutschen Autobahnen. Ja, einige übertreiben es. Aber fahren zu können ohne das beklemmende Gefühl, es könnte eine Radarkontrolle wegen 10 km/h Zuviel zuschlagen, hat etwas befreiendes.

    • Eurojournalist(e) // 24. Oktober 2019 um 21:31 // Antworten

      Ich akzeptiere das ja auch, selbst, wenn ich nicht einverstanden bin. Es ist eine demokratische Entscheidung. Die müssen zwar nicht immer unbedingt richtig sein (siehe Brexit…), aber dann sollen eben diejenigen rasen, die das für wichtig und richtig halten. Allerdings sollten die Raser dann auch akzeptieren, wenn es dann mal kracht (was bei über 200 km/h ziemlich blöde Folgen haben kann…). Auf geht’s – freie Fahrt für freie Bürger…

  2. Was sind denn „Raser“ im Sinne ihrer Definition?

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