Je vous embrasse (peut-être l’année prochaine…)

La corona-crise ne change non seulement nos habitudes, mais aussi nos comportements. Pour éviter que nos sociétés s'abrutissent de plus en plus, il faudra développer d'autres façons de gérer nos relations.

Lorsqu'il faut éviter de se faire la bise, il faudra trouver d'autres moyens pour exprimer son ressenti... Foto: Bundesarchiv, Bild-183-F1227-0028-001 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’être humain est un « animal » tactile. Peut-être ce besoin de contact physique nous vient de la préhistoire, lorsque nos ancêtres se trouvaient autour du feu en gardant un contact proche, histoire de ne pas mourir de froid en hiver. Ou peut-être parce que le toucher est quelque chose d’agréable, tout simplement. Le contact physique est l’expression de la proximité entre deux êtres. Mais depuis un an, le contact physique est assimilé à quelque chose de dangereux, de potentiellement mortel et donc, à juste titre, on ne s’embrasse plus, on ne se serre plus la main et on évite de manière générale, tout contact physique. Bien entendu, la pandémie nous oblige à éviter tout contact physique, mais il serait illusoire de penser que ce changement de comportement radical, puisse rester sans conséquences.

Après un an de pandémie, beaucoup de gens ont les nerfs à vif. Les discussions deviennent plus rude, les commentaires sur les réseaux sociaux sont de plus en plus acerbes, insultants, agressifs. Dès qu’une occasion se présente, beaucoup de gens se lâchent. Le plus fort signe d’affection dont nous disposons, est un court contact coude-à-coude et à vrai dire, cette façon de se saluer à toujours quelque chose de gauche, de peu naturel. Depuis des lustres, nous exprimons le degré de sympathie avec autrui par un geste physique. Soit, on se serre la main, soit on se claque la bise, soit on se salue sans contact physique. Le côté physique de nos rencontres suit un code sociétal qui, depuis un an, s’est perdu. Il manque une dimension dans nos relations et pour l’instant, nous n’avons pas encore trouvé un autre moyen pour exprimer ce que nous avions l’habitude d’exprimer par une bise, par une accolade ou par l’absence des deux.

Un an d’isolement physique, et la fin de cette précaution sanitaire n’est pas en vue. Qui sait si un jour, nous nous remettrons à nous faire la bise, à nous serrer la main. Considérant que cette pandémie est loin d’être terminée, il y a de fortes chances à ce que nous allons garder ces distances pendant longtemps. Mais cela veut dire qu’il faut trouver d’autres codes sociétaux, d’autres façons de nous exprimer l’affection ou au contraire, l’antipathie. Alors, qu’est-ce qu’il peut remplacer le contact physique qui restera pendant longtemps un geste considéré comme dangereux ?

Il ne nous reste que la parole. A un moment où il n’est pas possible d’exprimer son ressenti par des gestes, il faudra remplacer les gestes par la parole. Mais cette parole est actuellement la seule « soupape » pour évacuer agressivité, frustration, angoisse et insécurité – et donc, la parole est souvent faussée par nos propres craintes et états d’âme et souvent, nous ne faisons pas assez attention à la façon dont nous nous adressons à autrui. C’est à ce niveau que nous devrons faire des progrès. L’Autre n’est pas notre para-tonnerre chez qui nous allons déposer notre angoisse existentielle, mais l’autre est notre compagnon de fortune – nous sommes littéralement tous logés à la même enseigne et la seule voie de sortie de cette crise, sera par un effort commun. Et pour lutter ensemble, il faut qu’on s’entende.

Il convient donc de surveiller notre langage, notre propre agressivité, nos propres frustrations. Les choses que nous avons actuellement à endurer, sont (plus ou moins) les mêmes pour tout le monde. Au lieu de nous diviser, par la parole, par les actes, par les gestes, nous devrions nous rapprocher.

Peut-être nous n’allons jamais revenir à ces « codes d’avant », peut-être on ne se fera plus la bise, peut-être nous ne nous serrions plus la main. Ce serait dommage, mais il est possible que la situation sanitaire l’exige. Commençons donc dès maintenant à changer notre façon de parler et de réagir, considérons l’Autre comme un compagnon de (mal-)fortune, et soyons solidaires. La situation n’est pas plus facile pour les autres non plus et si nous nous divisons dans nos angoisses et craintes, la situation ne pourra que s’empirer. Si ce changement d’année ne se prête pas exactement aux résolutions, essayons quand même de modérer nos paroles. Il ne faut pas oublier que les bises et accolades doivent actuellement être remplacés par les paroles – tant qu’à faire, tâchons à ce que nos paroles soient gentilles, réconfortantes et encourageantes. Et les choses se passeront un peu plus facilement…

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