Iran : un blindage européen contre les Etats Unis ?

Les dirigeants européens, notamment Macron et Merkel, ont beaucoup claironné contre la remise en vigueur des sanctions en Iran. Mais que va faire l’Europe, et que peut-elle faire ?

L'immense bouclier de Ferdowsi, pour parer les coups américains. Foto: Mostafameraji / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Voici quelques années, les Etats Unis ont lourdement sanctionné quelques entreprises européennes pour avoir entrepris des transactions en dollars et pratiqué des échanges avec des pays que Washington avait placés sous embargo.

BNP Paribas, notamment, a été contrainte de verser 8,9 milliards de dollars ; de grandes banques allemandes, la Deutsche Bank et la Commerzbank ont dû, elles, payer 258 millions de dollars et 1,45 milliard de dollars. Dans le cas d’entreprises européennes investissant en Iran et actives dans ce pays, Airbus doit actuellement subir ces sanctions : une dizaine d’avions a été commandée par l’Iran, mais des pièces sont fabriquées aux Etats Unis. Et voilà que pleuvent les sanctions… Total, compagnie française, a investi 5 milliards de dollars en juillet 2017 pour exploiter un gisement de gaz naturel offshore, à South Pars. Pertes sèches si Total quitte le pays, mais sanctions s’il y reste. Renault de même. Et PSA. Et Accor. Etc !

Que faire, et comment contrer ces diktats économiques internationaux de Washington ?

Théoriquement, l’ensemble des dispositions juridiques américaines devrait trouver en face de lui son équivalent, un jumeau européen qui puisse être à même de le neutraliser. Il s’agit de s’attaquer à l’extraterritorialité de certaines lois américaines, en stipulant que ces lois ne peuvent être appliquées dans l’Union européenne. Une telle loi existe déjà : c’est la loi de blocage, votée en 1996 pour passer outre l’embargo de Cuba et par le fait, inaugurer une politique économique européenne indépendante. Avec quelques aménagements, elle pourrait fort bien s‘appliquer au cas iranien actuel.

Mais il faudrait aller plus loin : jusqu’à créer un équivalent européen de l’ OFAC américain. L’OFAC, c’est l’ Office of Foreign Assets Control, un organisme chargé d’appliquer les sanctions internationales dans le domaine financier. Cet organisme d’envergure dépend du Département du Trésor. Il emploie 200 personnes et bénéficie d’un budget de 30 millions de dollars. L’OFAC applique les lois américaines extraterritoriales concernant la corruption d’agents publics à l’étranger (par l’effet du Foreign Corrupt Practices Act, voté en 1977) et les investissements étrangers non conformes dans le sens qu’on vient d’évoquer.

Dans les institutions européennes et parmi les spécialistes, on discute depuis une douzaine d’années de l’utilité d’une tel organisme administratif de contrôle et de répression. Mais nous en sommes bien loin : les Etats désunis d’Europe ne sont pas les Etats Unis d’Amérique. L’accord initial sur la création d’un tel organisme n’est même pas acquis, loin s’en faut (l’Allemagne donnerait-elle seulement son accord ?) ; et lorsqu’il le serait, resterait encore à accorder les éléments juridiques et financiers d’une telle création.

Enfin, last but not least, on se souvient que c’est par le système bancaire Swift, essentiellement américain, que transitent au moins 90% des fonds internationaux transférés : il faudrait donc trouver le moyen de contourner Swift en créant un équivalent européen.

Si la France restait concrètement conforme à certaines propositions émises par le ministre de l’Economie français Bruno Le Maire vendredi dernier, elle jouerait un rôle moteur dans la constitution de ce pare-feu contre l’autoritarisme économique américain. Espérons qu’elle le fera, et que les autres suivront.

 

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste