Jean Castex, Macron et La Fontaine : une conjoncture qui laisse espérer !

Alain Howiller analyse les chiffres actuels de la conjoncture. Malgré la crise qui s'accentue, il y a quand même de l'espoir...

Alain Howiller se pose la question si Jean Castex suit sur les traces de Georges Pompidou... Foto: US National Archives and Records Administration / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – « Et maintenant : au travail » – en concluant ainsi sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée Nationale qui en fera à une large majorité le deuxième Premier ministre du quinquennat Macron, Jean Castex a, en fait, résumé en quelques mots ce qui attend – ici comme ailleurs dans le monde- nos économies considérablement affaiblies par une crise sanitaire d’une rare violence. Je ne reviendrai pas longuement, cette fois, sur le scénario-catastrophe avancé à l’occasion de la sortie (provisoire ?) de crise !

Le Fonds Monétaire International (FMI) a, en quelque sorte, résumé ces approches en soulignant : « La pandémie a eu un impact plus négatif que prévu sur l’activité économique au premier semestre et le retour à la croissance sera plus graduel qu’anticipé ». Ce que le FMI avait exprimé à travers ces quelques chiffres : une chute de la croissance (PIB) en zone euro de -10,2% en 2020 (mais +6% en 2021), -12,5% en France cette année (+7,3% l’année prochaine), -7,8% en Allemagne pour +5,4% en 2021 ; -12,8% en Italie contre +6,3 % en 2021. Les chiffres ont été revus par la Commission de Bruxelles qui prévoit -7,7% de PIB en 2020 pour la zone euro contre +6,3% en 2021 ; -8,2% pour la France contre +7,4%, -6,5% pour l’Allemagne contre +5,9%, -9,2% en Italie contre +6,5%.

Territoires et  départements sauvés des eaux ! – Et si, malgré les premières annonces de réductions d’effectifs parfois impressionnantes dans plusieurs secteurs (aéronautique, automobile, tourisme, distribution), ces chiffres annonçaient les batailles à engager, dont les plans de relance devront limiter les effets pour ne pas perdre la guerre contre le chômage et la décroissance ? « Les perspectives ne sont pas des plus engageantes. C’est un euphémisme… Nous entrons dans des temps qui vont être durs, très durs. Pour nos entreprises, pour nos concitoyens, pour nos territoires… Mais le pire serait de nous y résigner. En vérité, il n’y a pas de fatalité », affirmait Jean Rottner, le Président du Grand Est, lors de l’adoption par les conseillers régionaux réunis en assemblée plénière, du « Business Act Grand Est », ce plan qui veut faire d’ici à 2030 du Grand Est « la région référence au cœur de l’Europe, le laboratoire et la vitrine des transformations écologiques, industrielles et numériques en s’appuyant massivement sur le capital humain du territoire. »

Le territoire, notion que Jean Castex a repris 25 fois (!) dans son discours d’investiture devant l’Assemblée Nationale, deviendrait-il enfin l’un des cadres-clés pour la relance ? Ce serait l’une des leçons qu’on aurait tiré des innombrables cafouillages qu’il y a eu lors du confinement entre les services de l’Etat et les collectivités territoriales : une loi organique devrait situer la place et le rôle des collectivités en plaçant en tête non pas les régions (comme François Hollande), ni les municipalités (comme l’avait esquissé Emmanuel Macron, il y a peu encore), mais les… départements que le Président de la République avait envisagé de supprimer au début de son mandat !

