Ite missa est ?

Le torchon brûle entre le Gouvernement de Catalogne et le cardinal-archevêque de Barcelone.

A la Sagrada Familia, basilique barcelonaise appelée aussi « Temple Expiatoire de la Sainte Famille », certaines expiations demeurent en suspens... Foto: Felvalen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Le 06 juillet 2020, la famille royale d’Espagne a participé à la célébration d’une messe en mémoire des victimes de la Covid-19, à la cathédrale Santa Maria la Real de la Amudena, au cœur de Madrid et dans le respect des normes sanitaires. Dix jours plus tard, un hommage laïque était rendu aux mêmes victimes au Palacio Real, présidé par Felipe VI accompagné de Letizia, Leonor et Sofía. Y participaient les plus hautes autorités de l’État, ainsi que de nombreux dirigeants de l’Union Européenne et d’organisations internationales. Tout cela dans le respect des normes sanitaires en vigueur. Alors, pourquoi, après la mi-juillet, les foyers infectieux s’étant multipliés notamment en Catalogne, le cardinal Omella a-t-il célébré le 26 juillet 2020 une messe réunissant 500 personnes à la Sagrada Familia, en plein cœur de Barcelone ?

L’interdiction de rassemblements de plus de 10 personnes dans les espaces publics et privés lui était connue. Le Gouvernement de Catalogne lui avait pourtant proposé de diffuser à la télévision cette messe si elle était célébrée sans public. Mais le prélat est resté sourd aux consignes et propositions venant des autorités séculières. La messe a été dite, et le lendemain, Joaquim Torra i Pla dit Quim Torra, Président de la Generalitad de Catalunya, n’a pas caché son mécontentement. Le cardinal-archevêque de Barcelone et président de la Conférence Épiscopale Juan José Omella se verra infliger dans un premier temps une sanction dite administrative, mais le dossier n’est pas clos.

En arrière-plan de ce rapport de force d’un jour existent des tensions plus anciennes, certaines remontant notamment aux événements de 2017 où les mobilisations indépendantistes en Catalogne furent réprimées durement. Quim Torra, l’actuel président de la Generalitad, étant affilié à un mouvement indépendantiste (Crida Nacional per la República) alternant entre positions radicales et modérées, on ne peut raisonnablement voir en lui un farouche guérillero. En revanche, en catholique pratiquant, il se place résolument du côté de l’église des pauvres, des travailleurs et des opprimés. Ce qu’il rappelle au cardinal-archevêque Omella en citant comme référence Ernesto Cardenal Martínez (1925-2020), un prêtre nicaraguayen, théologien de la libération qui fut ministre de la culture de 1979 à 1987.

Le bras de fer est donc engagé entre un politique affirmant « Mon église est celle qui se tient aux côté des prisonniers et qui condamne la répression. », et un homme d’Eglise qui invoque la liberté de culte , alors qu’une semaine auparavant l’évêché de Sant Feliu de Llobregat – église parallèle reconnue par le Vatican et  implantée aussi à Barcelone – avait publié juste avant le week-end, une note incitant à se soumettre aux recommandations des autorités civiles… Pas très catholique, cette affaire là ! Pas très catholique, mais très politique, puisque le cardinal-archevèque Omella veut visiblement marquer des points. A son tour, il attaque la Generalitad au motif que la Sagrada Família étant alors ouverte au public, la célébration d’une messe y demeurait possible.

Du coup, Carles Puigdemont, contre qui un mandat d’arrêt international lancé en 2019 par le Tribunal Suprême court toujours, en a remis une couche, accusant le prélat de ne pas s’être comporté comme un homme d’Église à l’automne 2017, mais comme un homme d’État (sic). Le cardinal-archevêque Omella est-il à ce point inféodé à la Couronne d’Espagne et résolument anti-indépendantiste ? Autant son happening ex cathedra n’a absolument rien de justifiable, autant le diaboliser est totalement hors de sens.

Il faut savoir qu’à l’époque des tensions entre le Gouvernement Rajoy (PP) et les indépendantistes, période ayant connu son point d’orgue avec la répression policière contre le référendum pour l’indépendance, Juan José Omella avait tenté d’assurer l’interface, comme le fait souvent la diplomatie vaticane au crédit de laquelle figurent plusieurs succès.

Refusant de se laisser qualifier de médiateur politique, il avait  rencontré Mariano Rajoy (président du Gouvernement Espagnol), Carlos Puigdemont et Oriol Junquera (président et vice-Président de la Generalitad de Catalunya), Rafael Ribó Massó (médiateur du  Síndic de Greuges de Catalunya), Jordi Cuixart i Navarro (leader souverainiste actuellement emprisonné). Alors que depuis février 2018 les évêques de dix diocèses catalans appellent à une réflexion apaisée sur le sort des indépendantistes emprisonnés, soulignant qu’il y a en Catalogne un problème politique de premier ordre (sic), Juan José Omella reste en contact avec certains prisonniers, mais sans leur rendre visite. Ainsi la messe n’est-elle pas encore dite.

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