Inégalités et pauvreté : les rendez-vous ratés du G7

Alain Howiller s’interroge sur les sujets discutés lors du sommet G7 à Biarritz. Tout en constatant que certains sujets auraient parfaitement eu leur place à l’ordre du jour des puissants du monde.

Les 3,4 milliards de pauvres n'intéressent pas vraiment les puissants de ce monde... Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – En ouvrant les travaux du G7, le Président Macron avait annoncé la couleur : rappelant que, présidant le G7 cette année, il voulait placer parmi ses objectifs prioritaires la lutte contre les inégalités et la promotion de l’éducation en particulier en Afrique, il n’a pas manqué de souligner que le sujet serait très présent, à Biarritz, dans les travaux des 7 puissances les plus avancées du globe représentant les… 2/3 de la richesse nette mondiale ! Et de fait, le président français avait invité 8 pays non membres du G7. En dehors du président de la Banque Africaine de Développement (BAD), étaient présents les responsables de cinq pays africains (Egypte, Afrique du Sud, Sénégal, Rwanda et Burkina Faso, ce dernier représentant également les 5 pays membres de l’organisme de coopération appelé G5 Sahel) ainsi que ceux de l’Australie, du Chili et de l’Inde.

En marge de la rencontre de Biarritz, on apprenait que les pays du G7 s’étaient accordés pour mettre à la disposition de la BAD un prêt de 251 millions de dollars en faveur de « l’Action positive pour le financement en faveur des femmes en Afrique (AFAWA) ».

3,4 milliards d’individus pauvres. – Cette information, la prise de position du président Macron, les pays invités : tout semblait annoncer des initiatives intéressantes sur le thème des inégalités et, a fortiori, de la pauvreté. Si une étude publiée récemment par « l’Institut Montaigne »(1) estimait que « près de la moitié des habitants de la planète, soit 3,4 milliards d’individus, ont de grandes difficultés pour satisfaire leurs besoins élémentaires », il relevait aussi qu’il y a aussi un… « désappauvrissement » du monde et une « diminution très nette des inégalités ».

Mais ces progrès qui donnent le change sur la réalité sont dus « en grande partie au développement fulgurant de la Chine, mais aussi de l’Inde et de l’Amérique Latine. On peut donc considérer que l’inégalité dans le monde entre les habitants du globe est plus faible que ce qu’elle était il y a 20 ou 30 ans », relativise François Bourguignon, économiste, directeur des études à « l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) » et ancien premier vice-président de la Banque Mondiale à Washington. « Là où il y a une vraie inquiétude », poursuit-il, « c’est concernant l’Afrique : c’est le seul continent en queue de peloton dans le classement des revenus ; et l’Afrique perd du terrain sur les pays émergents et même sur les pays les plus riches. » Il ajoute – et le drame des migrants réside là sans grande perspective de changement : « la croissance économique maintient la pauvreté là où la population croît de manière vertigineuse en Afrique, le nombre des pauvres est en train de croître ! »

Priorité aux actionnaires ? – Compte tenu de cette situation, on conçoit que la déception a été grande chez ceux qui s’attendaient à ce que le G7 propose et trouve des solutions. Constatant que la déclaration commune publiée à l’issue de ce 45ème sommet du G7 privilégie les questions d’actualité géopolitique (Ukraine, Iran, Libye, Hong Kong) sans même mentionner la lutte contre les inégalités, le « Pays », quotidien burkinabé, veut y voir, au nom des Africains déçus : « Les riches ne s’intéressent aux pauvres que par acquit de conscience. Tandis que l’ONG ‘Oxfam’(2), dirigée par l’ancienne ministre de l’Ecologie Cécile Duflot, met en cause ‘la priorité aux actionnaires’ née du ‘capitalisme néolibéral imposé par le G7’, elle enfonce le clou : elle déplore que le groupement des superpuissances mondiales ne parvient pas à prendre des mesures concluantes pour combler le fossé entre riches et pauvres… »

Le commentaire, pour le moins acide, de l’ancienne ministre tout comme l’article du « Pays » ne peuvent faire oublier que le G7 n’est pas un gouvernement mondial et encore moins un « Conseil de Sécurité » comme il existe à l’ONU : c’est plus simplement une sorte de « club » de discussion et de réflexion dont les membres espèrent voir avancer leurs thèmes de débats dans le bon vouloir de ceux qui se sont réunis : les inégalités avaient déjà été mis en évidence comme objet d’échanges au G7 de 2017, réuni en Italie, à Bari ! Cette fois-ci, le G7 de Biarritz a pris une dimension nouvelle grâce aux invitations lancées à des non-membres. On saura si les initiatives présentées à cette occasion seront plus fructueuses que celles étudiées lors des sommets précédents.

France-Allemagne : des pauvres aussi ! – Cela ne vaut pas seulement pour les pays où la pauvreté se traduit par des revenus de l’ordre de 1 à 2 dollars par personne et par jour (notamment en Afrique sub-saharienne), cela vaut aussi – toutes proportions gardées – pour les… pays du G7 où existent aussi des îlots de pauvreté et des facteurs d’inégalité ! On oublie trop souvent que 83 millions de personnes (16,9% de la population) vivent sous le seuil de pauvreté dans l’Union Européenne et touchent moins de 60% du revenu médian (moyen) dans l’UE. Selon ces critères de revenus, on compte 13 millions de pauvres en Allemagne, 12 millions en Italie, 10 millions en Grande Bretagne et 9 millions en France où les « dégâts » ont été limités grâce aux aides sociales ! Ces chiffres correspondent en gros à 14% de personnes en dessous du revenu médian (autour de 1.000 euros pour un individu et de l’ordre de 2.200 euros pour un couple). En Allemagne, où les aides sociales ont progressé de 4,4% en 2018, le pourcentage pour des niveaux de revenus comparables est de 16%.

On pourrait suggérer à Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission Européenne, d’organiser un « sommet » sur les inégalités et la pauvreté : elle contribuerait, en plus (et cela ne gâcherait rien) à une relance attendue de l’économie !

(1) L’Institut Montaigne est un « think tank » d’orientation néo-libérale créé, en 2000, par l’homme d’affaires Claude Bébéar, fondateur de la compagnie d’assurances AXA. Il est présidé aujourd’hui par Henri de Castries.

(2) OXFAM est une ONG, orientée à gauche, présente dans 90 pays : elle veut mobiliser les citoyens contre la pauvreté.

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