De Gaulle – Pompidou : même combat ? – Un pas de plus vers ce que le nouveau Premier Ministre a appelé « une France du bon sens et de la raison », une illustration de ce « droit à la différenciation » qui tombe à pic au moment où les deux départements du Rhin s’engagent dans leur fusion au sein d’une « Collectivité Européenne d’Alsace – CEA » qui doit être mise en place le 1er Janvier 2021, alors que, chère à De Gaulle, l’idée de l’intéressement des salariés aux résultats des entreprises avait déjà été relancée par Emmanuel Macron. Jean Castex, qui se réclame du « gaullisme social », a profité de son discours de politique générale pour ressusciter la création d’un « Commissariat Général au Plan » que le Général avait lancé en 1946 et qui avait été supprimé en 2006 ! Il y a, sans aucun doute, du… Pompidou dans ce Premier Ministre qui a la réputation, comme son lointain prédécesseur devenu… Président de la République, d’arrondir les angles, de mettre de l’huile dans les rouages et d’être un « arrangeur » (1) de dialogue !

En plus de beaucoup de courage, il lui faudra déployer ces qualités pour faire face à une situation économique qui attend la relance. Il pourra s’appuyer sur une sortie de crise qui, malgré les prévisions pessimistes qu’on ne peut évidemment pas ignorer, donne des signes de redressement. Tout en constatant que la crise provoquée par le Covid-19 a été plus forte que les crises précédentes (celle -financière- initiée en 2009, par exemple), la plupart des économistes ont constaté que, finalement, elle a été plus courte : les offres d’emplois (hors intérim) ont retrouvé leur niveau d’avant, fin Juin le niveau de la consommation ne se retrouvait plus qu’à -3% par rapport au début du confinement (contre -30% en pleine crise), dès la sortie du confinement l’activité économique dépassait les 60% de l’activité d’avant le Covid-19, l’industrie ayant même retrouvé un peu plus de 80% de son activité, pour la Banque de France, le PIB devrait progresser de +14 % au troisième trimestre alors qu’il avait chuté de… 14% durant la crise.

La conjoncture dans le Grand Est. – Dans le Grand Est que la crise avait fortement éprouvé en raison notamment de la présence importante de l’industrie, l’INSEE relève que « la perte d’activité était estimée à -30% au mois d’avril », alors qu’au mois de juin, elle serait encore « inférieure de 12% à son niveau d’avant-crise… dans certains secteurs moins touchés par la crise : agriculture, industrie agro-alimentaire, secteurs de l’énergie, de l’information, de la communication, activités financières, secteur non marchand…. »

Pour la Banque de France, la « note de conjoncture dans le Grand Est » constate : « Accélération des cadences de production en Juin. Carnets de commandes en deçà de la normale. Croissance de la production à court terme avec une stabilité de la main d’œuvre. Accroissement de la demande et de l’activité pour les services marchands. Orientation à la hausse du courant d’affaires pour les semaines à venir avec un maintien des effectifs… » Dans l’industrie (près de 19% de l’emploi total), la banque constate une « croissance de la production, mais baisse des effectifs », tout en s’attendant à « un accroissement de la production à court terme avec un maintien du personnel. » Dans les services marchands (un peu plus de 18% de l’emploi total), la banque relève : « activité et demande en hausse, mais inférieures à un niveau normal » et elle s’attend dans ce secteur à « une poursuite de la progression dans les semaines à venir. »

Une crise comme aucune autre ! – Face à une « crise comme aucune autre », pour reprendre les termes utilisés par le FMI, les gouvernements, les chefs d’entreprises, mais aussi les citoyens sont confrontés à des choix décisifs qui dépassent largement les postures et la gouvernance des « il n’ y à qu’à ! » Les nouveaux chemins pour s’en sortir ne sont pas encore balisés, alors que la pandémie continue de rôder. Les semaines qui viennent seront décisives pour l’avenir de nos sociétés. Rien n’est perdu et les signes de redressement commencent, contre toute attente, à se dessiner. Au cœur des solutions que les plans de relance devront concrétiser, il faudra placer cette notion perdue : la solidarité. Car avec la pandémie, pour paraphraser le fabuliste Jean de la Fontaine dans « Les animaux malades de la peste », « ils ne mouraient pas tous, mais ils étaient tous frappés ! »

(1) Lire « Souvenirs, souvenirs… » de Catherine Nay – Robert Laffont, éditeur – 350 pages, 21,50 euros.

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