Inégalités et pauvreté ne sont pas près de disparaître de notre horizon !

On a tendance à nous focaliser sur les crises européennes et mondiales – mais devant notre porte, dans nos villes, une autre crise nous guette – celle de la pauvreté.

Ceux qui touchent vraiment le fond, se fichent pas mal des statistiques qui décrivent leur misère. Foto: Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – Il est bien dommage souvent que l’actualité chasse l’actualité et qu’on passe ainsi à côté d’informations qui, pourtant, mériteraient d’arrêter plus longuement l’attention. Ce qui est le cas de l’étude publiée récemment par l’INSEE (Institut National de la statistique et des études économiques) sur «Les niveaux de vie en France». L’étude, certes, porte sur l’année 2013 mais en constatant, pour la première fois depuis le début de la crise (2008), que la tendance notée cette année-là poursuit l’évolution déjà relevée l’année précédente, elle souligne ce qui semble devoir être une tendance consolidée. Le grand constat de l’analyse statistique se résume en cette phrase lapidaire : «Les inégalités entre les plus modestes et les plus aisé se réduisent».

D’une certaine manière, on ne peut que s’en féliciter si ce n’est que cette réduction d’écart semble bien être moins liée à la progression des revenus des plus pauvres qu’à une diminution du niveau de vie des plus aisés du fait de l’augmentation de la pression fiscale et de la dégradation des revenus du patrimoine (intérêts, dividendes) ! Y aurait-il ici de quoi conforter ce vieux propos de Benjamin Disraeli (1804 à 1881), ancien Premier Ministre britannique et Chancelier de l’échiquier, qui mettait en garde contre l’utilisation et l’interprétation des statistiques : «Il y a le mensonge, le sacré mensonge et… la statistique», disait-il !

Le taux de pauvreté des chômeurs a baissé ! – L’outil a heureusement évolué depuis ! Et le résultat énoncé n’entend pas vouloir dire que les réductions notées sont uniquement dues au tassement des revenus des plus riches (par exemple les rentrées des 10% de contribuables percevant plus de 37.200 euros par an ont régressé de… 1,8%), car des améliorations on été relevées parmi les catégories les plus modestes : par exemple le taux de pauvreté des chômeurs a baissé de 38,7% à 37,3% sur un an grâce à l’augmentation des allocations-chômage, et le revenu disponible de ceux qui touchent 10.700 euros par an (!) a progressé de… 1,1% sur un an.

Le taux de pauvreté, qui concerne 8,6 millions de personnes, a de fait reculé de 0,3 points, constat qui relativise fortement la tendance de réduction des inégalités soulignée par l’INSEE. Rappelons que le seuil de pauvreté correspond à 60% du «revenu médian» de la population, soit en gros, 1.000 euros par mois ! Notons aussi que le revenu médian du fait de la crise a baissé et le seuil de pauvreté s’est abaissé : ce qui a également contribué à générer l’amélioration constatée !

Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, la plupart des associations qui se penchent sur la situation sociale des Français, insistent sur la modicité de l’évolution constatée et en relativise l’effet. C’est ainsi que ATD-Quart Monde (association fondée en France en 1957 avec l’appellation «Aide à Toute Détresse», devenue «Agir Tous pour la Dignité Quart Monde» et qui agit dans 29 pays contre la grande pauvreté) souligne : «Une baisse de 0,3% ne peut pas se constater sur le terrain, les pauvres n’ont pas du tout vu leur situation changer !»

La pauvreté à Mulhouse et Strasbourg ! – Faut-il être surpris par les résultats de deux sondages réalisés, par Ipsos, pour le «Secours Populaire» (créée en 1945, c’est aujourd’hui, avec un budget annuel de plus de 300 millions d’euros, la troisième association d’aide sociale derrière la «Croix Rouge» et le «Secours Catholique») qui constate que 57% des Français déclarent avoir été, à un moment, près de connaître la pauvreté et que 6 enfants sur dix (en particulier dans la tranche des 11/14 ans !) disent avoir peur de devenir pauvres ! Et sans doute, le fait que, d’après l’analyse de l’INSEE, les enfants de moins de 18 ans ont vu fléchir de 0,8% (à 19,6%) le taux de pauvreté, ne changera pas grand chose à ce «ressenti» !

L’observatoire des Inégalités (association indépendante qui, depuis 1901, s’est fixée pour objectif de rassembler toutes les données concernant les inégalités en France) relève de son côté, à cet égard : «Les plus pauvres se concentrent massivement dans les agglomérations… (Pourtant) la pauvreté rurale des plus âgés existe, mais en quantité minime comparée à celle des jeunes qui vivent au bord des périphériques des grandes villes !» Un constat qui vaut aussi pour l’Alsace : Mulhouse n’est-elle pas, selon une autre étude de l’INSEE régionale, la ville qui, avec 30% (!) de pauvres, détient le record du «taux de pauvreté alsacien» et Strasbourg ne se classe-t-elle pas, derrière Lille et Marseille, au troisième rang des dix villes françaises avec un taux de l’ordre de… de 22% !

L’Alsace connaissait pourtant, avec près de 12%, l’un des taux de pauvreté les plus faibles de France (chiffres de 2012) comparé, par exemple, aux taux de ses futurs partenaires de la «méga-région de l’Est» : la Lorraine avait un taux de pauvreté de 14,6% alors que le taux en Champagne-Ardenne était de 15,4% !

En Allemagne aussi ! – En comparaison du taux national (14%, pour 8,6 millions de pauvres en France), l’Allemagne n’est pas épargnée contrairement à l’image de «pays de cocagne» que les observateurs français (mis à part ceux liés à l’extrême gauche comme Jean Luc Mélanchon) aiment cultiver.

Avec près de 12,5 millions d’habitants (15% de la population environ) sous le seuil de pauvreté, l’Allemagne, malgré ses succès économiques et son attractivité, n’échappe pas à ce phénomène, à ce fléau, qui s’appelle «pauvreté». Le fait que les «länder du Sud» (Bavière et Bade-Wurtemberg), échappent davantage à la pauvreté n’enlève rien à une qui n’épargne pas les enfants, qui frappe souvent les retraités et qui, en même temps, est un «sous-produit» du chômage (voir eurojournalist.eu du 20 févier). L’Europe, ici comme ailleurs, doit trouver en elle, les ressources nécessaires pour lutter contre un fléau qui exige, lui aussi, plus -et non pas moins- d’Europe !

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