Italie : la carpette et le lopin

On s’alarme de la constitution du dernier gouvernement en Italie. Et on a raison : leur programme est aussi incohérent et aberrant que ceux de tous les partis populistes en vogue.

Un casque de gladiateur romain Foto: Jebulon / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(MC) – On est très inquiet quand on prend connaissance du caractère presque infantile de ces propositions, de leur absence de pertinence dans la conjoncture qui est celle de 2018, et pire : de leur incohérence. On a envie de dire : de leur amateurisme.

Les 2 partis au pouvoir, le Mouvement 5 étoiles et la Lega (Ligue du Nord) veulent cesser d’être liés pieds et poings aux règlements européens et refusent l’appartenance à la zone euro. C’est surtout la Ligue qui inscrit cela explicitement dans le texte programmatique. Ces démagogues mauvaisement naïfs veulent faire apparaître l’Euroscita, la sortie de la monnaie commune, comme un acte de libération par rapport au carcan européen.

Les dirigeants de ces partis démagos coalisés font valoir essentiellement les avantages suivants de leur programme :
il s’agit de rendre l’économie italienne compétitive grâce à une dévaluation ; des taux d’intérêt bas pourraient stimuler les investissements ; l’État pourrait dégager en peu de temps plus d’argent s’il ne s’obligeait plus à respecter les règlements européens, et ainsi, soigner des domaines en perdition dans un pays en crise.

Mais tout cela repose sur une absence de connaissances et d’observation de l’état réel du pays. Dans une large mesure, l’Italie EST compétitive : le PIB est en hausse ; le pays n’a donc pas besoin de dévaluation !

Pour ce qui est des taux d’intérêt, ils sont déjà beaucoup plus bas qu’ils ne l’étaient à l’époque des monnaies nationales. Par contraste, la hausse vertigineuse des taux la semaine dernière, juste avant et après l’annonce des résultats électoraux, offre un petit avant-goût de ce qui menacerait l’Italie en cas de sortie de l’euro, avec les effets qu’on imagine sur l’investissement dans le pays…

Enfin, les dettes psychédéliques de l’État italien limitent durablement ses possibilités financières ; et cela d’autant plus que la situation politique est incertaine. Proposer une augmentation des dépenses publiques est donc risqué dans ce contexte, même si cela semble souhaitable dans plusieurs domaines…

C’est précisément le remboursement de ces dettes qui s’élèvent à 2,3 milliards d euros qui serait menacé en cas de sortie de l’euro. Un gouvernement qui a promis à ses électeurs une hausse des dépenses publiques et simultanément, une baisse des impôts, devra nécessairement essayer de s’en sortir en augmentant drastiquement les taux d’intérêt ; l’effet sur l’investissement serait alors évidemment négatif.

L’Etat italien serait alors menacé de faillite. Cela peut être indifférent, voire même attrayant, aux yeux d’un gouvernement populiste : en Argentine, vers l’an 2000, on a fait disparaître les créanciers sous la moquette d’un coup de balai enchanteur.Mais les créanciers, eux, n’étaient pas enchantés. Or, le cas est très différent. Si en Argentine, par exemple, le gros des troupes des créanciers est étranger, ce n’est pas le cas de l’Italie : les 2/3 des dettes de l’Etat sont contractés auprès de citoyens italiens et de la Banque d’Italie. C’est donc principalement aux Italiens qu’une faillite (ou une inflation en flèche, possiblement induite) nuiraient; ils perdraient alors la plus grande partie de leurs biens. Un beau paradoxe, et même, une belle contradiction : les créanciers se trouvent surtout dans les milieux aisés du Nord, dans ce Nord où précisément la Lega a le plus grand succès électoral ! Les électeurs de la coalition démago ont donc voté contre eux-mêmes, contre leurs propres intérêts.

Une sortie de l’euro n’apporterait donc pas grand-chose, mais ferait perdre beaucoup. D’après le droit européen, cette sortie de l’euro aurait aussi pour conséquence une sortie de l’UE : l’économie italienne serait alors coupée du marché européen, et les citoyens ne goûteraient plus aux délices des libéralités européennes. Une situation d’une très dangereuse incertitude – aussi inquiétante, et plus encore, que celle de la Grande-Bretagne après le Brexit.

Pourquoi une élection aussi catastrophique et aussi lourde de conséquences néfastes pour l’Italie ? Quel est ce serpent qui siffle en son sein ?  A l’origine, certes, on l’a dit la semaine dernière, le problème des migrants et les effets ambivalents de la politique d’assainissement de Mario Renzi ces dernières années. Mais il y a aussi un phénomène courant dans toute l’Europe, et cependant très accentué dans ce pays : l’indifférence des citoyens face à la politique, et la médiocrité insigne des médias.

Restons cependant persuadés que l’approche du danger aiguise la conscience des citoyens européens : le désastre italien n’est pas encore enclenché, et sa perspective réveille les intelligences dans la péninsule.

 

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