« Je n’ai pas honte de mon pays, j’ai honte de mon gouvernement »

Natacha Y. [nom changé par la rédaction] est une étudiante russe et vit à Strasbourg. Elle nous raconte les fractures dans son pays et des difficultés de gérer la situation actuelle.

De plus en plus de Russes trouvent le courage de dire "non" à Poutine et sa guerre... Foto: Amaury Laporte / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – « Ici à Strasbourg », dit Natacha Y., « la majorité des Russes que je connais, sont totalement contre cette guerre de Poutine et nous sommes choqués par ce qu’il se passe en Ukraine. ». Mais la situation n’est pas évidente pour ces jeunes Russes qui vivent à l’étranger. Menacés par une loi qui interdit toute aide à un état étranger, ils doivent gérer même des déchirures familiales, car souvent, les familles en Russie, soutiennent la guerre, tandis que d’autres membres de la famille sont radicalement opposés à cette guerre et organisent même des aides humanitaires pour l’Ukraine. En dehors d’une terrible guerre militaire, une guerre de propagande sévit de tous les côtés.

Natacha Y. est abonnée aux chaînes d’information russes et ukrainiennes et elle assiste quotidiennement aux manipulations d’informations. « Le seul moyen d’obtenir de ‘vraies’ informations, ce sont les amis qui sont sur place et qui vivent un cauchemar sans nom », dit Natacha Y. « Qu’est-ce qu’il est rumeur, qu’est-ce qu’il est ‘fake news’, qu’est-ce qu’il est manipulation, on l’ignore. Même en s’informant des deux côtés, il est quasiment impossible d’avoir des informations fiables ».

Née d’un père ukrainien et d’une mère russe, la famille de Natacha Y. est une famille « typique » en Russie. Beaucoup de familles ont des racines russes, ukrainiennes, biélorusses et autres et ceci explique en partie, les différentes positions concernant cette guerre au sein même des familles. Mais quels sont les arguments des membres de sa famille en Russie qui sont favorables à cette guerre ? « Ils répètent la propagande », explique Natacha Y., « ils me parlent des Américains, de leurs agressions en Iran, en Irak et ailleurs. Ils parlent aussi de ce qu’il se passe depuis 2014 dans le Donbass et pour eux, les séparatistes pro-russes sont des victimes. Pourtant, depuis le début de la guerre le 24 février, on voit que la situation dans le Donbass n’était qu’un prétexte pour attaquer toute l’Ukraine. »

Et quid des protestations en Russie ? « Prenez l’exemple de Lioudmila Naroussova », répond Natacha Y., « cette sénatrice russe a créé une plate-forme pour les mères des soldats qui veulent savoir où se trouvent leurs fils et s’ils sont encore en vie. Mais cette initiative n’obtient aucune réponse et pire, leur site internet a été déconnecté par le gouvernement. » Protester contre Poutine, est en acte de bravoure ces jours-ci en Russie.

A Strasbourg, la diaspora russe s’organise, tout en étant obligé de prendre des précautions. Le procureur russe a mis en garde les ressortissants russes vivant à l’étranger : « Il faut tenir compte du fait que la fourniture d’une assistance financière, logistique, de conseil ou autre à un État étranger, à une organisation internationale ou étrangère ou à leurs représentants dans des activités dirigées contre la sécurité de la Fédération de Russie, contient des signes d’un crime au sens de l’art. 275 du Code pénal de la Fédération de Russie (haute trahison) », tout en rappelant que la peine prévue par cet article, peut être une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 20 ans.

« Mais nous ne pouvons pas rester immobiles face à cette guerre », dit Natacha Y. et donc, avec des amis russes et ukrainiens, ils organisent des collectes de médicaments et d’autres aides humanitaires, ils récupèrent sous de grandes difficultés des familles à la frontière ukrainienne-polonaise, ils refusent d’être simples observateurs.

Et comment se sent-elle, en tant que Russe à l’étranger ? « Je me sens mal », avoue Natacha Y., « heureusement que je suis entourée par des gens qui comprennent la situation et mon attitude. Vous savez, je n’ai pas honte de mon pays, mais j’ai honte de mon gouvernement. Là, il ne s’agit pas de la guerre de la Russie ou des Russes, mais il s’agit de la guerre de Poutine. »

Si vous souhaitez apporter une aide humanitaire aux populations ukrainiennes, vous pourrez contacter :

Collecte de médicaments et de matériel médical à destination de l’Ukraine
Barreau de Strasbourg, 3 rue Général Frère, 67000 Strasbourg, soit directement au cabinet de l’Avocat Yegor Boychenko, 14 Boulevard Clemenceau, 67000 Strasbourg. Médicaments recherchés : Doliprane Paracétamol, Antalgiques : 70% injectables, 30% comprimé ; Antibiotiques (nouvelle génération) ; Anti-inflammatoires (non stéroïdien), Antiseptiques pour le traitement des plaies ; Antiseptiques pour le traitement des mains ; calmants, somnifères ; compléments alimentaires type Fortimel ; eau stérile, type perfusion

Il y a également une collecte de vêtements, chez Pavlov, 21 rue Philippe Jacques de Loutherbourg, 67000 Strasbourg 06 09 11 04 94

Pour ceux qui habitent au nord de Strasbourg, possibilité de faire les dépôts au cabinet infirmier situé au 17 rue des Chanvriers, 67760 Gambsheim.

Des transferts vers l’Ukraine vont s’effectuer tous les jours.

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