Italie : danger !

Les beaufs riches du Nord s’allient aux saltimbanques attrape-mouches

La Via Sacra, à Rome : vers quel avenir ? Foto: Carla Tavares / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0int

(MC) – Les élections italiennes du 4 mars 2018 ont vu une très nette victoire de l’alliance entre le parti des poujadistes du Nord, la Ligue, et le M5S (Mouvement 5 Etoiles) : une formation qui attrape tout ce qui passe par là, vieillards à caniches, jeunes boutonneux ” antisystème ” (un mot aussi hideux que ” disruptif ” ; ” antisystème ” et ” disruptif ” sont les deux substantifs à la mode cette année), ménagères Michu grincheuses, fiers-à-bras de trattoria. 60% des électeurs ont voté pour ces formations ; la participation, contrairement à ce qu’on pourrait croire, a été très forte (75%).

Le contexte était agité et violent. La cible principale,ce furent les migrants, et par supposée voie de conséquence, le parti des Démocrates, parti de centre gauche dirigé par Matteo Renzi. 630 000 migrants sont arrivés en Italie en 3 ans, du début 2014 à la fin 2017, ce qui est considérable. La droite extrême a monté en sauce dans ces années là. L’animosité d’une part importante de la population, et donc de l’électorat, s’ est alors retournée contre ceux qui croyaient que ces migrants étaient des êtres humains, ce qui semblerait pourtant vrai. Les élections municipales de 2017 ont vu l’échec cuisant des maires qui appliquaient le programme gouvernemental de distribution des réfugiés sur l’ensemble du pays (3 pour 1000 habitants, avait-on décidé). S’ajoutent à cela les mesures prises par Renzi en 2014, qui visaient à « assainir » le marché du travail et qui l’ont rendu largement impopulaire.

En janvier 2018, le meurtre dans une petite ville des Marches d’une jeune fille de 18 ans, Pamela Mastropietro, a soulevé toute l’Italie. Le meurtrier était un demandeur d’asile nigérian… En représailles, Luca Traini, un candidat de la Ligue aux élections de 2017 qui lisait assidument Mein Kampf au petit déjeuner et des ouvrages d’anthologie du fascisme italien au coucher, vide deux chargeurs de son arme semi-automatique sur un groupe d’Africains en beuglant : « Dehors, les Noirs ! » Radikal ausrotten, en somme. Quatre personnes ont été ainsi grièvement blessées.

Le ton monte alors entre Matteo Salvini, le dirigeant de la Ligue, et le président du Sénat, homme de gauche. Les fascistes débarquent dans cette bonne ville de Macerata, bras raidi pour pallier leur membre défaillant, et le 10 février, une manifestation antiraciste rassemble au moins 20 000 personnes issues de toutes sortes d’ organismes et de groupes socialistes, humanitaires et humanistes.

Aux élections du 4 mars, la gauche est écrasée, et la coalition M5S – Ligue ramasse presque 60% des votes. La gauche de Matteo Renzi est laminée, mais aussi le parti de Berlusconi, Forza Italia ! Après bien des péripéties dues au caractère problématique du système électoral bicamériste, les deux partis improbables forment un gouvernement. Di Maio, le chef du M5S, devient une star. Marine Le Pen et Nigel Farage, l’apprenti sorcier ricanant du Brexit, félicitent avec enthousiasme le joyeux duo concertant.

Le 14 mai, une ébauche de programme a été diffusée par un journal italien. Elle n’est pas faite pour rassurer : ni dans le domaine économique, ni dans le traitement du problème migratoire, ni surtout (mais ceci est lié à cela) par son euroscepticisme virulent, le seul point d’ailleurs sur lequel les deux partis s’entendent tout à fait.

Dès le mercredi 15 mai, la Bourse de Milan a chuté. Les investisseurs s’inquiètent. Outre une politique très musclée en matière de migrants, outre des prestations sociales démagogiques et irréalistes, Beppe Grillo, le clown triste qui dirige le M5S et son camarade Salvini proposent l’annulation par la Banque Centrale Européenne d’une partie de la dette italienne (250 milliards d’euros). Ils demandent la sortie de l’euro. Et pour couronner l’ensemble de cette pièce montée poujadiste, ils proposent de lever toute sanction contre Moscou et de reconnaître la valeur inestimable de l’engagement démocratique de Vladimir Poutine (j’exagère à peine).

Enfin, les deux partis veulent fonder un comité de conciliation qui mettrait les dirigeants d’accord en cas de problème ou de litige dans l’exercice du gouvernement. Etrange, puisque cet organisme, non constitutionnel, planerait au-dessus du gouvernement et détiendrait le pouvoir de décider à la place de ce gouvernement…

On reconnaît bien, dans cette esquisse de programme, l’atmosphère vespasienne qui enrobe le « programme » du Front National français : incompétence économique, démagogie grossière, complotisme emprunté aux réseaux sociaux, poujadisme indécrottable (« on paie trop d’impôts »), culte rétribué de la personnalité du tsar Poutine.

Une ambiance qui flotte en Italie, mais non moins dans un nombre respectable de pays européens.

Beaucoup parlent de totalitarisme naissant. C’est possible, mais le fœtus du monstre ne s’est pas encore tout à fait développé. Le totalitarisme représente ce qu’est le titre nobiliaire pour le grand bourgeois : il a l’argent, mais pas le prestige, pas l’aura. Le totalitarisme, au fond, c’est l’aura de la misère intellectuelle.

Aujourd’hui, nous avons la misère intellectuelle ; demain, quand de séduisants oripeaux totalitaires auront revêtu ces hideurs, certaines de nos masses y sauteront à pieds joints. Soyons attentifs, en tout cas, et prescrivons une bonne cure de caféine aux institution européennes.

 

 

 

 

1 Kommentar zu Italie : danger !

  1. Es geht viel schief in dieser EU, keine Frage. Aber linke Stimmungsmache und Kritik wird nicht weiterhelfen. Überlegen wir doch mal objektiv, was die Bürger in die Arme solcher politischen Kräfte treibt.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste