Italie : un beau geste pour la minorité slovène
Réparation des torts causés par les fascistes à Trieste
(Marc Chaudeur) – Il se passe parfois des événements exaltants et forts en Europe. Le 13 juillet dernier, par exemple, l’Italie a restitué à sa minorité slovène la Maison culturelle, incendiée par des hordes fascistes (les squadristi) avant une période de persécutions qui s’est prolongée jusqu’à 1945. La restitution s’est accomplie en présence, main dans la main, des Présidents de l’Italie et de la Slovénie. Voilà qui tranche avec le comportement stupide de certain prédécesseur italien, qui fut hélas président du Parlement européen tout récemment. Une réparation très attendue. Notamment par Boris Pahor, 106 ans, Slovène de Trieste, ancien détenu du Struthof et qui compte de nombreux amis à Strasbourg.
Boris Pahor était âgé de 7 ans lors de l’incendie perpétré par des fascistes italiens de la Narodni Dom, à Trieste (cette appellation signifie « Maison nationale », une appellation évidemment insupportable aux assassins ultranationalistes italiens). Et pourtant, la ville d’Italo Svevo a connu une histoire mouvementée, éminemment pluriculturelle et plurinationale. L’écrivain auteur de Pélerin parmi les Ombres a ensuite côtoyé l’exécution, le 6 septembre 1930, de quatre partisans – trois Slovènes et un Croate – qui s’en étaient pris au siège d’un canard fasciste d’une immonde bassesse dans le village de Bazovica/Basovizza. Dimanche dernier, c’est à la préfecture de ce village où les deux Présidents, Borut Pahor et le sage et sicilien Sergio Mattarella se sont inclinés que l’écrivain a reçu l’Ordre du mérite de la République italienne.
Boris Pahor a exprimé fortement son sentiment de bonheur à cette occasion : selon lui, aujourd’hui, cent ans après l’incendie du Narodni Dom, justice est rendue enfin durant cette journée merveilleuse que célèbrent ensemble les deux Présidents et les deux pays. « Le rêve est devenu réalité », a-t-il précisé. Un siècle après le forfait.
Pourquoi si longtemps après les faits ? C‘est que les nationalismes et les polémiques restent vivaces. En partie parce que les Slovènes, en Italie et en Slovénie, ont recouru à des actes de vengeance en 1945 : et cela dans les fameuses foibe, ces cavernes souvent étroites et profondes où les Slovènes ont précipité de nombreux Italiens fascistes ou de ceux qu’on soupçonnait plus ou moins vaguement de l’être ou de l’avoir été. (voir nos articles à ce sujet dans Eurojournalist). Surtout au-dessus de Bazovica/Basovizza, lieu décidément tragique. On imagine bien quelle haine les crimes des fascistes avait semée parmi les habitants des lieux et plus généralement autour de Ljubljana, la capitale slovène… On imagine bien aussi comment la droite nationaliste de ces deux pays jette depuis un siècle de l’huile sur le feu et entretient aujourd’hui encore la polémique, en tirant chacun la nappe de son côté au point de faire tomber la soupière, comme le Zappelfilipp de notre enfance.
Voilà donc qu’avant-hier, les deux Présidents se sont rencontrés devant ces lieux tragiques, qu’ils ont rendu la Maison culturelle slovène aux associations culturelles de la bonne ville de Trieste et qu’ils se sont recueillis devant le monument à Ferdo, Fran, Zvonimir et Alojz, main dans la main. Le Président italien, natif de Palerme, connaît le prix de la violence et du crime : la raison majeure de son engagement politique, en 1980, c’était l’assassinat de son frère par la Mafia.
N’oublions pas non plus qu’un problème tout à fait analogue se pose entre Italie et Croatie. Et ce qui est encore aux yeux de beaucoup un véritable contentieux n’a pas vraiment été réglé. Il le sera certainement quand le gouvernement croate changera de mains et finira par adopter une ligne réellement démocratique, par de là toute surenchère nationaliste. Quand du moins l’économie croate se portera mieux qu’aujourd’hui…
A consulter : http://www.primorskidnevnik.eu/
et l’excellent https://courrierdesbalkans.fr/
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