Iran-Europe : Ultimatum et conscience de soi

L’Europe au pied du mur

L'Iranienne Foto: Reginald gray (auteur)/Wikimédia Commons/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Voici 2 jours, asphyxié par la dénonciation du traité nucléaire par Donald Trump et ses sbires, l’Iran a lancé un ultimatum aux puissances qui continuaient à respecter ce traité. Parmi elles, les principaux pays européens et l’UE. Une belle occasion pour Hassan Rohani, le président iranien, de mettre le doigt sur la plaie : pour ce qui est de la partie européenne, ne subsistent semble-t-il que l’inaction, l’indécision et l’impuissance.

Il y a un an, le 8 mai 2018, Donald Trump déclarait avec fracas qu’il allait dénoncer le traité conclu avec l’Iran le 14 juillet 2015, qu’on appelle le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action). Ce traité accordait les parties dans la limitation de la progression iranienne sur la voie d’un armement nucléaire conséquent.

L’Iran a grosso modo respecté ses engagements, si du moins on en juge par les conclusions de l’ AIEA, l’Agence internationale de l Energie Atomique. Cela signifie entre autres, but not least, qu’il a suivi pendant un an les prescriptions du JCPoA sans aucune contrepartie… Volonté, de la part des Etats-Unis, d’humilier sciemment le pays ? En prenant en compte la grossièreté coutumière des Etats-Unis et son inflation trumpienne, on peut avancer que cette stratégie d’humiliation est partie intégrante de l’intention majeure des Américains (davantage celle de John Bolton, d’ailleurs, le secrétaire d’État de Trump, que du président orange lui-même) : il s’agit de renverser le régime iranien, ni plus, ni moins.

Première rafale de sanctions, en août 2018 : l’automobile, l’aviation civile, les métaux précieux et… les dollars. Novembre 2018, seconde rafale, plus grave encore : le pétrole, mis carrément sous embargo. Ces mesures s’accompagnent de la visite touristique de bombardiers et d’un porte-avions, le 5 mai dernier, aux abords des côtes caspiennes.

Richard Grenell, ambassadeur en Allemagne, envoie le jour même où Trump dénonce le traité un message aux Allemands : “Les entreprises allemandes qui travaillent en Iran doivent immédiatement y cesser leurs affaires”. Ah ? Berlin refuse sur le même ton, d’autres pays européens de façon moins sèche.

L’Europe a réagi ; on espérait alors, voici un an, que l’embargo iranien allait réveiller l’UE et les 3 « grands pays » ( l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, les E3), de leur sommeil enchanté. (voir mes articles du 11 et du 18 mai 2018 dans Eurojournalist(e)). En janvier 2019, elle a ainsi créé ce zébulon administratif qu’on nomme INSTEX (Instrument in Support of Trade Exchanges).Il a pour but de réaliser, de façon plus rigoureuse cette fois, ces regulation blocks qu’on avait mis en place avec un certain succès contre l’embargo de Cuba, en 1996 : il s’agit de contourner l’extraterritorialité du droit états-unien, et par conséquent, les sanctions infligées par les USA aux pays qui continueraient à commercer avec le Diable enturbanné, et à user pour cela, parfois, de dollars.

Un mécanisme trop faible, hélas, et de portée trop restreinte. Beaucoup trop restreinte. Au cours de l’année 2018, le rial a perdu au moins 70 % de sa valeur : il y eût donc eu fort à faire. Mais malheureusement, le maintien du commerce avec l’Iran ne concerne pas l’essentiel, à savoir le pétrole, mais seulement les aliments et les médicaments, que les Américains ont exclu de toute manière de l’embargo !

Il est vrai que le groupe E3 se heurte à une difficulté considérable : il demande à l’Iran de se mettre en conformité avec les règles de la Financial Action Task Force sur le blanchiment d’argent et le soutien financier aux organisations terroristes (les Américains ayant d’ailleurs rangé d’autorité parmi ces organisations les Pasdarans, ou Gardiens de la Révolution, aux côtés du Hezbollah…). Mais les autorités iraniennes ont refusé… Dommage.

Le pire : l’INSTEX ne s’est pas même entendu, ou quasiment pas, durant ses trois mois d’existence, sur ses manières pratiques d’utilisation !

Et voilà. Voilà que le président Rohani réagit à cette année d’humiliation en adressant un ultimatum : 60 jours pour trouver comment contourner les sanctions US. Ou sinon, poursuite du programme nucléaire, entre autres, modernisation du réacteur à eau lourde Arak. Rohani a fait entendre que l’Iran dépense actuellement beaucoup d’argent pour contenir sur ses frontières des meutes d’Afghans et des avalanches d’opium, mais que cela risquait de changer si les conditions actuelles elles-mêmes changeaient : au cas où les Européens ne feraient rien, l’UE et l’E3 seraient donc envahis par des hordes de Baloutches charriant des montagnes de chnouffe pour pourrir encore plus l’Occident roumi.

Cet ultimatum ne concerne pas seulement l’Europe, mais aussi la Chine et la Russie. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est dans quelle mesure l’Iran pourraient servir de révélateur de l’Europe à elle-même. L’Europe n’a pas besoin, comme les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, de s’inventer un ennemi : elle a besoin de se définir elle-même et de s’unir dans l’action.

 

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