Iran-Trump : l’aura-t-il, sa guerre ?

Les Européens veulent attendre et voir.

La récolte de roses dans la province d'Isfahan Foto: Mostafameraji/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Lundi dernier, le 17 juin, s’est tenue une réunion qui rassemblait les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union Européenne. Comme la sagesse l’impose évidemment, les ministres ont décidé de ne pas s’aligner en rang d’oignon et d’examiner plus avant les “preuves” de la culpabilité iranienne dans l’attaque, le 13 juin dernier au sud-est du Détroit d’Ormuz, de deux pétroliers, norvégien et japonais,  à moins de 30 milles nautiques (50 kms environ) des côtes iraniennes. La Grande-Bretagne, cependant, qui nous a certes habitués par le passé à de semblables faits de bassesse et de servilité, s’est rangée immédiatement aux conclusions des Malbrough de Washington.

Prudence : la responsabilité de Téhéran n’est nullement établie dans ces attaques.Une certaine presse française, celle précisément qui aime à taire le massacre des enfants yéménites, met lourdement l’accent sur les menaces réitérées de l’Iran, par le passé, de bloquer le golfe d’Oman. Il est vrai que l’endroit est très stratégique pour le marché mondial du commerce : il est le lieu de passage obligé du pétrole provenant des pays du Golfe. Mais aux assertions sur les mauvaises intentions des perfides Iraniens, on pourra rétorquer qu’avant que John B. Bolton ne devienne le secrétaire général préféré de Donald Trump, il affirmait dans un ouvrage explicite la nécessité de dégommer le régime iranien, éventuellement même au prix d’une opération militaire…

Et puis, à qui profiterait le minage de pétroliers à cet endroit ? Nullement à Téhéran, point n’est besoin de se prénommer Albert pour le comprendre. A moins qu’il s’agisse du produit de quelque rivalité interne entre factions, peut-être dirigée contre le Président Rohani et les (relativement) modérés du gouvernement. Cela reste à examiner, certes.

En attendant des éléments d’information plus consistants et plus concrets, on se prend à craindre un scénario à l’irakienne où guerre, déstabilisation et déstructuration ravageraient une fois de plus toute une partie du monde et occasionneraient un terrorisme renouvelé et le déracinement de millions d’êtres humains…

Tout cela à partir du cerveau fécond de quelques barbouzes de la CIA et de celui, docile, du Président de la plus grande puissance du monde. Sans doute est-ce à cela que Trump aspire aujourd’hui dans le pays voisin de l’Irak ? Car la déstabilisation du régime iranien n’aurait nullement pour effet, comme le prétendait Bolton au début des années 2000, un « soulèvement populaire », mais bien plutôt une gigantesque explosion, une de plus dans cette région hautement inflammable.

Lundi dernier, donc, une réunion se tenait à Luxembourg. Absents : le ministre français Le Drian (pourquoi ?), le Belge Reynders et… Jeremy Hunt, le Britannique. Tous les présents, à commencer par la dirigeante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, ont réaffirmé la nécessité de la prudence, de ne pas rééditer le scénario belliciste de 2003, et à la base, de sauver l’accord sur le nucléaire iranien contre sa dénonciation par Washington et les sanctions économiques que les Etats-Unis infligent à Téhéran.

Mais l’accord sur le nucléaire peut-il encore être sauvé ? L’Iran a décidé, suite aux sanctions économiques de plus en plus lourdes, de ne plus respecter à partir du 27 Juin prochain les limitations de ses réserves d’uranium enrichi et d’eau lourde. Que faire, alors ?

Tout dépendra, dit Federica Mogherini, des conclusions de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique : si, comme il l’a fait jusqu’à présent, l’Iran respecte ses engagements, no problem. Mais au cas contraire, l’Union Européenne devra revoir sa position.

Toute cette histoire repose donc sur un double pari – mais comment faire autrement ? Le pari que Téhéran respectera ses engagements, et celui qu’il ne cédera pas aux provocations grossières du Président américain.Les deux étant intimement liés.

Comme l’a dit lundi dernier l’excellent Jean Asselborn, ministre socialiste des Affaires étrangères luxembourgeois : « La tâche principale des ministres des Affaires étrangères est d’éviter la guerre (…). Je suis persuadé, comme je l’étais en 2003, qu’il ne faut pas faire l’erreur de croire qu’on puisse résoudre un problème au Moyen-Orient avec les armes. »

Si si : en Iran vivent des êtres humains. A Isfahan vivent des musiciens et des poètes, et les roses fanent déjà un peu…

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